| Actualité / journal SEV

Angle droit

Chômeuse punie

Quand peut-on parler de refus d’un travail convenable et où commence la faute grave ? Tel a été l’objet d’une bataille entre le SECO et le Tribunal cantonal, tranchée par le Tribunal fédéral. Dans un Arrêt récent, il a alourdi la sanction infligée à une chômeuse, coupable de n’avoir pas accepté un travail jugé comme convenable.

Photo: pixabay

Astrid, inscrite au chômage à Genève, recherche un emploi à 100 %. L’Office cantonal (OCE) a suspendu son droit à l’indemnité de chômage pour une durée de 34 jours ouvrables. Ceci, au motif qu’elle avait refusé un emploi convenable. Astrid recourt contre la décision devant le Tribunal cantonal, qui lui donne raison : la durée de la suspension est réduite de 34 à 20 jours.

Mais le Secrétariat d’état à l’économie (SECO) ne l’entend pas de cette oreille et fait recours contre cet arrêt. Selon l’article 30 de la Loi sur le chômage (LACI), le droit à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que les prescriptions de contrôle ou les règles prévues n’ont pas été respectées, notamment en cas de refus d’un travail convenable. D’après la jurisprudence, c’est par exemple le cas non seulement lorsque l’assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsqu’il s’accommode du risque que l’emploi soit occupé par quelqu’un d’autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail.

La suspension dure de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne et de 31 à 60 jours en cas de faute grave. Le refus d’un emploi réputé convenable sans motif valable constitue une faute grave, ce qui signifie une suspension d’une durée comprise entre 31 et 60 jours.

Mais il est possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours, en présence de circonstances particulières. Il faut cependant qu’il existe un motif valable, par exemple lié à la situation subjective de la personne concernée (d’éventuels problèmes de santé, la situation familiale ou l’appartenance religieuse) ou à des circonstances objectives (par exemple la durée déterminée d’une offre de poste).

Le Tribunal cantonal avait retenu qu’Astrid devait faire une offre d’emploi par internet, pour un poste d’assistante à plein temps. Mais Astrid avait mal recopié le lien internet et lorsqu’elle s’était rendu compte que cela ne marchait pas, elle n’avait pas tenté de contacter sa conseillère en personnel pour le lui signaler. Elle n’avait fait qu’envoyer une demande de contact LinkedIn à l’auteur de l’annonce du poste.

Selon le Tribunal cantonal, la faute pouvait donc être qualifiée de «moyennement grave». En outre, il s’agissait du premier manquement à reprocher à Astrid, qui par ailleurs s’était toujours montrée très active dans ses recherches d’emploi et avait toujours respecté ses autres obligations de chômeuse. Donc la réduction à 20 jours de suspension n’était pas contraire au principe de la proportionnalité.

Mais le SECO est d’un autre avis : à ses yeux, il n’existe pas de motif justifiant un écart par rapport à l’échelle de suspension en cas de faute grave (31 à 60 jours).

Dans sa décision, le Tribunal fédéral retient que l’envoi d’une requête LinkedIn à l’auteur de l’annonce du poste était une démarche largement insuffisante et que Astrid aurait dû contacter sa conseillère ORP pour lui signaler le problème. Il n’y a aucun motif valable qui ferait apparaître la faute de l’intimée comme étant de gravité moyenne ou légère. Le fait qu’Astrid prenait au sérieux ses obligations de chômeuse ne suffit pas à justifier un refus d’un travail convenable. En réduisant la durée de la suspension à 20 jours, le Tribunal cantonal est manifestement sorti du cadre fixé entre 31 et 60 jours en cas de faute grave. En outre, il n’y a pas non plus de motif valable lié à la situation subjective de l’intimée ou à des circonstances objectives.

En cas de faute grave sans motif valable, la valeur moyenne dans l’échelle de suspension de 31 à 60 jours prévue par l’ordonnance de la Loi sur le chômage doit être retenue comme point de départ pour l’appréciation individuelle de la faute. En l’espèce, en fixant à 34 jours la suspension du droit à l’indemnité de chômage, l’OCE s’était déjà écarté considérablement de la moyenne de 45 jours de suspension et avait ainsi dûment tenu compte des circonstances.

Le recours a donc été admis et la sanction de 34 jours de suspension confirmée.

Service juridique du SEV
Enable JavaScript to view protected content.