Trafic régional voyageurs

Encore des économies !

Comme le transport régional de voyageurs (TRV) est de plus en plus utilisé, la Confédération et les cantons, avec les entreprises de transports publics, ont planifié un développement de ce secteur, ce qui augmentera les coûts non couverts de 882 millions de francs entre 2018 et 2021. La Confédération se dit prête à prendre 160 millions^à sa charge, le 18%, alors que légalement elle doit payer la moitié. Le reste devrait être pris en charge par les cantons et les entreprises. La Confédération redouble donc de pression sur les entreprises, qui se voient déjà fixer des conventions de prestations, comme les TPF par exemple, qui devront économiser 4 millions d’ici 2019.

Barbara Spalinger, vice-présidente SEV: «La Confédération doit maintenant décider si elle veut encore des transports publics de qualité, puisqu’avec la pression grandissante qu’elle exerce, elle met la qualité en question.»

Bien que dans le cadre de la consultation, un grand nombre des prises de position demandaient une hausse de la contribution de la Confédération, le Conseil fédéral, comme il le déclare dans son communiqué de presse du 23 novembre dernier, a décidé de ne pas augmenter le montant du crédit d’engagement de quatre ans pour le TRV. Le Conseil fédéral propose au Parlement un montant inchangé de 3,96milliards de francs et sur les 882millions de francs supplémentaires pour le TRV, il prend en charge seulement 160millions. Il justifie sa décision en invoquant les caisses vides de l’Etat (qu’il veut continuer à vider avec la réforme de l’imposition des entreprises III). « La situation financière de la Confédération ne permet pas d’aller plus loin. » En outre, la hausse prévue du crédit TRV devra atteindre en moyenne deux pour cent par an, et cela représente « l’une des plus fortes de toutes les tâches fédérales ». La raison de cette augmentation des dépenses est expliquée par le Conseil fédéral dans son communiqué de presse:

L’augmentation des passagers nécessite une extension du TRV

Le TRV est assidûment fréquenté, la demande a augmenté de 4 à 5% par an depuis 2007 et continuera de croître dans les années à venir. C’est pourquoi il est prévu pour les années 2018 à 2021 de mettre en exploitation de nouvelles offres de prestations, par exemple la ligne Mendrisio- Varese et de nouveaux éléments de RER dans les cantons d’Argovie, de Zurich, de Vaud et en Suisse orientale, de réaliser une nouvelle modernisation du matériel roulant et d’étendre l’offre dans beaucoup d’endroits : un train toutes les demi-heures par-ci, un train tous les quart-d’heures par-là, une nouvelle liaison ici et là un train plus moderne. Les transports publics doivent aussi être rendus encore plus accessibles pour les personnes en situation de handicap.

La marge disponible est érodée

« Ce n’est pas l’offre actuelle qui est soudain devenue plus chère » explique Daniela Lehmann, coordinatrice de la politique des transports du SEV. « Bien au contraire: les gains d’efficience des entreprises de transport garantissent toujours plus de prestations à la main publique depuis des années. » Selon l’OFT, l’indemnisation par personne-kilomètre a baissé en moyenne de presque 2,5% par année entre 2007 et 2012, et depuis il y a encore une diminution d’environ 0,5%. Du point de vue de l’OFT, ce sont les investissements résultant de la forte recrudescence de la demande qui sont en particulier responsables du fléchissement des gains d’efficience. Mais Daniela Lehmann voit encore une autre raison : « Entretemps, les marges disponibles pour les augmentations d’efficience sont érodées dans les entreprises, elles sont totalement prises en étau. Dans beaucoup d’endroits vient s’ajouter la situation difficile des caisses de pensions et les entreprises doivent trouver des solutions pour leurs institutions de prévoyance, et participer aux coûts. »

Extension prévue

Maintenant, il s’agit d’étendre le TRV, et la Confédération en reconnaît la nécessité. « L’OFT a déterminé de manière assez précise avec les entreprises ce que cela coûtera », souligne Daniela Lehmann. « La Confédération ne peut maintenant pas soudain réduire sa participation au coûts supplémentaires du TRV sur le dos des entreprises. »

Encore plus d’économies

En refusant d’augmenter son crédit, la Confédération force les entreprises à réaliser encore plus d’économies afin de pouvoir absorber la croissance du trafic prévue. « Pour le personnel, ceci signifie des suppressions de postes, davantage de pression et une détérioration des conditions d’engagement et de travail », prévient Giorgio Tuti, président SEV. Pour la clientèle, ces nouvelles économies sont synonymes de retraits supplémentaires de personnel dans les gares et les trains, de véhicules et de gares plus sales s’il y a moins de personnel de nettoyage, etc. En bref : la qualité des transports publics baisse et la sécurité en pâtit.

Il faut respecter la loi

Si la Confédération prend en charge seulement 160millions des coûts supplémentaires du TRV, elle ne respecte pas l’article 30 de la Loi sur le transport de voyageurs (LTV) qui stipule que la Confédération participe pour moitié au financement du TRV. « Ce principe doit aussi s’appliquer aux coûts supplémentaires non couverts » affirme Daniela Lehmann. Selon le droit en vigueur, la Confédération doit ainsi prendre à sa charge 441millions de francs sur les 882millions supplémentaires estimés pour le TRV durant les années 2018 à 2021. Pour toutes ces raisons, le SEV demande que le crédit d’engagement sur quatre ans de la Confédération soit augmenté de 281millions pour atteindre 4251millions de francs. « La Confédération a aussi sa part de responsabilité pour garantir un service public sûr et de bonne qualité, pour le personnel et la clientèle », souligne Daniela Lehmann.

