Chemins de fer du Jura
Transitionen douceur aux CJ
Comme de coutume l’assemblée des actionnaires CJ (80e) s’est tenue durant les derniers jours de juin. On y a noté la présence de 32 actionnaires représentent le 87 % des voix. L’exercice 2023 boucle avec un bénéfice comptable de 206 857 CHF, du résultat d’exploitation, ce qui réjouit la nouvelle présidente du Conseil d’administration (CA) Géraldine Beuchat, nommée en 2023.
L’effectif se monte à 181,5 personnes EPT (+9 %) et représente un total de charges de 20 040 000 CHF sur les 40 366 076 CHF de bilan comptable. La nouvelle CCT entrée en vigueur au 1er janvier 2024 donne satisfaction au personnel quant à la qualification des fonctions et grille salariale. L’entreprise s’est dotée de 3 nouveaux administrateurs en 2023, Charles Juillard, vice-président, conseiller aux États (JU) Le Centre, Pierre André Meyrat, ancien directeur suppléant de l’Office des transports (OFT) et François Gatabin, ancien directeur des MBC, ex-responsable CFF réseau Ouest, ancien vice-président SEV. Dialogue avec ces deux derniers, spécialistes des transports publics (TP).
Directeur des MBC jusqu’en 2022, d’une région à forte densité de population et d’un potentiel touristique important, comment voyez-vous le développement possible des CJ, qui n’a pas ces mêmes critères ?
François Gatabin : La densité démographique n’est pas comparable entre l’Arc jurassien et le Bassin-lémanique. Cela a un effet direct sur la fréquentation des lignes et donc sur les taux de couverture. Le rôle des CJ n’en est pas moins fondamental sur les trois axes principaux, trafic régional de voyageurs, transport des marchandises, tourisme et loisirs. En se concentrant sur ces 3 axes et en développant l’offre de TP en améliorant le confort des voyageurs par la modernisation du matériel roulant et des structures d’accueil, les CJ seront une véritable alternative aux transports individuels. En proposant des activités attractives pour les touristes intéressés par un tourisme doux et respectueux de la nature, les CJ contribueront à améliorer l’attrait touristique d’une région.
Que pense l’ancien directeur régional des CFF pour la Suisse romande (2007-2014) de cette multitude de petites compagnies romandes de TP ? Des synergies, rapprochements ou fusions seraient-ils leur avenir ?
Une compagnie bien ancrée dans une région est un avantage certain lors des discussions avec les partenaires politiques cantonaux et communaux qui sont en général commanditaires de l’offre et propriétaires de l’entreprise. Ce sont très souvent aussi de vrais partenaires, très attachés à leur compagnie. L’évolution de la société, la complexité des bases légales, l’augmentation des attentes envers les entreprises publiques et la complexité croissante des technologies rendent nécessaires les collaborations entre entreprises. C’est pourquoi nous avons créé, en Suisse romande, des sociétés comme MoviPlus (coopératives actives dans le soutien aux entreprises pour le développement digital) ou RailTech (entreprise spécialisée dans la maintenance et l’entretien des bogies). Les collaborations sont aussi à l’ordre du jour dans l’Arc jurassien, ce n’est qu’en unissant nos forces que nous réussirons à mettre en place de manière efficiente cette stratégie.
Que représente pour vous le capital humain d’une entreprise comme les CJ ?
Les femmes et les hommes qui contribuent chaque jour à fournir nos prestations sont un capital précieux. Le CA veut pérenniser l’avenir de la société et garantir des emplois de qualité dans la région. Cela va nécessiter beaucoup d’efforts à tous les niveaux. Une telle ambition ne peut se réaliser qu’avec le soutien de toutes et tous. Nous remercions d’ores et déjà chacun·e de nous suivre et de soutenir les CJ.
Les CJ se sont battus durant des décennies contre les velléités de l’OFT par crainte de fermetures de ligne, vu leur faible taux d’autofinancement. Quel discours portez-vous aujourd’hui ?
Pierre André Meyrat : Durant les dernières décennies, la sécurité et le niveau du financement des TP au niveau fédéral ont été sensiblement améliorés. Les moyens dévolus au trafic régional de voyageurs sont maintenant déterminés par un crédit d’engagement pluriannuel décidé par le Parlement et non plus par une ligne annuelle de crédit susceptible d’être coupée à court terme. Plus important encore, la création en 2016 du fonds pour l’infrastructure ferroviaire a permis de réinjecter des centaines de millions dans les infrastructures ferroviaires régionales et d’améliorer sensiblement la qualité de leur entretien. Je ne vois pas la Confédération, après avoir tant investi, vouloir fermer des lignes. Les CJ ne vont-ils pas recevoir au moins 84 millions pour le maintien de la substance de leur infrastructure entre 2025 et 2028 ?
Vous êtes aussi administrateur de plusieurs CA de compagnies de transport, comment percevez-vous les CJ dans ce paysage ?
Les CJ bénéficient d’une image très positive et d’un ancrage profond dans leur bassin de population et au-delà. Ils ne sont cependant pas seuls, mais intégrés dans les organisations romandes regroupant les entreprises de transports, profitant des expériences des autres et transmettant les leurs. Les CJ sont reconnus dans le paysage romand des transports publics.
Le projet d’ArcExpress, dans le but de promouvoir une liaison de La Chaux-de-Fonds à Bâle, via les Franches-Montagnes, sans changement jusqu’à Delémont est-il de nature à sauver la compagnie ?
Les CJ se portent bien. L’entreprise est pérenne et n’a pas besoin d’être sauvée. Cela n’empêche pas le CA, en collaboration avec les commanditaires, de s’interroger sur l’avenir. Nous sommes en train de définir la stratégie qui doit nous conduire à 2030 et au-delà. Cette stratégie ne pourra être couronnée de succès qu’en amenant les CJ à utiliser tous les outils que l’ère de la numérisation met désormais à sa disposition. Sans chercher à être partout les meilleurs, les CJ doivent être gérés solidement, professionnellement, à tous les niveaux.
Jean-François Milani