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Matthias Hartwich

Le train a atteint sa vitesse de croisière

Matthias Hartwich dans un ancien poste d’aiguillage CFF à Bienne.

Il y a une année, Matthias Hartwich entrait en fonction en tant que président SEV. Rétrospective et coup d’œil vers l’avenir.

Si tu devais résumer cette année en un seul mot, lequel choisirais-tu?

Je choisirais le mot « aiguillage », car nous avons mis en route beaucoup de choses et par nos décisions ciblées, nous avons positionné l’aiguille de manière à développer et moderniser le SEV. J’ajouterai que le train a maintenant atteint sa vitesse de croisière.

Quelle a été la plus belle chose que tu as vécue?

Les moments qui m’ont le plus touché ont été le fait que les collègues m’ont réellement considéré comme un des leurs et qu’ils m’ont salué et accueilli comme tel. Ce qui m’a aussi donné de la satisfaction, c’est lorsqu’à la fin de l’année, malgré le contexte difficile dans lequel nous avions dû évoluer, l’effectif des membres était resté stable.

Quels furent les moments difficiles durant l’année écoulée?

Toute une série de changements ont eu lieu au sein du personnel. Cela est toujours compliqué pour une organisation comme le SEV avec un appareil syndical professionnel relativement petit. Ce fut naturellement dur pour moi lorsque le vice-président et la vice-présidente ont annoncé leur départ. Toutefois, avec Patrick Kummer et Valérie Boillat, nous avons trouvé de nouvelles personnes hautement motivées et compétentes pour occuper ces postes. En outre, les changements dans les effectifs peuvent aussi être une chance. Mon équipe directe est elle aussi toute nouvelle (le coordinateur politique, la responsable du recrutement et de la jeunesse, le responsable de la communication, ndlr). J’ai de la chance, car ces collègues ont la volonté de développer le SEV. Je ressens un énorme dynamisme. Mais nous avons bien sûr besoin des deux : de la continuité en ce qui concerne les effectifs, de l’expérience et d’une mémoire institutionnelle.

Tu l’as dit, le SEV ne dispose que d’un petit appareil de professionnels. Nos militants effectuent beaucoup de travail sur une base de volontariat. Quelles sont tes relations avec les militants? L’année passée, tu avais parfois l’air un peu fatigué…

Oui, il est vrai que parfois je n’ai pas beaucoup dormi. J’étais très souvent en route et j’ai visité un grand nombre de sections. Toutefois, j’espère que personne parmi nos membres n’a eu l’impression que je n’étais pas totalement présent. J’ai le sentiment d’être soutenu par les militants. Je leur en suis très reconnaissant. Je ne viens pas du secteur des transports et beaucoup de collègues m’ont aidé à m’y retrouver.

Comment as-tu commencé ta collaboration avec les partenaires sociaux et les autres acteurs des transports publics?

Nous avons intégré dans notre charte SEV les quatre piliers que sont le respect, la transparence, la démocratie et la solidarité. Le respect est important aussi vis-à-vis de nos partenaires. Cela signifie que nous respectons nos partenaires sociaux, mais qu’en contrepartie, nous attendons aussi leur respect. Il en va de même dans le secteur politique. Je pense que nous avons réussi à nous faire entendre.

Il y a eu deux thèmes politiques qui nous ont particulièrement préoccupés, et qui nous préoccupent encore. Il s’agit, d’une part, de la politique financière qui nous menace, p. ex., de coupes dans l’indemnisation du transport régional de voyageurs, et, d’autre part, des négociations avec l’UE auxquelles aspire la Suisse.

