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Lutte contre les problèmes d’insécurité dans les transports publics

«Le canton doit participer»

Le canton de Neuchâtel a connu une vague d’agressions physiques graves contre des chauffeurs de bus en été 2007. Jean-Pierre Etique, secrétaire syndical, revient sur les mesures mises en place suite à ces agressions. Le SEV demande maintenant la création d’un cercle de sécurité pour le canton de Vaud, qui fait partie des régions les plus touchées par la délinquance dans les transports.

Vandalisme, menaces, agressions physiques et verbales envers le personnel ou d'autres voyageurs, et gens qui traversent les voies… tels sont les actes de délinquance les plus fréquents recensés par les CFF. Cette longue liste compte plus de 2000 événements en un an pour le seul canton de Vaud.
L’insécurité dans les transports publics reste élevée et les transports urbains, comme les TL, ne sont bien sûr pas épargnés. Depuis 2008, où elle avait atteint un pic, la délinquance s’est stabilisée, mais n’a pas diminué. C’est pourquoi le SEV réclame désormais publiquement la création d’une commission tripartite de sécurité dans le canton de Vaud. « Nous avons fait le maximum avec les entreprises de transports publiques. Les agressions sont un problème de société et les cantons doivent aussi jouer un rôle », explique Giorgio Tuti, président du SEV, lors d’une conférence de presse donnée à Lausanne le 23 juin.

Les régions à problèmes

« Le problème des agressions concerne toute la Suisse, mais avec deux nids où les problèmes sont plus aigus : la région du RER zurichois et la Suisse romande », constate Jürg Hurni, secrétaire syndical SEV. Chef de train durant 30 ans aux CFF, il a lui aussi été confronté aux problèmes d’insécurité et vu des collègues abandonner le métier parce qu’ils ne supportaient plus le stress lié aux agressions. En Suisse romande, c’est dans le canton de Vaud que le problème est le plus marqué. « Lausanne est devenue la plaque tournante de la petite délinquance », explique Arnaud Lehro, vice-président de la ZPV Léman. Les groupes à problèmes viennent de Morges, Gland, Yverdon, Bex, Aigle, Montreux, etc. et se retrouvent tous en gare de Lausanne. « Certains viennent même de Zurich. Lausanne est aussi devenue la capitale romande de la fête », explique Arnaud Lehro.

Les moments à risque

Même s’il y a un peu plus de problèmes sur certaines lignes que sur d’autres, c’est en effet surtout de mauvaises heures dont il faut parler. Le samedi matin et le dimanche matin en particulier sont des moments à hauts risques pour les agentes et les agents de trains, à cause de tous ceux qui rentrent ivres après une nuit passée en boîte. De manière plus générale, le week-end est un moment délicat : « Certains jeunes montent dans le train déjà éméchés et continuent à boire dans le train, avant d’aller en boîte, parce que c’est moins cher », constate Arnaud Lehro. Les phénomènes de groupe jouent aussi à plein : « A Gland et à Renens, il y a des bandes qui cherchent les contrôleurs. A Montreux, des collègues ont été rackettés », explique Arnaud Lehro. Les insultes ? « Il y en a une fois tous les deux jours et je suis gentil. » Il a aussi été attaqué une fois physiquement, par un jeune à qui il demandait son billet. Il a été poussé hors du train tandis que d’autres jeunes observaient la scène en ricanant. Pour le contrôleur, l’épisode s’est soldé par des blessures au dos et au bras, et une semaine d’arrêt de travail. « On se fait insulter par certains voyageurs aussi quand on ne contrôle pas. On ne sait plus comment travailler », conclut Arnaud Lehro. Le SEV réclame donc la mise en place d’une commission tripartite, afin que tous les acteurs concernés se retrouvent autour de la même table, des entreprises de transports publics aux autorités cantonales et municipales en passant par les différents corps de police. « Les CFF, c’est fédéral. Ensuite il y a une police cantonale, des polices municipales et la police ferroviaire. Et la coordination entre ces différent acteurs n’est pas toujours évidente », constate Olivier Barraud, secrétaire syndical SEV, qui pose un regard critique sur des mesures comme Railfair : « On a supprimé des postes de travail rémunérés pour les remplacer par des bénévoles de Railfair et ils sont présents dans les gares aux heures de pointe, en dehors des périodes critiques. » Il s’agit enfin et surtout d’éviter que les uns et les autres ne se renvoient la balle, comme cela a été le cas à Gland, où les autorités communales et cantonales estiment que c’est aux CFF de régler les problèmes qui se posent à la gare.   

contact.sev : Quelles mesures concrètes ont été prises pour faire face aux problèmes d’insécurité à Neuchâtel ?

