Conférence des femmes SEV
Comprendre la mécanique sexiste
Le 2 juin 2023 restera dans les annales comme la 1ère journée dédiée exclusivement aux femmes du SEV. Son but : mettre en lien les collègues travaillant dans les ETC et les CFF ; débattre des préoccupations propres aux femmes dans les transports publics et créer un cahier de revendications féministe.
Une quinzaine de collègues ont répondu présentes à l’invitation. Les attentes étaient grandes avec une volonté commune : rencontrer d’autres femmes pour sentir un élan et une solidarité nécessaires afin de faire changer les choses.
La journée a commencé par un historique de la lutte féministe en Suisse. L’évocation de quelques dates clés ont souligné la lenteur des avancées politiques et sociales.
Parler de la grève du 14 juin 1991 a montré les avancées obtenues – loi sur l’égalité, assurance maternité – mais a aussi démontré que, 32 ans plus tard, les revendications restent à peu près les mêmes : chances de formation identiques, lutte contre le harcèlement sexuel au travail, égalité dans le domaine de la sécurité sociale, plus de places de crèche, horaire continu dans les écoles et partage des tâches domestiques.
Grâce au remarquable travail effectué par le Collectif de la Grève féministe, qui a compilé les statistiques de l’Office fédéral de la statistique, les inégalités de genre sont expliquées grâce à des chiffres concrets qui font froid dans le dos. Lorsque l’on constate qu’en 2020, on a dénombré deux féminicides par mois en Suisse, c’est insupportable. Lorsque l’on s’aperçoit que la part inexpliquée de l’écart salarial entre femmes et hommes était de 48 %, soit 717 francs en 2020 et qu’elle a augmenté depuis 2016 aussi, ou encore lorsqu’on constate que le travail non rémunéré effectué en grande majorité (60 %) par les femmes représente rien de moins que la somme de 259 milliards.
Des informations qui ont suscité une discussion passionnante parmi les collègues présentes, lesquelles ont pu apporter leurs propres témoignages au sujet des difficultés rencontrées au quotidien, aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Des remarques sexistes faites p. ex. aux conductrices de train ou de bateau en passant par les difficultés rencontrées pour obtenir un poste à responsabilité, avoir accès à des toilettes ou encore obtenir un uniforme adapté à la morphologie féminine : les embûches sont fréquentes juste parce que l’on est une femme.
Les racines de ces problématiques sont profondes, comme l’a démontré la docteure en sciences sociales Églantine Jamet, venue faire une intervention sur la question des stéréotypes de genres. Un exposé passionnant qui explique que le genre est une construction sociale et que l’on fait des différences parce que la société de consommation dans son ensemble structure en genres. Deux messages clés sont adressées aux petites filles : l’apparence physique et le soin des autres. Le problème de ce système est qu’il enferme dans deux pôles (féminin et masculin) sans possibilité de choisir. Pire, si on va du côté du féminin, on se déclasse. Il n’y a qu’à regarder la manière dont les garçons qui pratiquent la danse classique sont considérés. Pour les femmes cadres qui travaillent dans des milieux masculins, le droit à l’erreur est inexistant. Casser cette dynamique ne peut passer que par la formation dès le plus jeune âge ; par l’introduction de la mixité à tous les échelons des entreprises ; par un véritable partage des tâches dans l’espace privé.
Les collègues réunies le 2 juin ont donc élaboré un cahier de revendications (voir ci-dessous) que chaque section des entreprises de transports publics pourra décider de porter à sa direction pour organiser des échanges réguliers sur ces thématiques.
Patricia Alcaraz
Cahier de revendication
• Meilleure conciliation vie professionnelle – vie privée :
- Développement du temps partiel pour toutes et tous ;
- Création de crèches d’entreprise ;
• Respect et sécurité au travail :
- Création d’une charte TOLERANCE ZERO à l’encontre des violences sexistes et sexuelles, du harcèlement sexuel et des discriminations sous toutes leurs formes ;
- Formation obligatoire continue des employé-e-s et de l’encadrement aux sujets des discriminations, du harcèlement sexuel, des violences sexistes et sexuelles et du mobbing ;
• Egalité salariale :
- Création de processus de contrôle garantissant l’égalité lors de la fixation du salaire d’entrée dans l’entreprise ;
- Contrôle régulier du respect de l’égalité salariale garantie par la LEg et définie par l’existence de grilles salariales ;
• Santé :
- Meilleure prise en compte des problématiques de santé des femmes ;
• Maternité – Paternité :
- Meilleure prise en compte des problématiques liées à la grossesse ;
- Protection d’un an contre le licenciement au retour du congé maternité ;
- Prise en compte dans l’expérience professionnelle des années consacrées à l’éducation des enfants ;
- Deux semaines de congé paternité supplémentaires ;
• Infrastructures :
- Des toilettes et des vestiaires adaptés pour le personnel féminin, et en nombre suffisant ;
- Des uniformes respectant la physionomie des femmes ;
- Des locaux d’allaitement adaptés.