Angle droit
Autre sexe, autre salaire?
Tout avait bien commencé. Tina a trouvé l’emploi dont elle rêvait: un poste intéressant, de bonnes conditions de travail, une équipe sympathique, des perspectives de carrière - que vouloir de plus ? Pendant le premier mois, son prédécesseur l’aide à se familiariser avec son nouvel emploi. Ce dernier lui raconte fortuitement qu’à l’époque il a débuté avec un salaire plus élevé - bien que sa formation, son expérience et son âge n’étaient pas si différents de Tina. Tina a donc été classifiée trop bas!
« L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale » selon une disposition de la Constitution fédérale depuis 1981. La loi sur l’égalité est en vigueur depuis 1996: « Il est interdit de discriminer les travailleuses et travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement (...). » (art.3 al. 1 LEg). Cette disposition s’applique à tous les employeurs en Suisse.
C’est maintenant à Tina de revendiquer auprès de son employeur son droit à « un salaire égal pour un travail de valeur égale ». Il s’agit en effet de discrimination salariale à raison du sexe si une femme est engagée avec un salaire inférieur, bien qu’elle dispose de qualifications équivalentes à celles de son prédécesseur. Il y a suspicion de discrimination salariale. Tina n’a pas à le prouver, les indices sont suffisants. Sinon, l’employeur doit pouvoir fournir la preuve formelle qu’il n’y a pas eu de discrimination salariale en raison du sexe. C’est-à-dire qu’il doit convaincre le juge que d’autres raisons valables justifient la différence de salaire. Des arguments généraux tels que: « C’est le marché qui dicte les salaires » ou « Par ailleurs, nous avons de bonnes conditions d’emploi », etc., ne suffisent pas. Faute d’une autre explication, le juge part du principe qu’il s’agit bien de discrimination salariale.
Alors que doit faire Tina concrètement? Tout d’abord, rechercher le dialogue avec son employeur et veiller à ce que dernier lui transmette sa réponse par écrit. S’ils ne peuvent pas trouver un accord, elle peut déposer sa requête auprès d’un office de conciliation. Si Tina est employée dans le secteur privé, elle doit s’adresser à l’autorité de conciliation du tribunal des Prud’hommes compétent. Si elle travaille auprès d’un organisme public, elle fera appel à l’organe de conciliation désigné. La procédure de conciliation est gratuite, contrairement à une assistance judiciaire. Etant donné que Tina est membre SEV, elle peut bénéficier d’une assistance judiciaire professionnelle sans devoir en supporter les coûts. Si la tentative de conciliation échoue, Tina s’adressera au Tribunal des Prud’hommes (si elle est employée dans le secteur privé) ou déposera un recours auprès d’un Tribunal administratif (si elle travaille dans un domaine de droit public).
Et si elle est licenciée? Du point de vue juridique, le licenciement est alors considéré comme un « congé-représailles ». En effet, la collaboratrice est licenciée parce qu’elle a fait valoir ses droits, ce qui serait abusif. Dans ce cas, elle peut demander sa réintégration. Le tribunal peut également ordonner le réengagement de la personne au cours de la procédure, même si aucun jugement n’a pas encore été rendu. La résiliation est alors susceptible d’être annulée.
Il devrait être possible d’éviter d’en arriver là, contrairement au cas de Tina. En effet, depuis le 1er juillet 2020, les entreprises qui emploient plus de 100 collaborateurs et collaboratrices sont tenues d’effectuer une analyse de l’égalité salariale tous les quatre ans. Elle doit être réalisée selon une méthode scientifique et conforme au droit et validée par un tiers indépendant. Ainsi, l’objectif constitutionnel « un salaire égal pour un travail de valeur égale » devient indéniablement un objectif organisationnel; l’employeur a tout intérêt à l’appliquer rapidement et de manière durable. Ceci non seulement pour maintenir un climat paisible au sein de l’entreprise, mais également pour préserver sa réputation. En effet, personne n’aime être accusé de discrimination.
Service juridique du SEV