Le rôle des « petits chefs », en sandwich entre la base et leurs supérieurs, n’est pas facile. Mais leur situation devient vraiment périlleuse lorsqu’ils ne parviennent pas à remplir les attentes de leurs chefs. Car alors, non seulement leur fonction de chef est mise en péril mais en plus, le licenciement les menace et dans une profession de monopole, ils se retrouvent en position délicate de réorientation professionnelle.

Chef pris en sandwich

Après avoir perdu la confiance de ses supérieurs ainsi que sa fonction de chef, un chef de team mécanicien de locomotives employé dans une entreprise ferroviaire a dû se battre pour conserver son emploi de mécanicien.

Le chef de team – que nous nommerons Jean – est invité, quelques jours après son retour de vacances et à son grand étonnement, à se présenter dans le bureau du supérieur de son chef. Et là, sans prendre de gants, il lui est signifié qu’il ne leur est plus possible de collaborer avec lui. Et qu’il doit chercher un autre travail. Ceci parce qu’il ne leur a (apparemment) pas transmis une information importante.

Que s’est-il passé? Avant ses vacances, Jean a demandé à l’un de ses collaborateurs de prendre position sur la réaction d’un client. Ce collaborateur n’a pas envoyé sa vision des choses seulement à Jean mais, sans qu’on le lui ait demandé, aussi au directeur, parce que la lettre du client lui était adressée. Jean explique qu’il a pris connaissance de ce malheureux mail adressé au grand chef seulement après ses vacances, et qu’il a renoncé à en informer son supérieur direct au vu du temps qui s’était déjà écoulé. En outre, aucun processus clairement défini ne prévoit une telle démarche. Les chefs n’écoutent pas les explications de Jean: après une dizaine de minutes, il doit quitter le bureau.

Plus confiance

Cinq jours plus tard, le chef direct de Jean l’informe de la suspension de sa fonction. Il reproche à Jean d’avoir déjà dû lui demander à plusieurs reprises de transmettre des informations concernant des affaires de gestion du personnel délicates. Selon lui, Jean ne soutient pas assez la direction pour ce qui est de l’organisation (cela revient à dire que Jean est trop proche des collaborateurs de la base), et il n’a pas constaté chez lui une volonté de s’améliorer. Jean a dès lors perdu la confiance de ses supérieurs. En conséquence, il doit quitter sa fonction deux mois plus tard et rechercher activement un nouveau poste à l’interne de l’entreprise ou à l’extérieur. Il devra aussi informer lui-même ses collègues et collaborateurs concernés durant les prochains jours. Pour Jean, la suspension de sa fonction est intervenue de manière totalement inattendue, d’autant plus qu’un mois auparavant il a eu sa dernière évaluation de prestations et que les résultats étaient plus que positifs concernant aussi bien ses prestations générales que celles relevant de sa fonction dirigeante.

Quelques jours plus tard, Jean reçoit un compte-rendu de la discussion qu’il doit signer. Mais il ne signe pas car il trouve que les reproches ne sont pas formulés de manière suffisamment concrète, et il n’est pas d’accord avec le contenu. De son point de vue, dans son comportement il n’y a aucun manquement qu’on puisse lui reprocher. Il fait alors une demande d’assistance juridique au SEV et demande qu’on l’accompagne à la prochaine discussion.

Procédure irrégulière

Au cours de la discussion suivante entre Jean et son chef ainsi qu’un représentant du service du personnel, le secrétaire syndical qui accompagne Jean constate que ce dernier conteste les reproches qui lui sont faits et que ceux-ci, même s’ils étaient fondés, ne justifieraient pas une suspension de fonction ni un licenciement (qui menace de manière sous-jacente). En outre, la procédure lancée contre Jean va à l’encontre de la CCT qui demande, en cas de prestations insuffisantes ou de comportement insatisfaisant, un avertissement écrit avec la mention d’un possible licenciement avant qu’un licenciement proprement dit ne soit prononcé. Selon la CCT, des objectifs doivent auparavant être fixés et un délai raisonnable doit être accordé pour permettre à la personne concernée de s’améliorer.

Renonciation volontaire à la fonction de chef de team

Lors de cette séance , Jean laisse entendre que, au vu des relations actuelles avec ses chefs, il préfère renoncer à sa fonction dirigeante et qu’il aimerait de nouveau travailler en tant que mécanicien de locomotives. Les représentants de l’employeur rétorquent cependant qu’ils ne peuvent proposer à Jean qu’un poste de mécanicien de locomotives limité à six mois. Ensuite il devra se réorienter professionnellement.

Offre refusée

Cette « offre » est rejetée par le représentant du SEV qui la considère inacceptable. Il communique par écrit l’avis de Jean concernant les événements qui se sont produits, le fait qu’il les conteste et que la suspension de la fonction et le licenciement sous-jacent ne sont pas conformes à la CCT, et il suggère à l’entreprise de revoir sa position.

Lors d’une autre discussion (deux mois et demi après la première douche froide), les représentants de l’employeur expliquent que Jean perdra définitivement son poste de chef dans trois mois et demi. Au vu de l’évolution des ressources, ils ne peuvent pas lui garantir un poste de mécanicien à durée illimitée. Mais Jean a tout de même de bonnes chances. En tous les cas, il peut rester encore deux mois supplémentaires en tant que mécanicien de locomotives s’il signe en l’espace de cinq jours un accord stipulant qu’il renonce à des démarches juridiques.

Ce dernier passage est supprimé à la demande du SEV et, en lieu et place, il est constaté que dans l’intérêt des deux parties, il faut trouver un accord.

Lors d’une énième discussion, on propose à Jean un poste de mécanicien de locomotives de durée illimitée. Il l’accepte. Son salaire de chef lui sera versé encore pendant deux ans. On aurait cependant pu arriver à la même solution en se mettant d’accord beaucoup plus simplement, sans devoir parler de licenciement.

Le team d’assistance juridique