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Lucie Waser: «Avec la majorité politique actuelle, il y a peu de marge de manoeuvre.»

A pas très lents vers l’égalité

Les entreprises qui emploient au moins 50 personnes devront analyser tous les quatre ans les salaires qu’elles leur versent. Un organe de contrôle externe vérifiera le bon déroulement de l’analyse et rendra compte du résultat de son examen à la direction de l’entreprise.

Les femmes de l’USS en piste (Lucie Waser, troisième depuis la gauche).

C’est ce que le Conseil fédéral a décidé lors de sa séance du 26 octobre après avoir pris acte des résultats de la consultation. Il a chargé le Département fédéral de justice et police de préparer un projet de loi dans ce sens d’ici à l’été 2017.

Il y a 35 ans que l’égalité salariale entre hommes et femmes est inscrite dans la Constitution, mais elle n’est toujours pas réalisée. Il existe encore des écarts de salaire inexpliqués. Les mesures volontaires, comme le « Dialogue sur l’égalité des salaires », n’ont pas remporté le succès espéré.

C’est pourquoi le Conseil fédéral avait mis en consultation, en novembre 2015, un projet de modification de la loi sur l’égalité (LEg). Il proposait que les entreprises employant 50 travailleurs ou plus soient tenues d’exécuter une analyse des salaires et de faire contrôler sa bonne exécution par un organe externe.

Dans la position du Conseil fédéral, le contrôle externe se centrera uniquement sur la méthode employée et non sur les résultats obtenus. Il sera confié à un organe de révision. Le Conseil fédéral a renoncé à charger les partenaires sociaux du contrôle. Face à la levée de boucliers des patrons, le Conseil fédéral a renoncé à l’obligation de rendre public le nom des entreprises qui n’ont pas joué le jeu.

La position du CF ne manque-t-elle pas de courage ? Nous avons interrogé Lucie Waser, responsable de l’Egalité au SEV.

contact.sev: Pendant la consultation, les organisations féministes ont dénoncé une réforme trop timide. Comment qualifies-tu la proposition du Conseil fédéral ?

Lucie Waser: Actuellement, je ne vois pas d’autre choix politique que celui du Conseil fédéral, même si bien sûr il ne me plaît pas! Mais vu les actuels rapports de force sur le plan politique, les femmes des syndicats doivent faire preuve de réalisme, même si nous demandons évidemment bien plus. Il s’agit néanmoins d’un petit pas dans la bonne direction. On ne fait pas du sur-place, mais surtout, on ne recule pas. C’est déjà quelque chose et en tout cas une petite percée en direction de l’égalité en Suisse.

Quel est l’aspect le plus problématique ?

Le contrôle volontaire des salaires dans les entreprises de moins de 50 personnes. Et pour ne rien améliorer, les plus grandes sont « invitées » à agir. Le tout, sans aucun contrôle et sans sanction possibles de la Confédération. Pour se consoler, on peut constater que le Conseil fédéral fait référence à la méthode officielle de contrôle des salaires et que l’Office fédéral de l’égalité est à disposition des entreprises pour les accompagner. Le projet Logib a clairement montré qu’on atteindra pas l’égalité en se basant sur la bonne volonté des entreprises. La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga en est bien consciente. Mais pour un véritable changement, il faut d’autres équilibres politiques. Il n’y a pas d’autre voie. Lors des prochaines élections fédérales, il s’agira d’élire des personnes qui se battent pour l’égalité entre hommes et femmes et pour davantage de justice sociale.

Quelles sont les actions prévues par l’USS pour dénoncer la situation ?

Nous en avons discuté le 1er novembre. On ne va pas rester les bras ballants. Il y a des idées d’actions pour la session d’hiver des Chambres fédérales et nous les communiquerons en temps voulu.

Qu’en est-il de l’égalité salariale dans les transports publics ?

Comparée à d’autres secteurs, la situation dans les transports publics n’est pas si mauvaise. Pourquoi ? Parce que nous avons des CCT et des contrats d’entreprise qui ne protègent pas que les femmes. Néanmoins, l’existence de contrats n’est pas une garantie d’égalité salariale, même s’ils en fixent les conditions pour l’atteindre. Sans des protections bien codifiées, les droits des travailleurs et travailleuses ne pourraient être améliorés. Il y a des entreprises ferroviaires qui considèrent l’égalité salariale et les contrôles réguliers comme partie intégrante de la gestion de la qualité, car elles ont compris que c’est un moyen d’être un employeur attractif sur le marché. Ceux qui souhaitent le meilleur, ne peuvent se passer des femmes. Les entreprises qui parviennent à engager les meilleurs hommes et les meilleures femmes affronteront l’environnement concurrentiel sans crainte. Certaines boîtes aux compris la plus-value qu’offre l’égalité.

Françoise Gehring

 

La Suisse, désormais 11e, recule de trois rangs sur l’écart hommes-femmes

Le Forum économique mondial a publié son rapport international sur l’égalité homme-femme, basé sur quatre critères: les opportunités économiques, l’éducation, la santé et l’émancipation politique. La Suisse recule au 11e rang. C’est en particulier en matière d’éducation et de santé que notre pays est mal classé. L’Islande est en tête devant les pays scandinaves.

Désormais onzième, la Suisse baisse surtout sur les opportunités économiques, alors que la parité ne devrait pas être atteinte avant 2186 dans le monde. Après une avancée record en 2013, jamais le fossé entre les sexes n’avait été plus élevé depuis 2008 dans le monde, estime le Forum économique mondial (WEF) dans son rapport publié récemment à Genève. Il atteint 59 % sur les opportunités économiques, l’un des quatre indicateurs avec l’éducation, la santé et l’émancipation politique.
Le Rwanda arrive devant l’Irlande à la 5e place. Les Philippines suivent devant la Slovénie, la Nouvelle-Zélande et le Nicaragua.

En Suisse, le décalage entre hommes et femmes est considéré comme comblé à 77 %, deux points de moins qu’en 2015. Dans le détail, le pays figure au 15e rang pour l’émancipation politique, un rang de mieux que l’année précédente, et au 30e pour la participation et les opportunités économiques, en baisse de treize places.

Ouest de l’Europe devant

Mais la Suisse n’est que 61e en matière d’éducation, en hausse de huit rangs, et au-delà du 70e rang pour la santé, en légère amélioration. Pour autant, elle arrive au 1er rang du taux d’alphabétisation des femmes et dans leur accomplissement dans l’éducation tertiaire. En revanche, la Suisse recule de 23 rangs sur le décalage dans les revenus estimés, pour lequel elle figurait à la 1re place en 2015.

Dans le monde, les femmes gagnent un peu plus de la moitié du salaire que touchent les hommes, malgré de plus longues heures de travail rémunérées ou non. Le taux d’activité stagne à 54 % chez les femmes contre plus de 80 % pour les hommes. Le nombre de femmes qui occupent des postes à haute responsabilité reste bas.

comm.