Markus Fischer/mv

Les TPF mis sous pression

Les TPF doivent économiser quatre millions entre 2016 et 2019. En contrepartie, la Confédération et le canton renoncent à mettre les lignes au concours.

Si les TPF n’atteignent pas l’objectif de quatre millions d’économies défini dans la convention, est-ce que l’OFT mettra au concours par exemple la ligne Morat-Fribourg ?

L’Etat de Fribourg et l’OFT, commanditaires de l’offre de transport public régional (TRV) ont signé avec les TPF une convention d’objectifs pour les années 2016 à 2019 qui définit des objectifs financiers, de ponctualité et de qualité pour l’entreprise. Ainsi les TPF doivent économiser 2,7 millions de francs d’ici à 2019, « par rapport à l’offre de 2015 et à périmètre égal », comme le précise le communiqué de presse du 11 novembre dernier. Cet objectif sera atteint grâce à une réduction des coûts de 2 millions de francs (par rapport à l’indemnité de 44 millions de francs versée pour le TRV en 2015, année dont les prestations du rail et des bus sont prises comme référence dans la convention d’objectifs) et une augmentation des recettes de 0,7millions de francs. « Ces réductions de coûts concerneront également le trafic d’agglomération (AGGLO et MOBUL) et porteront en tout les économies à réaliser par les TPF à 4millions d’ici 2019. » En outre, des « objectifs qualitatifs ont été fixés par ligne à l’aide d’un système de management de la qualité ».

Les TPF étendent l’offre

Simultanément, la Singine et la Haute Sarine connaîtront « d’importantes améliorations » de la desserte à l’introduction de l’horaire 2017, en effet la ligne Fribourg-Ins profitera d’un cadencement à la demi-heure, précise le communiqué de presse. Les TPF veulent avant tout économiser au niveau de l’organisation du travail et en alliant les synergies dans la production, ont-ils expliqué à la presse. Par exemple, ils vont centraliser dès 2019 l’entretien des véhicules à Givisiez. Ils ont apporté une précision à l’attention de contact.sev : « Aucun poste ne sera supprimé et le personnel a déjà fait un effort » dans le cadre du renouvellement de la CCT à fin 2015 en ce qui concerne les salaires et la caisse de pensions, avec le passage de la primauté de prestations à la primauté de cotisations au début 2016.

La contribution du personnel réglée dans la CCT

Le secrétaire syndical SEV Christian Fankhauser explique que les TPF ont mentionné explicitement la convention d’objectifs à fin 2015 lors des négociations sur le renouvellement de la CCT 2013–2016. La CCT a été reconduite jusqu’à fin 2020 avec quelques modifications, en particulier concernant la prévoyance-vieillesse. Il a été en outre convenu de renoncer aux négociations salariales jusqu’à fin 2020. Si le taux de référence de l’index des prix à la consommation devait dépasser les 109.6 (réf. mai 2000), les salaires seraient automatiquement indexés au renchérissement. Selon Christian Fankhauser, la contribution du personnel aux économies est ainsi réglée. Naturellement, l’entreprise va constamment rechercher des nouvelles possibilités de réaliser des économies dans l’exploitation et la production, comme cela a été le cas jusqu’à présent. Par exemple, elle essaiera d’établir des tours encore plus efficients pour le personnel roulant. « Cependant, il n’est pas question d’accepter des tours encore plus longs ou bien trop courts » affirme Christian Fankhauser. « Notre objectif est l’amélioration de la qualité de vie des conducteurs en améliorant les tours de service. Nous demandons, par exemple, l’introduction d’une durée minimale correspondant à la moyenne théorique journalière d’un tour de service. Il n’est pas normal qu’un collaborateur travaille 6 heures avec une amplitude de 11–12heures. »

Garantie de commande

Pourquoi les TPF ont-ils accepté le mandat de la Confédération et du canton de réaliser de telles économies ? Afin de s’assurer de leurs contributions et de ne pas perdre leur mandat de prestations. « Pour l’entreprise, une telle convention représente une garantie pour la commande des prestations de transport public » précise le communiqué de presse. « Elle offre une alternative à la procédure de mises au concours. » Mais y a-t-il vraiment un danger que des concurrents des TPF viennent leur piquer des prestations ? « CarPostal est un concurrent potentiel » affirme Christian Fankhauser, « et les TPF considèrent sérieusement qu’il est possible que des entreprises internationales viennent s’immiscer dans le marché. »

Les conventions de prestations doivent respecter les CCT

Pour l’OFT, les conventions de prestations dans le transport régional de voyageurs sont «un instrument important pour renforcer l’efficience des transports publics», comme il l’indique dans son bulletin n°45 du mois de novembre 2016. L’OFT a conclu ces dernières années plusieurs de ces conventions dans le domaine des bus. Une autre a été conclu le 13 septembre dernier avec les ZVV à propos du RER zurichois et maintenant avec les TPF. D’autres seraient en préparation, par exemple pour le TransGoldenPass (BLS/MOB).

Barbara Spalinger, vice-présidente SEV, explique : « Les CCT ne peuvent pas être ignorées ou contournées. Nous exigeons que les conventions qui ont été signées avec nous soient respectées. » Spalinger ne comprend pas bien pourquoi l’OFT menace les TPF d’une mise au concours, s’ils n’arrivaient pas à respecter les objectifs d’économie. « Cela engendre une situation de concurrence artificielle. Si les lignes TPF étaient mises au concours, on aurait bien du mal à trouver quelqu’un qui les exploite mieux et pour moins cher. La Confédération doit maintenant décider si elle veut encore des transports publics de qualité, puisqu’avec la pression grandissante qu’elle exerce, elle met la qualité en question. »

Fi/mv