Angle droit

La garantie du salaire est confirmée par le Tribunal administratif fédéral

Après la perte de son poste de travail, un collaborateur CFF de longue date a été intégré dans un processus de nouvelle orientation en dehors de NOA. Une année plus tard, les CFF ont voulu lui refuser les droits acquis garantis par la CCT. Avec l’aide du SEV, ce collègue a fait opposition et le Tribunal administratif fédéral lui a donné raison.

Il y a plusieurs années, Louis, agent de la manoeuvre (nom modifié), a changé de travail par mesure préventive car il avait depuis longtemps des problèmes de santé. Il a alors exercé son nouvel emploi sans réserve et sans absences notoires. Après une réorganisation, son poste est supprimé. Louis envoie alors une demande d’assistance judiciaire au SEV et reçoit des conseils avisés. Jusque-là, tout se passe plutôt bien. Mais ce n’était que le calme avant la tempête.

Interdiction d’entrer à NOA

A cause de ses problèmes de santé antérieurs, les CFF lui refusent l’entrée à NOA (nouvelle orientation). Ainsi, son unité d’organisation d’alors reste responsable de lui. Le supérieur hiérarchique ainsi que le responsable du personnel soutiennent Louis dans le cadre de leurs possibilités et mettent sur pied un job alternatif. Ce dernier ne fait toutefois pas partie de l’effectif des postes autorisés. Ils achètent en outre à NOA des prestations de conseils. Ils arrangent un processus de réorientation de manière à ce qu’il corresponde aux règles de la CCT CFF en vigueur pour les collègues qui vont vraiment à NOA et qui reçoivent un nouveau contrat de travail de NOA.

Louis doit donc aussi signer la convention de mesures raisonnables usuelle chez NOA et qui est limitée à un an. Ce délai passé, son supérieur hiérarchique et le responsable du personnel demandent à Louis qu’il signe une nouvelle convention de mesures raisonnables et fasse preuve de flexibilité, surtout en ce qui concerne le salaire.

Droits acquis, oui ou non ?

Lors du délicat entretien sur la nouvelle convention de mesures raisonnables, Louis peut bien sûr compter sur la présence d’un secrétaire syndical SEV. Ce dernier fait observer que Louis n’a aucun contrat de travail de NOA et que les articles spécifiques 171–176 de la CCT CFF ne sont donc pas applicables, à l’inverse de la réglementation sur les droits acquis selon l’article 96 de la CCT CFF (voir encadré). La discussion sur le salaire est donc superflue. Par contre, le supérieur hiérarchique et le responsable du personnel sont de l’avis que l’article 96 n’est pas valable pour Louis car il se trouve réellement dans un processus de réorientation professionnelle.

Article 96 de la CCT CFF :
Passage dans un échelon de fonction moins élevé

1 En cas de passage dans un échelon de fonction moins élevé, le salaire est négocié dans le cadre du nouvel échelon de fonction.

2 Lorsque le changement intervient en relation ou dans la perspective de changements structurels et que le salaire versé jusqu’ici est plus élevé que la valeur cible maximale A du nouvel échelon de fonction, la différence est accordée en tant que montant garanti.

3 Lors d’augmentations de salaire, le montant garanti est réduit ou tombe.

4 Si après 2 ans de garantie, la personne n’a pas encore atteint l’âge de 58 ans révolus, le montant garanti qui, additionné au salaire, dépasse CHF 100 000.– n’est plus versé.

Remarque :

selon le chiffre 2.2 de la directive interne des CFF Z 141.1, les collaborateurs qui sont en réorientation professionnelle sont exclus de l’article 96 de la CCT CFF.

Voie juridique – acte 1

Selon l’article 195 de la CCT CFF, en cas de conflit du travail, une décision sujette à recours peut être demandée, qui fait quasi office d’entrée dans la voie juridique. Le SEV demande donc au service du personnel de lui remettre un tel document et fait recours contre les CFF. Il fait valoir que Louis ne dispose d’aucun contrat de travail NOA et que les articles spécifiques à NOA de la CCT CFF ne sont donc pas applicables. Malgré cela, l’instance de recours interne des CFF confirme la décision.

Voie juridique – acte 2

A quelques exceptions près, on peut recourir contre les décisions de l’instance de recours interne des CFF auprès du Tribunal administratif fédéral. Il faut toutefois bien réfléchir avant de franchir le pas car une telle démarche est très laborieuse. Comme dans le cas présent il ne s’agit pas que d’une décision d’appréciation mais d’une question de principe sur l’application de la CCT CFF, le SEV décide de faire appel au Tribunal administratif fédéral, bien entendu avec l’accord de Louis.

Le tribunal donne raison au SEV

Le Tribunal administratif fédéral donne entièrement raison au SEV. Les juges confirment que l’article 96 de la CCT CFF doit être appliqué au cas où Louis exerce une activité classée dans un échelon de fonction moins élevé. Et malgré la perte de son poste de travail, il continue à avoir droit à une évaluation du personnel, avec des répercussions sur le salaire. Le SEV demande au supérieur hiérarchique et au responsable du personnel d’augmenter le salaire de Louis de façon appropriée et avec effet rétroactif, faute de quoi il recourra contre cette décision. Les responsables ne veulent pas risquer une nouvelle procédure de recours et procèdent à l’adaptation du salaire comme demandé.

Tout est bien qui finit bien ?

Non, malheureusement. Louis continue à être engagé « temporairement » hors de l’effectif des postes autorisés. Bien sûr, il consulte régulièrement les offres d’emploi des CFF et postule aux places de travail peu nombreuses qui lui sont ouvertes, à cause de la formation « classique » qu’il a suivie aux CFF.

Réflexions en marge

La discussion sur l’application de l’article 96 de la CCT CFF a commencé environ un an après la suppression du poste de Louis. Il a fallu encore un an de plus jusqu’à l’obtention de la décision du Tribunal administratif fédéral. Cet exemple montre que l’usage de la voie juridique est très laborieuse et use les nerfs, mais que les spécialistes de l’équipe de protection juridique du SEV ne craignent pas d’y recourir pour que la CCT CFF soit appliquée correctement et efficacement.

Protection juridique SEV/ jo