Militance
Patrick Rochat: « Chaque trajet est différent »
Un passionné du rail. Patrick Rochat a pourtant dû faire le deuil du métier de mécanicien de locomotive à cause de son daltonisme. Mais il a fait contre mauvaise fortune bon coeur et a épousé le métier de conducteur de bus il y a 25 ans maintenant. Rencontre avec le président de la section VPT-TPCV, l'une des trois de TransN.
270 mètres. C’est la longueur totale des circuits miniatures qui s'étalent sous le combles de sa maison aux Geneveys-sur-Coffrane (NE). Sa passion pour le modélisme ferroviaire aurait pu emmener Patrick Rochat sur les rails, les vrais, mais son daltonisme, repéré tardivement, en aura décidé autrement. « C’est vrai que ça a été difficile à digérer, mais maintenant je suis très heureux de mon travail. »
Conducteur de bus, le sexagénaire ne l’est devenu que vers 35 ans. Avant cela, il était déjà sur la route comme chauffeur poids lourd, un métier qui lui plaisait mais qu’il a abandonné après avoir fait le choix de quitter son dernier employeur, dont il ne cautionnait plus la stratégie entrepreneuriale. « Je me suis alors demandé ce que je pouvais faire. Dans les poids lourds, il y avait moins de boulot. C’était assez compliqué au milieu des années 90, j’ai tenté alors la voie des transports publics aux TN, sur conseil de mon épouse. Je n’étais pas convaincu, je craignais la monotonie des parcours qui se répètent. Mais je me trompais, car chaque trajet est différent. La météo change, les voyageurs ne sont pas toujours les mêmes, les conditions de trafic diffèrent aussi en permanence, tout comme la luminosité en fonction des tours de services...».
Patrick se syndique rapidement et apprécie l’excellente ambiances dans l’entreprise durant 10 ans, jusqu’à l’engagement d’un nouveau directeur: « Il m’a mis à la porte pour des raisons infondées. J’ai saisi l’assistance judiciaire du SEV qui m’a défendu. Nous sommes allés au tribunal et nous avons gagné. J’aurais pu être réintégré, mais je ne souhaitais pas poursuivre la collaboration avec ce type de management. J’ai alors retrouvé du travail chez TRN dans le haut du canton (la fusion des TN et des TRN est effective depuis le 1er janvier 2012) . Avec cette fusion, j’ai hélas retrouvé celui m’avait licencié. Je l’ai ignoré. Ce changement de poste n’a pas été simple car chez TRN je gagnais 1200 fr. en moins par mois. Nous venions d’acheter notre maison et nous avions donc des obligations liées à l’emprunt, ma femme a donc dû augmenter son temps de travail. Ce fut une période difficile, j’ai eu quelques mauvaises nuits ou t’est pas bien. Mais c’est passé maintenant.»
Quand il était aux TN, il ne voyait pas le travail syndical que faisait le SEV. En arrivant chez TRN, il entre rapidement au comité de la section TPCV: « J’ai donc vu ce que ça impliquait de défendre les intérêts des collègues auprès de la direction. Je suis ensuite devenu vice-président et je préside la section depuis 3 ans maintenant. Dans cette fonction, on va à fond dans les histoires de tous ordres: les problèmes de management, on soutient les collègues qui sont menacés de mesures disciplinaires, on les accompagne dans les entretiens avec leurs supérieurs pour défendre leurs intérêts. En fonction de la gravité et de la complexité juridique, je demande le soutien de Jean-Pierre Etique, le secrétaire syndical qui nous accompagne.»
Même s’il est conducteur dans le Val-de-Ruz, Patrick Rochat peut compter sur ses coordinateurs sur les sites de la Chaux-de-Fonds et du Locle. En ce moment, ce sont surtout la durée des temps de parcours durant les tours de vacances qui pose problème au Locle. L’entreprise est consciente du problème mais ne pense pas pouvoir améliorer la situation rapidement. Les conducteurs accumulent les retards, n’ont pas de temps aux terminus. Au final, il faut supprimer une course pour rattraper le retard et ce sont les clients qui râlent ensuite.»
A la Chaux-de-Fonds, les nouveaux aménagements du POD risquent de ralentir les bus, pris dans les entonnoirs créés par l’élargissement des trottoirs à certains endroits. «Pour l’instant, les clients semblent avoir de la compréhension. Je constate la même fatalité pour les lignes qui relient le Val-de-Ruz à Neuchâtel. Aux heures de pointe, les congestions sont monnaie courante.»
Difficile de garantir la ponctualité et le respect des correspondances dans ces conditions. Avec la routine, Patrick Rochat a appris à relativiser.
Vivian Bologna