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Allaitement au travail

Combat pionnier aux TPG

Avoir des pauses pour allaiter son enfant sur son lieu de travail durant une année. C’est possible depuis 2014 et l’entrée en vigueur d’une nouvelle disposition fédérale. Aux Transports publics genevois (TPG), une jeune conductrice déterminée se bat pour faire valoir ses droits. Et ouvrir la voie à d’autres.

Pour soutenir Esperanza, ses collègues des TPG lui ont fait une haie d’honneur en mars.

Chaque jour, c’est le même rituel. Esperanza Muñoz doit tirer son lait pour nourrir son fils. Cette conductrice de tram aux TPG a accouché en août 2017. Elle souhaite allaiter son enfant. Elle se renseigne pour savoir ce que dit la loi. C’est le début d’un combat pionnier pour faire valoir un droit. Depuis 2014, les jeunes mères ont droit à des pauses allaitement rémunérée sur leur temps de travail. Mais, selon plusieurs spécialistes de la santé, la loi qui le permet est restée lettre morte depuis son entrée en vigueur.

La loi est claire …

En cherchant, Esperanza tombe sur l’article 35 de la Loi sur le travail (LTr) qui renvoie à son Ordonnance 1 (OLT1). L’article 60 de l’OLT1 précise que «les mères qui allaitent peuvent disposer des temps nécessaires pour allaiter ou tirer leur lait » et que « au cours de la première année de vie de l’enfant, le temps pris pour allaiter ou tirer le lait est comptabilisé comme temps de travail rémunéré » pour une durée de 90 minutes au minimum pour une journée de travail de plus de 7 heures. L’article 62 stipule que l’employeur n’est autorisé à affecter des mères qui allaitent à des travaux dangereux ou pénibles que lorsque l’inexistence de toute menace pour la santé de la mère ou celle de l’enfant est établie sur la base d’une analyse de risques. Les TPG n’ont, à notre connaissance, jamais effectué une telle analyse. L’article 64 indique lui que les mères qui allaitent sont dispensées, à leur demande, des travaux qui sont pénibles pour elles et qu’un travail équivalent ou sans danger doit leur être proposé.

… mais le TPG pensent ne pas être concernés

La jeune conductrice des TPG dispose également d’un certificat d’allaitement de son médecin qui lui déconseille de reprendre son travail de conductrice. Avec ce certificat, soutenue par un avocat et le SEV, Esperanza fait alors valoir ses droits en novembre 2017 auprès de l’entreprise, souhaitant, le temps de l’allaitement, ne pas reprendre la conduite qui prétériterait sa capacité à allaiter et sa santé. Le service juridique des TPG lui a répondu que cela n’est pas applicable dans une entreprise de transports publics, puisque les travailleuses et travailleurs sont soumis à la LDT (Loi sur la durée du travail) qui chapeaute les services publics de transports.

Cela est juste mais, et les TPG ne semblent pas vouloir l’admettre pour le moment, pour la protection spéciale et notamment la protection de la maternité, la Loi sur la durée du travail renvoie explicitement, en son article 17, à … la LTr ! Il n’y a donc pas un mur intangible entre LDT et LTr, mais des passerelles.

Pas une exception mais un droit

Malgré le certificat médical qui atteste de sa volonté d’allaiter son fils après son congé maternité et d’éviter toute situation stressante, les TPG lui ordonne de reprendre la conduite à partir du 15 janvier. Elle se rend alors sur place pour qu’on ne l’accuse pas d’abandon de poste. Mais elle est venue en civil, car le certificat médical lui déconseille de reprendre son activité de conductrice.

