Angle droit
Pourquoi ne m’a-t-il pas examiné ?
George, Max et Heidi font connaissance par hasard dans la salle d’attente d’un cabinet de physiothérapie. Ils sont là parce qu’ils ont un genou en mauvais état. Pour tromper le temps, ils engagent la conversation et parlent de leurs douleurs respectives et des expériences vécues jusqu’ici. Ils se rendent compte alors qu’ils ont tous trois le même problème de genou, mais que leur cas n’est pas traité de la même manière.
George, le plus âgé des trois, travaille dans un bureau : son genou a brusquement commencé de coincer. Max est agriculteur : il est tombé sur le genou depuis une remorque. Quant à Heidi, elle est carreleuse : elle a des problèmes de genou depuis des années, et ça n’a cessé d’empirer. Tous les trois sont d’accord sur un point : on statue sur leur cas, alors qu’ils n’ont jamais vu ceux qui statuent. Et surtout, bien que le problème soit identique, l’avis diverge d’un cas à l’autre.
Différence entre médecin traitant et médecin d’assurance
Comme nous sommes en présence des mêmes problèmes de santé, les cas devraient être traités de la même manière. Et surtout : il faudrait que la personne appelée à décider de la suite à donner à l’affaire, soit aussi celle qui a examiné le patient. N’est-ce pas ?
Pour être en mesure de décider quels sont les traitements médicaux les plus indiqués, le médecin traitant doit en effet procéder à des examens médicaux et poser ensuite un diagnostic. A ce niveau, le traitement peut fort bien diverger d’un patient à l’autre, car dans tout traitement c’est l’individu pris dans son ensemble qui passe au premier plan. L’objectif consiste à rétablir la santé du patient, et cela passe par l’intervention pratique des médecins traitants.
Les médecins traitants, eux, examinent leurs patients. Ce qui n’est pas le cas des médecins d’assurance : pour l’AI c’est le médecin des services médicaux régionaux (SMR), pour la Suva c’est le médecin d’arrondissement et pour les assurances ce sont essentiellement des expert-e-s. Les expert-e-s procèdent certes à leurs propres examens, mais ensuite c’est le médecin d’assurance qui décide, en s’appuyant sur l’expertise. Ici, ce n’est donc pas le diagnostic qui prime, ni même le traitement. La seule question que l’on se pose, c’est celle-ci : en présence de tels problèmes de santé, qu’est-ce que cet individu est encore capable de faire ? La question est donc tout autre.
Les conséquences, d’un cas à l’autre
George a ressenti des douleurs d’un jour à l’autre. Il s’est avéré que son problème est dû à une usure liée à l’âge. Comme il travaille dans un bureau, où son genou n’est pas fortement sollicité, rien ne s’oppose à ce qu’il reprenne bientôt son travail à temps plein. Mais George a de la peine à plier son genou, et de temps à autre les douleurs sont bien là. Son assurance perte de gain en cas de maladie a donc fait appel à son médecin d’assurance, qui a étudié les dossiers établis par le médecin de famille. Résultat : l’indemnité journalière est supprimée, et au terme de sa physiothérapie George est censé avoir recouvré son entière capacité de travail.
Max a eu un accident. En tant qu’agriculteur indépendant, il est assuré contre les accidents par sa caisse maladie. La cause du problème est donc différente, et les répercussions sont également tout autres, car Max exerce un travail physique. Comme il n’est plus en mesure de solliciter son genou aussi bien qu’auparavant, il s’avère que Max doit désormais adapter ses travaux à son handicap, ce qui l’a contraint à engager un collaborateur. Après une évaluation du préjudice effectuée par les médecins de l’assurance, Max touchera donc une petite rente, conformément à la législation sur l’assurance accidents.
Le genou de Heidi souffre également de symptômes d’usure. Elle travaille depuis vingt ans comme carreleuse. Après quelques difficultés pour établir quelle est l’instance compétente, le cas échoit à la Suva, où la question est la suivante : maladie ou non ? Comme il est établi que, selon toute vraisemblance, le problème tire son origine de l’activité professionnelle, on vérifie qu’il s’agit bien d’une maladie professionnelle. Le médecin d’arrondissement de la Suva constate que c’est bien le cas et que Heidi a désormais besoin d’une nouvelle orientation professionnelle. Avec l’aide de la Suva et de l’AI, elle peut aujourd’hui continuer de travailler comme formatrice au sein de l’entreprise.
C’est ainsi que les trois éclopés ont compris qu’un diagnostic n’est qu’une simple pièce d’un puzzle. Il aide certes pour le traitement mais, par la suite, ce sont d’autres instances qui décident, en s’appuyant sur les pièces du dossier. En l’occurrence, bien que le diagnostic soit le même pour les trois personnes, en fin de compte chaque cas est réglé différemment, car d’autres facteurs entrent en ligne de compte. Tout cela n’est pas facile à comprendre, mais l’essentiel n’est-il pas de recouvrer peu à peu la santé ?
Service juridique du SEV