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BUS : Enquête santé

Conducteurs cabossés

Problèmes de santé répartis par groupe d’âge et population totale. Lire : 61,5% des 36-45 ans ont des douleurs musculaires (DM) de l’épaule / cou.

Les résultats de l’enquête sur la santé des conductrices et conducteurs de bus menée par SEV, syndicom et ssp, et Unisanté sont inquiétants. Ils sont quasi tous atteints dans leur santé et souffrent de plusieurs maux : douleurs musculaires, fatigue, trouble du sommeil ou stress. Les fréquences des accidents et arrêts-maladies sont en hausse. Les pistes syndicales sont là : amplitudes limitées à 10h et aménagement des horaires.

Pour la troisième fois, après 2010 et 2018, le SEV a voulu connaître l’état de santé des conductrices et conducteurs de bus ainsi que les éléments qui rendent ce métier pénible. Le 22 février, SEV, syndicom et le ssp ont envoyé 4324 questionnaires à leurs membres conducteurs. 916 personnes ont participé, soit un taux de réponse de 21%. L’échantillon a ainsi presque doublé et il est assez représentatif de la population générale des conducteurs avec 13,2% de femmes, 34% âgés entre 46 et 55 ans et 31% de plus de 56 ans.

Le point de vue sur l'étude de Christian Fankhauser, vice-président du SEV

Les résultats de l’enquête menée par ce centre universitaire de médecine générale et de santé publique avec trois syndicats dont le SEV sont sans appel. Seuls 3,9% des conducteurs n’ont aucun problème de santé. En moyenne, chaque conducteur déclare souffrir de quatre problèmes de santé. Un conducteur sur deux ressent des douleurs musculaires de l’épaule ou du cou (57 %), une fatigue anormale et des maux de dos (50 %).

Plus d’un sur trois a des troubles du sommeil (43%), du stress (42 %), de l’irritabilité (35 %) et des maux de tête (33 %). Depuis 2018, il y a une hausse significative des douleurs musculaires de l’épaule et du cou. Depuis 2010, le nombre d’arrêts-maladies a augmenté en 2018, puis en 2022. Un conducteur sur deux a eu au moins un arrêt-maladie en 2021. 37 % des conducteurs pensent que leur maladie est liée au travail. 57 % des femmes ont eu au moins un arrêt-maladie contre 51 % pour les hommes. Même si la profession se féminise, des adaptations en termes d’horaires notamment doivent encore être faites pour une meilleure intégration.

Ce n’est pas seulement la santé des conducteurs qui est en jeu, mais aussi leur sécurité et celle des usagers. Près d’un tiers des conducteurs (32 %) ne se sentent pas toujours en pleine possession de leurs moyens en prenant le volant (en raison principalement de fatigue, manque de repos et douleurs musculaires). Les 36 – 45 ans conduisent davantage sans être en état (38 %). Fatigue et mal de tête ont un effet sur la fréquence des accidents qui sont en hausse en 2018 et 2022 par rapport à 2010.

Pourquoi les conducteurs de bus ont-ils tant de problèmes de santé ? L’enquête ne permet pas une réponse définitive. Toutefois, précise Unisanté, « au vu du pourcentage élevé de certains problèmes de santé assez spécifiques, il est possible de penser que ces problèmes sont liés à l’environnement de travail. Par exemple, il a été démontré que les vibrations du corps entiers ressenties quotidiennement par les conducteurs de bus sont une cause de mal de dos. » « A force d’encaisser le stress, nos collègues le somatisent dans leurs corps et développent des maladies », explique Valérie Solano, vice-présidente du SEV.

Une partie des questions visaient justement à mettre des notes à différents éléments de pénibilité. L’amplitude de plus de 10 h arrive en tête, les longues périodes sans toilettes en 3e et les temps au volant de plus de 4 heures en 5e. « Concernant l’amplitude de plus de 10 heures, c’est assez impressionnant de constater que si l’on ajoute les personnes qui trouvent cela ‹ pénible › à celles qui trouvent cela ‹ très pénible ›, on arrive à plus de 80 % des répondant-e-s. Et 75% pour les longues périodes sans toilettes », souligne Christian Fankhauser, vice-président du SEV. « Cela nous indique que nos campagnes ‹ 10h ça suffit ! › et ‹ Des WC, pas des buissons › sont justes et doivent continuer d’être nos priorités. Le temps au volant de plus de 4 heures est aussi une forte source de pénibilité du métier. Il faut y remédier. »

Le comportement des cyclistes et l’agressivité des autres usagers de la route arrivent 2e et 4e des éléments les plus pénibles. Des éléments déjà repérés lors de l’enquête de 2018, mais en forte progression pour les cyclistes. L’augmentation de la mobilité douce et des vélos à la suite du confinement ont sans doute joué un rôle.

