Que ce soit à la manœuvre, à la chancellerie ou comme secrétaire de l’organisation, Rolf Rubin aimait la systématique

« Sommes-nous bien organisés à l’interne ? »

Le 31 octobre, c’était le dernier jour de travail de Rolf Rubin en tant que secrétaire de l’organisation. Durant toute sa carrière, un fil rouge a dominé: son goût et son talent pour l’ordre et la logique.

Rolf Rubin a organisé quatre Congrès – ici avec le président du SEV et le président du Congrès.

contact.sev: Avant d’entrer au SEV en 1985, tu as travaillé aux CFF. Comment es- devenu cheminot?

Rolf Rubin: Je suis arrivé aux CFF en choisissant mon métier. J’ai commencé un apprentissage à l’exploitation à Rapperswil en 1971. Mon objectif était de devenir contrôleur, mais finalement j’ai repoussé et ça ne s’est jamais donné pour diverses raisons. J’ai toujours apprécié le monde des chemins de fer et je voyage encore souvent en train. J’ai toujours été fasciné par l’exploitation, il y a tant de choses à faire fonctionner en même temps afin que les trains circulent à l’heure...

Choisirais-tu à nouveau le même métier aujourd’hui?

Pas vraiment, car c’est un métier qui est sur le déclin actuellement aux CFF. Le personnel ouvrier des CFF, comme le personnel de la manœuvre, ne jouit pas d’une bonne image même s’il fournit un bon boulot par n’importe quel temps et 24 heures sur 24. Il n’est pas reconnu pour ce qu’il fait. Je trouve cela vraiment dommage.

Tu siégais au comité de ta section ainsi qu’à la commission centrale RPV en tant que militant. As-tu fréquenté des cours syndicaux à cette période-là?

Oui, bien sûr. J’allais aux semaines de formation de la RPV et du SEV et en 1983–84, j’ai fréquenté l’« école syndicale », ce qui correspond aujourd’hui au cycle de formation movendo de gestion et développement des organisations syndicales chez movendo. Cela durait deux fois quatre semaines. Aux CFF, on avait alors le droit à une semaine de formation chaque deux ans. Je prenais donc des vacances pour suivre ces cours et je recevais du SEV, qui payait les cours, un dédommagement pour perte de salaire. Si j’avais dû payer une taxe d’inscription, comme aimerait le demander maintenant le comité SEV, je n’aurais guère pu me permettre cette formation en tant que jeune papa avec deux enfants. C’était une belle expérience pour moi et je trouve important que le SEV puisse continuer à offrir de telles possibilités à ses militants engagés.

Pourquoi es-tu devenu syndicaliste professionnel en 1985?

En tant qu’employé au poste directeur à Zurich, il n’y avait pas beaucoup de perspectives d’avenir pour moi, et j’ai donc posé ma candidature lorsqu’un poste de responsable de la documentation et de la chancellerie a été mis au concours.

Avais-tu une affinité particulière pour ce genre de tâches?

Pas vraiment au départ. Je me suis fait confiance et j’ai pensé qu’avec une certaine logique et systématique, nécessaires également dans la manœuvre, je pouvais prétendre faire mon job. Ça m’a convenu et ça s’est bien passé.

Combien de temps es-tu resté à la chancellerie du SEV?

Du 1er octobre 1985 jusqu’en 2006, année lors de laquelle je suis devenu responsable du soutien des autorités du SEV, qui correspond au poste actuel de secrétaire général du SEV.

Il n’y avait alors pas encore de fiches et on a mis cela en place, puis lorsque les ordinateurs sont arrivés, on a élaboré des banques de données électroniques. J’ai appris sur le tas, car j’aime bien ça. L’informatique c’est l’ordre, la logique et la systématique, tout comme la chancellerie. Et cela me plaît toujours autant.

L’organisation des Archives à la cave, c’est de toi?

J’ai repris la tâche, l’ai assumé jusqu’en 2006 et en partie renouvelé, comme ça se fait toujours. Je suis devenu également, en 1997, secrétaire de la commission de révision des statuts du SEV. Puis on a publié le petit livre rouge d’informations pour les personnes de confiance (jusqu’en 2006). En 1999, j’ai repris l’organisation des récoltes de signatures. On récoltait à l’époque des signatures pour quatre initiatives en même temps, et nous obtenions suffisamment de signatures pour trois, car nous pouvions compter sur beaucoup de militants.

Durant les dernières années, tu as également organisé les manifestations du SEV...

Cela fait partie du cahier des tâches du secrétaire général.

A ce poste, tu as vécu de très près la réorganisation des organes du SEV au début 2010: celle-ci a-t-elle fait ses preuves?

Ce fut un pas dans la bonne direction, et même un grand pas. C’est la première réforme des structures de milice qui a réussi durant toutes les années que j’ai passées au SEV. Le comité a maintenant trouvé sa place. Bien sûr, il reste un potentiel d’amélioration, surtout en matière de culture des débats. On devrait parler ouvertement des problèmes, discuter plus ouvertement.

