Aéroport de Genève
Echec des négociations à Swissport
Après plus d’un mois de lutte à Swissport Genève, une assemblée du personnel de près de 200 personnes a rejeté le 12 février à une courte majorité une « CCT de crise » d’une durée de deux ans. La direction, intransigeante, n’a pas fait de concessions suffisantes pour convaincre l’assemblée d’accepter de lourds sacrifices. Le SEV continuera à défendre ses membres.
Aucun accord n’a été trouvé entre Swissport et ses employés soutenus par leurs syndicats. En conflit depuis début janvier suite à l'envoi de contrats individuels (voir notre dernière édition), les différentes parties avaient accepté, fin janvier, de se soumettre à une conciliation sous l’égide de David Hiler, médiateur désigné par le Conseil d’état. Deux semaines n’auront pas suffi pour trouver un terrain d’entente. Réunis en assemblée le 12 février, les employé-e-s ont refusé à une courte majorité – 104 non, 79 oui et 12 abstentions - la dernière proposition de l’entreprise. Le résultat serré montre que la décision était difficile à prendre en sachant que dans les deux cas – l’acceptation ou le refus de la CCT de crise - les salarié-e-s se retrouvaient avec une très forte dégradation de leurs conditions de travail, la direction s’arc-boutant à un plan d’économie de 25% entre baisses de salaire et augmentation de la flexibilité.
D’un côté, l’assemblée pouvait se prononcer en faveur de la signature d’une CCT de crise d’une durée de deux ans, du 1er juin 2021 au 31 mai 2023. Toutes les dispositions auraient été rediscutées et négociées six mois avant l’échéance. Cette CCT de crise ouvrait un horizon de sortie de crise à 18-24 mois pour négocier dans un contexte plus favorable avec la reprise d’une certaine activité aéroportuaire. Les mesures douloureuses n'étaient que conjoncturelles contrairement aux contrats individuels qui inscrivent les mesures de façon plus structurelle. Par ailleurs, la négociation intensive de deux semaines a permis certaines avancées comme la contribution de l’assurance maladie de 200 fr. par mois (au prorata) qui était maintenue jusqu’à la fin des RHT puis encore la moitié durant trois mois.
De l’autre côté, la signature d’une CCT avec son corollaire de paix du travail était vue par certains comme l’acceptation d’une baisse de 25% des conditions de travail tout en renonçant au recours possible de la grève. Du côté du SSP et d’Avenir syndical, toutes les interventions visaient à montrer que les concessions obtenues n’étaient que des « cacahuètes » et que la poursuite de la lutte et le soutien des politiques pourraient permettre d’obtenir davantage que le maigre résultat de la négociation. Trois pistes étaient ainsi présentées : obliger la direction à un arbitrage avec les syndicats, retirer la concession de Swissport et améliorer la situation des auxiliaires qui ne seraient couverts ni par une CCT ni par les usages.
Suite au refus de la CCT de crise à une courte majorité de 53% de non, l’assemblée a voté dans la foulée une action le jour même en ville. Une délégation des trois syndicats a été reçue par le conseiller d’Etat Mauro Poggia qui a bousculé son agenda. Les espoirs d’un soutien politique pour forcer Swissport à revenir avec un meilleur accord ont malheureusement été très rapidement douchés. Comme l’avait expliqué en assemblée le SEV, le magistrat a confirmé que motion et résolution ne peuvent obliger Swissport à quoi que ce soit : ni retirer la concession, ni obliger à un arbitrage. La concession, qui court jusqu’à fin 2023, ne dépend ni de l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (Ocirt), ni du Conseil d’Etat. Concernant les usages pour les auxiliaires, d’éventuels changements ne sont pas à attendre avant plusieurs mois voire années. Seule la mobilisation amplifiée ces prochaines semaines pourra donc permettre de modifier le rapport de force. Quoi qu’il advienne de cette lutte, le SEV continuera à défendre ses membres.
Yves Sancey
Pablo à l'interview
«Pour la suite, tout est entre les mains du personnel»
Très actif durant toutes les assemblées et membre de la délégation de négociation, Pablo Guarino, secrétaire syndical SEV en charge de l'aéroport de Genève s'est battu sans compter pour défendre nos collègues très mobilisés de Swissport. Après six semaines de lutte, nous faisons le point avec lui.
Pablo, quel bilan tires-tu du résultat des négociations ?
L’assemblée du personnel a refusé le résultat des négociations qui aurait conduit à une CCT de crise. Au SEV, on avait fait l’analyse qu’un cadre conventionnel avait l'avantage d'une temporalité limitée dans le temps et que cela n'empêchait pas de maintenir en parallèle une pression sur le politique. Le mandat de l’assemblée était de négocier un accord en vue d'une CCT de crise. Je souligne au passage l'excellent travail de toute la délégation du SEV ces dernières semaines et en particulier celui d'Aurélie Lelong au sein de la délégation de négociation Au final, l'accord a été rejeté. Nous sommes solidaires de cette décision que nous respectons et nous suivrons les prochaines actions qui vont être menées.
Comment analyses-tu ce rejet ?
Le résultat des négociations était très maigre. La direction n’a vraiment pas facilité un soutien de l’accord final par l'assemblée puisqu’elle n’a lâché sur quasiment rien. Le seul avantage étant d’avoir une CCT de crise. Entre une CCT de crise et rien du tout, la majorité a préféré garder sa liberté d’action.
Comment vois-tu la suite ?
Tout est entre les mains du personnel qui a rejeté cet accord et qui s’est montré déterminé à entreprendre des actions. Seule une mobilisation importante pourrait être à même d’obtenir un meilleur résultat. Ce sera difficile. À moyen terme, le politique a aussi une carte à jouer. Une des causes de la guerre des prix qui se déroule à l’aéroport, c’est l’absence de régulation. Des CCT de branches ou de site permettraient d’avoir les mêmes conditions pour toutes les entreprises et d’éviter cette sous-enchère qui se fait sur le dos des salarié-e-s. Les employé-e-s du secteur aérien attendent une reprise rapide de l'activité. Mais l'incertitude demeure. Une assemblée décidera lundi (jour du bouclage) de la suite à donner au vote et aux réponses peu encourageantes du conseiller d'Etat Mauro Poggia sur la marge de manœuvre du politique.
Yves Sancey