Grâce à l’action du syndicat SEV, et en dépit de pressions des TPG, Esperanza obtient gain de cause à titre exceptionnel. L’entreprise accède à sa demande mais se refuse, pour le moment, à prendre une position définitive et à reconnaître les obligations qui découlent de la loi. Esperanza est détachée dans un bureau et peut durant 90 minutes chaque jour allaiter son fils. Mais pour elle, ce n’est pas suffisant. « Je veux que le droit s’applique et pas juste une faveur ou une exception. Ou que les TPG écrivent noir sur blanc que la loi ne s’applique pas » dit-elle. C’est important pour celles qui l’ont précédées, pour celles qui la suivront et même pour elle si elle décidait d’allaiter un deuxième enfant. En mars, les TPG l’ont convoquée parce qu’elle a rendu publique sa situation à la télévision genevoise Léman Bleu. Accompagnée par une haie d’honneur de ses collègues, elle n’a finalement pas été entendue. Esperanza se passerait bien de ce stress supplémentaire, mais elle est déterminée à faire valoir ses droits.

Discrimination

Pourquoi les TPG se refusent à reconnaître ce droit à Esperanza? Aux TPG, selon Léman Bleu, on décline tout commentaire sur son cas. La régie publique indique « agir au cas par cas en accord avec l’ordonnance fédérale.» Une position scandaleuse, pour le SEV qui y voit un cas de discrimination. «L’entreprise doit mettre en place des conditions cadre pour permettre à une employée jeune mère d’allaiter son enfant. Pour nous, c’est une claire discrimination » s’indigne Valérie Solano, secrétaire syndicale du SEV. « De plus, une entreprise publique aussi importante que les TPG, qui devrait être exemplaire, ne peut pas traiter des jeunes femmes de cette manière. Au-delà du cas individuel d’Esperanza qui a abouti sur une première victoire mais qui repose sur le bon vouloir des TPG, qu’est-ce que cela signifie pour toutes les jeunes femmes qui viendront après elle ? C’est pour nous extrêmement choquant » dénonce-t-elle.

D’autant plus que cela ne concerne, au final, que très peu de femmes. Sur près de 1200 conducteurs aux TPG, seulement 100 femmes conduisent trams et bus. Depuis 2014, 10 femmes ont bénéficié d’un congé allaitement d’un mois accordé par la régie publique.

Des mesures à prendre ailleurs aussi !

Au-delà du cas d’Esperanza se pose la question des mesures à prendre par les entreprises et en particulier les grandes sociétés ou les entreprises parapubliques afin de mettre en place des pauses allaitement facilitées inscrites dans la loi.

Les femmes qui le souhaitent doivent disposer du choix de poursuivre l’allaitement. C’est le rôle des Ressources humaines de se tenir au courant des lois et de les faire appliquer.

Esperanza espère qu’à travers sa lutte de pionnière, ce qui aujourd’hui relève d’un parcours de combattante sera rapidement une évidence pour les femmes qui font le choix de l’allaitement au travail de disposer des informations et du soutien dans leur projet par leur entourage mais aussi par les employeurs.

Yves Sancey

Point de vue santé

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) préconise six mois d’allaitement exclusif et un allaitement partiel jusqu’à l’âge de deux ans. Pour l’OMS, «l’allaitement est le moyen idéal d’apporter aux nourrissons tous les nutriments dont ils ont besoin pour grandir et se développer en bonne santé.»

« L’allaitement est bénéfique pour l’enfant comme pour la mère » selon Céline Fischer Fumeaux, médecin associée au service de néonatologie du CHUV. « Il permet par exemple aux mamans de se remettre plus rapidement après l’accouchement et, à plus long terme, de réduire les chances de développer un cancer du sein. Pour l’enfant, il diminue, entre autres, les risques d’infections respiratoires, d’otite ou de gastroentérite durant la période d’allaitement ».

ysa

Commentaires

  • Betroffene

    Betroffene 06/04/2018 14:19:11

    Ich arbeite als Fahrdienstleiterin bei der SBB und bekam keine Stillpausen, als ich danach fragte und mir blieb also nichts anderes übrig, als während meiner 30 minütigen Essenspause abzupumpen. Ich musste jeweils direkt vor und nach der Schicht noch abpumpen, um nicht zu platzen!