Quels problèmes?

Je me pose la question suivante: sommes-nous bien organisés à l’interne? Car nous perdons des membres depuis des années. Nous pouvons effectuer un virage maintenant avec le coaching de sections, mais le recrutement des membres est central et le potentiel est là. On ne doit pas forcément chercher de nouveaux groupements, il y a à l’intérieur même des CFF de gros domaines où de nombreux collaborateurs ne sont pas syndiqués, par exemple à la Vente ou dans le personnel administratif, où ceux qui sont engagés sont difficiles à recruter. L’effectif des CFF est à nouveau en train de remonter et nous devrions gagner des membres. Il est également important de garder un pied dans les sociétés filles des CFF, comme Tilo ainsi que les différentes fractions des CFF, conserver nos membres et en recruter d’autres. Le recul des membres a des effets sur les finances du SEV. C’est aussi pour ça qu’il faut se poser des questions sur la structure actuelle.

Comment cela?

On doit se demander si c’est encore juste que chaque section et sous-fédération ait sa propre caisse et fortune, et si l’argent provenant de la cotisation générale des membres qui y est versé est utilisé efficacement. Le paysage syndical change aussi énormément. Si on ne veut pas être dépassé, il faut adapter les structures, se demander si les structures existantes sont encore les bonnes. Le comité devrait avoir le courage d’aborder de telles questions. Car refuser de discuter ne mène jamais au but. Les discussions peuvent amener des solutions qui n’amènent pas forcément à un virage à 180 degrés.
n Comment as-tu vécu les discussions sur la fusion avec le syndicat de la communication, entre 2006 et 2008?

J’ai appris que la discussion peut parfois être refusée , avec un simple non. Rétrospectivement, on peut dire qu’il n’était pas faux de dire non. Mais on ne peut pas refuser la discussion sur des questions aussi essentielles.

Que penses-tu des rapports entre les militants et les professionnels du SEV?

Nous avons une bonne structure de milice. C’est une des forces du SEV, qui le différencie des autres syndicats. Il est aussi important que les militants aient la responsabilité du comité et qu’ils soient seuls habilités à voter.

Serait-il possible que chaque sous-fédération ait un président central professionnel, poste financé par les cotisations des membres, comme c’est le cas à AS?

Ce n’est guère possible dans les sous-fédérations de moins de 2000 membres. On a déjà parlé d’une professionnalisation partielle, d’une réduction du temps de travail auprès de l’employeur de 20 % pour le président central, et d’un paiement du manque à gagner par le SEV. Mais lorsque le président central remet son mandat, on ne peut lui garantir une réaugmentation de son temps de travail, en tous cas pas dans le même domaine. Et il faut dire que les exemptions pour le travail syndical sont toujours plus difficiles à obtenir.

En 2009, le SEV est devenu officiellement, en langue allemande, syndicat et non plus association: qu’est-ce qui se cache derrière ce changement de nom?

L’ère des CCT a amené une autre façon de voir les choses. Avant, lorsqu’on avait la loi sur les fonctionnaires, les négociations salariales étaient menées par l’association fédérative des employés de la Confédération, pour toutes les régies fédérales. Le résultat était valable pour tous, sans que nos membres aient quoi que ce soit à dire.

Seul le comité directeur pouvait s’exprimer à ce propos. Maintenant il y a une CCT, qui doit être acceptée par la Conférence CCT, et les négociations salariales doivent être acceptées par la commission CCT. Les délégués CCT peuvent accepter ou refuser les résultats des négociations. La responsabilité est donc passé entre les mains des militants, tout comme au comité SEV. C’est une nouveauté essentielle.

Cette année, sur mandat du comité, tu as encore participé à un groupe de travail sur la mobilisation et élaboré une directive de 5 pages. Qu’est-ce qui est le plus important dans la mobilisation, par exemple pour une manifestation?

Que nous puissions motiver les responsables de sections et les personnes de confiance à y prendre part, à emmener leurs proches et leurs collègues ainsi qu’à mobiliser dans leurs sections, afin qu’il y ait le plus de participants possible. Pour cela il faut chercher la discussion face à face. Ce qui est également important: le controlling, à savoir appeler ceux dont on n’a pas eu de nouvelles. Il faut suivre un planning strict. Nous avons effectué cela strictement en 2009 lors de la grande manifestation pour l’assainissement de la caisse de pensions CFF par la Confédération. Ce qui nous a alors aidé fortement: le fait que les membres ont bien senti qu’il en allait de leurs rentes. Lorsqu’un thème touche les membres de près, ils participent et cela est possible grâce à notre structure de milice. Il faut mobiliser tout le monde, à tous les niveaux. 

Interview: Markus Fischer/Hes