Futur de la vente
Le personnel de la vente, une richesse!
A l’heure où les usagers recourent de plus en plus à leurs smartphones pour commander leurs billets, un rapport du SEV montre que le personnel de la vente, ouvert au changement, a de nombreuses propositions à faire pour faire évoluer ses métiers dont la dimension humaine est la valeur ajoutée qui en fait toute la richesse.
Près d’un billet sur deux est acheté par un canal numérique annonçaient les CFF la semaine passée. Avec la possibilité d’achat de titres de transport par des applications sur son smartphone, les métiers de la vente dans le transport sont particulièrement menacés. D’autant plus quand les CFF eux-mêmes font tout pour accélérer les changements de comportement des usagers sommés par voie d’affiche de commander eux-mêmes leurs billets sur leurs mobiles ou d’acheter en ligne des billets dégriffés impossibles à obtenir au guichet.
Est-ce à dire pour autant que le travail du personnel de la vente n’a aucune valeur ajoutée et ne peut trouver une place dans le monde digitalisé? A cette question, l’étude de la société de consulting PwC sur le monde du travail de demain (voir l'article «La digitalisation ne se fera pas sur le dos du personnel»), ne répond pas directement.
La dimension humaine du métier
Un rapport mandaté par le SEV au conseiller en stratégie Benoît Gaillard suite à la Journée de la vente organisée avec lui le 4 mars dernier (voir notre édition 3/2019) vient heureusement apporter des pistes de réflexion et des propositions reposant sur l’expérience du personnel lui-même. Sur la base des témoignages et d’échanges entre une vingtaine de membres du SEV travaillant dans la vente dans plusieurs entreprises de transport, il a été possible de dégager un diagnostic des problèmes rencontrés par les professionnels dans leur quotidien, de comprendre les grandes lignes des évolutions en cours et de les problématiser, ainsi que d’élaborer de premières propositions d’améliorations.
La dimension humaine du métier constitue «sans surprise l’axe principal sur lequel les salariés définissent l’utilité de leur métier, indique le rapport Gaillard. Elle se décline, évidemment, en relation avec les usagers-clients, mais aussi dans le fait que le travail se mène, dans de très nombreux cas, en équipe.» Cette «valeur ajoutée» du travail du personnel de la vente passe bien sûr par cette relation d’aide à l’usager supposant une faculté d’écoute et une disposition au lien qu’aucun algorithme ou logiciel ne remplacera.
Dégradation des conditions de travail
Malgré le plaisir et l’engagement des employé-e-s de la vente, le constat est sans appel pour considérer que «les conditions d’exercice du métier se détériorent». Les restructurations fréquentes s’enchaînent trop vite. Il en résulte un manque de clarté quant aux objectifs. Le stress et la pression sont aussi en augmentation. Non seulement parce que les cas à traiter deviennent en moyenne plus compliqués, mais aussi en raison de l’afflux au guichet lors de perturbations, retards ou problèmes des autres canaux.
Si la demande de polyvalence et de flexibilité s’accroît, cela se fait «sans définir un cadre clair» et «sans disposer du temps ni parfois des ressources nécessaires pour se former sur les différents systèmes». L’encadrement intermédiaire est bien souvent démuni et doit bien souvent restructurer régulièrement ses équipes sur la base de critères financiers de court terme et d’injonctions venues des niveaux supérieurs.
Propositions et revendications
Le rapport conclut sur six revendications allant de la demande d’une attention ciblée à la vente dans le cadre des transformations digitales, à la garantie d’un cadre serein pour penser le changement sans rabotage massif de postes au moment où l’on assiste à une densification de l’utilisation du réseau, en passant par la mise à disposition du temps nécessaire pour se former.
Fondamentalement, insiste le rapport, «le personnel actif dans les métiers de la vente est ouvert au changement: il a déjà démontré au cours des dernières années son exceptionnelle faculté d’adaptation». Sur la durée, il n’est cependant pas possible d’exiger une évolution continue des tâches à prendre en charge et des compétences à posséder sans offrir de cadre stable et serein aux employé-e-s. Or, dans une grande majorité d’entreprises, la menace de suppressions de services, de points de vente et de postes de travail est une constante: «Ce cocktail explosif ne peut que conduire à une démotivation face aux exigences croissantes.» Il s’agit donc de proposer des formations qui offrent de réelles possibilités d’évolution et dégager les ressources nécessaires du point de vue du temps à disposition.
La présence d’un personnel de vente dans les gares se justifie aussi en raison de la progression de la mobilité et de la densité de l’utilisation du réseau. L’information aux voyageurs en cas de perturbation doit être assurée par du personnel de vente qualifié et expérimenté. La multiplication de ces situations doit être prise en compte dans le dimensionnement des effectifs du personnel de vente.
Ouvrir un vrai dialogue
«Les employés de la vente sont prêts à participer, avec les directions d’entreprises, mais aussi avec les usagers, à la réflexion sur l’évolution de leurs métiers et plus largement des canaux de vente. Exploiter le potentiel de la numérisation tout en développant l’indispensable présence humaine: telle est la seule voie raisonnable pour l’avenir des transports publics suisses » conclut le rapport Gaillard. Sur cette base, le SEV va affiner un cahier de revendications qui permettra de mieux défendre ces métiers de la vente dans cette période de virage numérique dans les entreprises, mais également auprès du public, des usagers et des autorités. Le chantier est loin d’être fini mais, avec ce rapport, la première pierre est posée.
Rapport de synthèse sur la Journée de la vente à télécharger sur : sev-online.ch/vente
Yves Sancey