Usine électrique CFF
Électrochoc à Nant-de-Drance
Employés CFF de longue date, les collègues de la centrale hydroélectrique de Nant-de-Drance, dans les Alpes valaisannes, se sont vu proposer un nouveau poste chez Hydro Exploitation SA. Une fois passé le choc de l’annonce de cette reprise et ayant constaté des problèmes avec les nouveaux contrats, ils se sont organisés et ont fait appel au SEV pour les corriger et les améliorer.
Début septembre, une séance était organisée par la direction de la centrale hydroélectrique valaisanne de Nant-de-Drance, accompagnée des responsables des RH des CFF. Il leur a été annoncé à la fin du mandat d’exploitation de Nant-de-Drance par les CFF, ils seraient convoqués à un entretien pour recevoir leur nouveau contrat chez Hydro Exploitation SA.
Cette nouvelle a provoqué un électrochoc pour les seize employés de l’usine électrique souterraine de pompage-turbinage dont les CFF, deuxièmes actionnaires, sont propriétaires à 36 %. Les CFF ont négocié directement la reprise du personnel par Hydro Exploitation. Cela est conforme à la CCT qui prévoit que l’on propose un poste convenable lorsqu’un emploi est supprimé. Bien entendu, le personnel aurait aussi pu rester aux CFF mais dans un autre site, loin de la petite vallée du Trient. L’inquiétude était alors immense. À quelle sauce Hydro Exploitation allait-elle les reprendre ?
Après quatorze ans de travaux, , l’usine avait été mise en service en été 2022. Cette annonce abrupte d’un changement d’employeur après toutes ces années de mise en place et seulement deux ans d’activité semblait incompréhensible et injuste. Les CFF avaient tenté de les rassurer en leur disant qu’ils ne seraient pas perdants : même si la CCT Hydro est moins protectrice que celle des CFF, leurs salaires allaient être augmentés et la progression serait meilleure.
« Prime tunnel »
Située 600 mètres sous terre, la centrale pompe et turbine de l’eau entre les deux lacs de retenue d’Emosson et du Vieux Emosson. On y accède par l’usine électrique du Chatelard qui, elle, est et demeure 100 % en mains CFF, comme son personnel. Nant-de-Drance dispose d’une puissance de 900 mégawatts, soit l’équivalent d’une centrale nucléaire comme Gösgen. Elle fonctionne comme une gigantesque batterie qui permet de stocker 20 millions de kWh pour les restituer sur le réseau lorsque la demande est plus importante. Enfouie dans le creux de la montagne, la centrale est située dans une caverne souterraine. Parsemée de galeries, c’est un vrai labyrinthe. Il faut près de 6 kilomètres de tunnel pour y accéder. Autant dire que les employés ne voient guère la lumière du jour. Travailler dans des conditions nocturnes peut donc entamer leur moral. Quelques départs avaient eu lieu pour cette raison. Ils avaient obtenu une « prime tunnel » pour indemniser à sa juste valeur ce travail pénible. Qu’en serait-il avec cette reprise ?
En regardant de près les nouveaux contrats proposés par Hydro Exploitation, une partie du personnel a été très surpris des propositions faites. Celles-ci se fondaient souvent sur de fausses descriptions de poste et proposaient des classes de salaires erronées ou qui ne correspondaient pas à leurs tâches. Le personnel a alors fait appel au SEV, qui est intervenu auprès des CFF. « Les erreurs ont été corrigées par Hydro, néanmoins dans certains cas de simples corrections de salaire de l’ordre d’un franc par mois, ce qui ne s’apparente pas à un comportement sérieux », dénonce Vincent Barraud, secrétaire syndical chargé des CFF en Romandie.
Sur le plan salarial, la promesse d’une augmentation n’était pas tout à fait fausse, mais n’était pas tout à fait vraie non plus, si l’on tenait compte de la fameuse prime. Les salariés purent constater que les salaires avaient en effet été augmentés par Hydro, mais pas de façon significative. La « prime tunnel » en revanche était réduite. « Si la hausse de salaire compense la baisse de la prime, elle n’intègre pas l’ancienneté et l’expérience. Finalement, il n’y a donc pas de gain salarial, sans parler de la perte des acquis de la CCT CFF et de l’AG FVP », constate Vincent Barraud.
Bien organisé, le personnel a pu démontrer que ses conditions d’engagement n’allaient pas s’améliorer mais plutôt baisser.
Pétition et incompréhension
Le mécontentement a débouché sur le souhait de faire corriger cette injustice en remettant une pétition à Hydro Exploitation qui demandait notamment de tenir compte de l’expérience. Entretemps, le personnel de Nant-de-Drance a reçu un courriel des Ressources humaines CFF de Renens lui indiquant de signer les nouveaux contrats pour la fin du mois de septembre, alors qu’il avait été convenu avec le responsable RH de Berne qu’un délai serait laissé jusqu’à fin octobre. « Le SEV regrette beaucoup que de telles incompréhensions puissent se produire, car elles pourraient entamer la confiance qui existe entre les CFF et le SEV », déplore Vincent Barraud.
Après la remise de sa pétition à Hydro, le personnel de Nant-de-Drance a fini par accepter les nouvelles conditions de travail proposées au 1er janvier 2025, tout en constant que la CCT d’Hydro Exploitation était moins étendue dans sa protection notamment vis-à-vis des licenciements, des congés et de la maladie. Ils pourront bénéficier encore une année de leur AG FVP. Pour Barraud, « ceci rappelle encore une fois l’importance d’avoir une CCT forte, qui au-delà des questions de salaire, offre de bonnes protections, de bonnes conditions de travail et des conditions de reprises négociées convenables. »
Yves Sancey