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Genève aéroport

Grève historique à Cointrin

La combativité et la solidarité des collègues ont été déterminantes dans le succès de cette mobilisation. © Eric Roset

Après avoir bloqué tous les vols le 30 juin de 6 à 10 h le matin, le personnel engagé directement par Genève Aéroport – 960 salarié-e-s – a obtenu un accord inespéré. Le SEV, a soutenu les grévistes.

Le syndicat ssp et la direction de l’Aéroport se sont entendus sur un nouveau cadre de discussion. Cela repousse l’entrée en vigueur de la réforme salariale prévue au 1er septembre 2025 au lieu du 1er janvier 2024 et, d’ici là, ils doivent s’entendre sur les paramètres et les modalités de mise en œuvre. Le projet de réforme n’est pas enterré, certes, mais le rapport de force est maintenant clairement en faveur des employé-e-s. Pour le ssp, satisfait de l’accord, cette étape marque l’ouverture d’une nouvelle « page blanche ». Le partenariat est remis au centre.

Au centre du conflit se trouvait la décision de la direction, confirmée par le conseil d’administration, d’une « nouvelle politique de rémunération » se traduisant par une refonte de la grille salariale, décrétée sans réelles négociations. L’objectif était de stopper les augmentations linéaires (annuités et primes de fidélité) au profit d’une prime fondée sur des objectifs annuels et des critères arbitraires. Or, après vingt ans de service, cela peut représenter l’équivalent d’un 13e salaire.

Pour justifier ces mesures, la direction se fonde sur des prévisions pessimistes de faible croissance dans les années à venir. Un spécialiste du transport aérien cité par Le Temps parle pourtant d’une possible multiplication par deux du nombre de passagers transportés d’ici 2050. Par ailleurs, les chiffres actuels de l’aéroport sont excellents. L’année passée, le bénéfice net s’est monté à 60 millions de francs – à mettre en balance avec la masse salariale autour des 120 millions. Pour 2023, le bénéfice projeté se situe à 100 millions de francs. La direction peint donc à dessein un tableau dramatisé de la situation pour dégrader les conditions de travail. Dans un contexte de pénurie de personnel, le bon sens voudrait au contraire qu’on les améliore.

S’il faut faire des économies, le personnel se demande pourquoi cette réforme ne touche que les plus petits, pompiers, agents de sécurité et ambulanciers, ceux qui font un travail pénible, à des horaires irréguliers. Comment ne pas s’étonner que le salaire du directeur, André Schneider, soit en hausse et soit, à 488 844 francs annuels, l’équivalent d’un Conseiller fédéral, le plus élevé des directeurs d’établissement public à Genève ?

L’arrogance d’une direction jusqu’au-boutiste et la nécessité d’une réforme aux contours et conséquences salariales plus que floues et fondée sur des projections discutables pour ne pas dire fantaisistes ont radicalisé une base qui n’avait jamais fait grève en 104 ans. Avec un calendrier favorable – la décision du conseil d’administration a été prise la veille du 1er jour des vacances – et la présence dans les rangs des grévistes des agents responsables des opérations sur le tarmac, sans qui aucun avion ne peut se déplacer, la force de blocage était par ailleurs inédite. La combativité et la solidarité des collègues ont été déterminantes dans le succès de cette mobilisation qui a permis de rappeler que, sans les travailleurs, la direction et les actionnaires pourraient faire une croix sur les 800 milliards de revenus générés par le secteur.

Yves Sancey
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