Je pense que l’on ne peut pas dissocier les deux dossiers. Naturellement, on serait tentés de le faire. Mais je crois qu’une chose est claire : les transports publics (TP) en Suisse se fondent sur un système intégré qui comprend aussi bien les bus et les trains régionaux que les petites entreprises ferroviaires et les RER, et qui va jusqu’au transport international des voyageurs, mais aussi des marchandises, et cela ne peut fonctionner que si nous maintenons le système tel qu’il est. Pour moi, il est extrêmement important de considérer de manière globale les TP en tant que système. C’est là que nous sommes mis au défi. Lorsqu’un but est atteint, c’est satisfaisant. Pour le transport régional de voyageurs, nous avons réussi à convaincre les politiques et la société que notre système est si performant qu’il doit continuer à être soutenu de manière adéquate. Je suis assez fier de mes collègues qui ont travaillé intensément pour obtenir ce succès. Je suis également reconnaissant envers les politicien·nes qui nous ont soutenus. Pour le dossier européen, il s’agit naturellement de rester en alerte, parce que la libéralisation est un piège. L’ouverture ne signifie pas la libéralisation, non, l’ouverture, c’est avoir plus de trafic voyageurs international, plus de liaisons. Cela, nous pouvons le faire avec le système de coopération que nous avons en Suisse et qui a fait notre succès. Pour cela, nous n’avons pas besoin d’entreprises privées de transport ni de trains étrangers sur le rail suisse. Notre système intégré fonctionne ici aussi.

Un autre thème qui nous préoccupe, c’est la situation de notre plus grand partenaire, les CFF. Les finances ne sont toujours pas optimales à cause du coronavirus bien que l’entreprise enregistre de bons résultats. Une situation difficile?

Nous nous efforçons d’avoir un dialogue constructif d’accompagnement. C’est important pour nous. Bien entendu, nous dressons l’oreille lorsque des mesures d’économies sont annoncées, p. ex. quand on entend que les CFF doivent économiser 6 milliards de francs durant les prochaines années. Nous allons être très attentifs à cela. De manière générale, je trouve que, jusqu’à présent, les discussions ont toujours été très constructives et honnêtes, et nous espérons que les choses restent ainsi. Les CFF sont un partenaire social très important, mais ce n’est pas le seul. Nous avons encore beaucoup d’autres entreprises avec qui nous avons conclu des CCT. Nous ne sommes pas le syndicat d’une seule entreprise. Les ETC, les autres entreprises de transport ferroviaire, GATA et les entreprises de trafic d’agglomération sont tout aussi importantes pour nous. Il n’y a pas de « SEV à deux vitesses ».

En ce qui concerne les ETC, où le SEV doit-il-pointer du doigt?

Il y a un thème qui sort du lot : le recrutement des effectifs. Le manque de personnel s’accroît. Nous avons déjà des exemples où des correspondances doivent être supprimées et les horaires allégés. En clair, les professions doivent devenir plus attrayantes. De notre point de vue, la protection du travail et de la santé y est étroitement liée. Les collègues ne doivent pas être surchargés de travail, ils doivent bénéficier de conditions acceptables qui ne mettent pas en danger leur santé. C’est le seul moyen pour que les entreprises puissent trouver le personnel qui leur manque. Et nous leur prêtons volontiers mainforte. C’est pour cela qu’il faut proposer de bonnes conventions collectives, de bonnes réglementations, et avoir un bon dialogue. Les conditions de travail optimales sont d’une grande aide pour le recrutement des effectifs. Finalement, c’est dans l’intérêt de l’ensemble de la société.

Quel thème va encore nous préoccuper dans un proche avenir?

Il est important pour nous d’être intégrés dans les questions autour de la numérisation. Nos collègues vont subir des changements dans leurs professions, pas seulement dans les chemins de fer, aussi dans toutes les autres entreprises de transport. En somme, nous devons accompagner étroitement la numérisation. Nous devons intervenir afin que les entreprises ne fassent pas inconsidérément tout ce que permet la technologie, mais qu’elles réfléchissent à ce qui est proposé par la technologie pour aider l’humain. Il s’agit de déterminer ce dont les personnes ont besoin. Aussi bien pour la clientèle que pour le personnel.

Michael Spahr
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