Les résultats de l’enquête ont également fait apparaître l’importance accordée par les conducteurs aux questions d’ergonomie et en particulier pour le siège, jugé important à la quasi-unanimité. En fin de carrière, les conducteurs de plus de 56 ans sont les plus sensibles aux douleurs des membres inférieurs et supérieurs. Pour Valérie Solano, « ce métier est difficile. Plus on est capable d’améliorer les conditions de travail en termes de régularité des horaires, de baisse du stress et de satisfaction au travail, plus on a de chances de garder les conducteurs en bonne santé ! » Logiquement, pour les conducteurs, les trois points positifs de leur métier sont l’emploi assuré, la solidarité et la liberté/indépendance.

3 questions à Unisanté

Docteure en santé publique, la Prof. Irina Guseva Canu dirige le Département Santé, Travail, Environnement chez Unisanté à Lausanne.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la santé des conducteurs de bus ?

Prof. Irina Guseva Canu : Dans deux études nationales réalisées à Unisanté, nous avons découvert une surmortalité par suicide et cancer du poumon chez les conducteurs et conductrices de transport public (particulièrement de bus) comparés à la population générale suisse active professionnellement. Nous avons informé les syndicats et l’Office Fédéral de transport de ces « découvertes » et cherchons à en comprendre les raisons.

Quels sont pour vous les trois principaux résultats de cette enquête ?

Le résultat principal est que plus de la moitié des professionnels disent avoir des douleurs musculaires de l’épaule et du cou, des maux de dos et présentent une fatigue excessive. Ce résultat est frappant, car l’innovation technologique dans la conception des véhicules vise l’amélioration du confort. Un autre résultat important est que, comparé à 2010, les arrêts maladies et les accidents ont augmenté.

Comment établir un lien de causalité entre les conditions de travail et la santé ?

Pour cela, nous souhaitons monter une étude de cohorte des conducteurs de bus suivis dans le temps. La majorité des conducteurs y est favorable. Dans cette profession, peu d’expositions ont été mises en lien avec l’état de santé de manière causale et pour un pays aussi développé que la Suisse, avoir des professionnels aussi malades parait inadmissible.

Yves Sancey
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Editorial de Christian Fankhauser, vice-président du SEV

Santé en souffrance !

La troisième enquête sur la santé des conducteurs et conductrices de bus menée par le SEV, syndicom, ssp et Unisanté vient de livrer ses résultats. Ils sont tellement inquiétants qu’ils nous obligent à tirer la sonnette d’alarme.

Seuls 3,9 % des conducteurs n’ont aucun problème de santé. Une personne sur deux ressent des douleurs musculaires de l’épaule ou du cou, une fatigue anormale et des maux de dos. Près d’un tiers des conducteurs et conductrices prennent le volant sans être en état de conduire. Cette enquête montre avec précision la pénibilité de cette profession et ses effets sur la santé. Ce métier développe beaucoup trop de maladies professionnelles. Pour rappel, l’employeur veille à ce que la vie et la santé du personnel ne soient pas mises en danger en appliquant des mesures de sécurité adaptées. Que faire ?

Il faut rapidement améliorer les conditions de travail ! Le principal problème qui rend le travail de la conduite si pénible, c’est l’amplitude de plus de 10h heures que le SEV combat avec sa campagne « 10h ça suffit ! ». Les discussions avec les entreprises doivent permettre de relever ce défi. La troisième source de pénibilité – les longues périodes sans toilettes – a aussi été l’objet d’une campagne du SEV. Des efforts restent à faire. Des pistes de bus en voie propre permettraient aussi de diminuer le stress lié au trafic.

Et si, malgré tout, nos collègues continuent de tomber malades et ne peuvent plus effectuer une tâche dans un métier dit « de monopole », là aussi des solutions doivent être trouvées : formations, reconversions professionnelles ou création d’un pool d’emplois commun aux transports publics. La brutalité des chiffres de notre enquête incite à relancer la table ronde des acteurs du transport. Pour des solutions cantonales ou régionales à défaut de solution de branche nationale.

Il y a urgence pour trois raisons. De meilleures conditions de travail (horaires, tours de service) permettent de faire baisser l’absentéisme. La génération du babyboom part à la retraite ces 5 – 10 prochaines années et seule une meilleure attractivité de la branche permettra de la remplacer sereinement. Enfin, le transport public étant une des solutions au problème crucial du climat, il serait absurde d’investir des milliards sans penser à la santé et à la sécurité du personnel de conduite. La situation est grave et demande des réponses urgentes.

Commentaires

  • Haldi Hans

    Haldi Hans 29/08/2022 14:04:37

    Guten Tag
    Seit 36 Jahren bin ich Busfahrer. Auch ich habe Beschwerden im Nacken und Schulter Bereich. Wenn es im Winter schneit schlafe ich sehr schlecht. Denn am Morgen ist es unsicher wie die Straße aussieht.
    Schneeketten montiert, ist die Straße vereist, wie viel Zeit muss ich früher beginnen,...
    Auch die Gäste werden immer anspruchsvoller. Meine Linie geht von 1000 Meter bis 1900 Meter über Meer..
    Daher entsteht ein psychischer Stress der dem Körper viel Stress bereitet.
    Auch in der Pause bist du Ansprechspartner der Gäste. Ich bin mir nicht sicher ob ich diesen Beruf noch bis 65 Jahre machen kann..