Jean-Pierre Etique : Des employés des entreprises de transports publics passent dans toutes les écoles obligatoires du canton pour expliquer aux élèves comment ils doivent se comporter. La présence policière a aussi été accentuée. A La Chaux-de-Fonds par exemple, la police passe plus souvent dans les transports publics et les utilise pour certains déplacements. Il a aussi fallu faire passer certaines informations, comme le fait qu’une agression contre un employé des transports publics se poursuit d’office. Des chauffeurs se voyaient dire qu’ils devaient porter plainte. A présent les dispositions de l’art. 59 de la Loi fédérale sur les transports publics est mieux connue.

Qui devrait être inclus dans le groupe de travail chargé de la sécurité à Neuchâtel ?

Pour l’instant il faudrait qu’il y ait le canton, la police, les représentants des entreprises de transports publics et le SEV. Nous souhaitons aussi pouvoir intégrer d’autres sensibilités comme par exemple les gens du centre LAVI ou des travailleurs sociaux. Ce que l’on souhaite pour faire un travail préventif efficace, est d’avoir des personnes qui connaissent la réalité de la rue. Dire comme le font certains que c’est aux parents d’éduquer leurs enfants ou éventuellement aux enseignants ne suffit pas.

Pourquoi ?

Il me paraît important que les participants de ce cercle de sécurité comprennent bien les dégâts que font les agressions physiques et verbales. Il est aussi important d’impliquer les personnes à même de prendre des mesures concrètes, comme d’interdire des agresseurs reconnus des transports publics. C’est une revendication des employés neuchâtelois.

Quel type d’informations s’échange lors de ces réunions ?

Dans le canton de Neuchâtel, des changements sont intervenus dans l’organisation de la police cantonale. Un responsable de la police a donc par exemple rencontré des personnes des TRN pour leur expliquer comment fonctionne désormais la centrale
d’alarme de la police. Cela leur permet de donner l’alerte de manière plus efficace quand ils doivent le faire.

Y a-t-il eu des problèmes récemment à Neuchâtel ?

Oui. La direction des TN, des TRN et des représentants du SEV sont allés discuter ces jours avec les responsables du centre des requérants d’asile du Val-de-Ruz. Certains requérants ne respecteraient pas toujours les règles du jeu.

Le SEV demande maintenant à ce qu’un cercle de sécurité soit mis en place dans le canton de Vaud. Qui devrait faire partie de ce cercle ?

Comme à Neuchâtel, il faudrait des représentants du canton, du personnel, des différentes entreprises de transports publics. On souhaiterait aussi que certaines municipalités soient représentées, ainsi que d’autres acteurs ayant une vision extérieure. Il est aussi primordial que des spécialistes de la prise en charge des victimes soient également présents.

Certains estiment qu’une telle commission tripartite de sécurité est superflue. Comment réagis-tu ?

C’est vraiment un manque de respect pour les citoyens qui payent des impôts. Les chiffres que nous avons pour les lignes CFF viennent autant des CFF que du SEV et ils sont sous-évalués, car les contrôleurs ne signalent pas forcément tous les incidents, surtout les agressions verbales. Il ne faut pas minimiser ce type d’agressions. Elles finissent aussi par provoquer des dégâts physiques pouvant amener à un arrêt de travail. Avoir une telle commission est autant dans l’intérêt des employeurs et des pouvoirs publics que dans celui des employés.

Concrètement, quel est le but visé par cette commission ?

La déshumanisation des transports publics est à l’origine de l’augmentation de l’insécurité. Il n’y a plus personne qui travaille le soir dans de nombreuses gares. Il s’agit d’éviter que les uns et les autres se renvoient la balle, comme cela a été le cas pour la gare de Gland, où des gens font peur aux mécaniciens en jouant à se pousser près des voies. Le SEV a écrit au syndic de Gland, qui a dégagé en corner. Il a répondu que comme la gare est un territoire des CFF, c’est à eux
d’agir. Depuis l’été passé, date de cet échange de courrier, rien n’a changé. A Gland, les mécaniciens se demandent quand ils vont percuter quelqu’un et passent là en fermant les yeux.

Qu’attends-tu du canton de Vaud maintenant ?

Qu’il prenne davantage au sérieux la situation. Au vu de ce qui a été dit dans la presse par les représentants cantonaux, on craint que ce ne soit pas une priorité pour eux et qu’on soit obligés de mener des actions syndicales. Les employés des transports publics ne veulent plus travailler la peur au ventre.

Interview : Hélène Koch