Stratégie OFT 2030: deux ans après, où en est-on?

Cabotage: «La loi doit être respectée»

Les bus low cost à longues distances arrivent petit à petit en Suisse (la ligne Constance-Lyon vient d’être ouverte) ce qui ne manque pas de soulever d’importantes questions. Giorgio Tuti, président SEV, explique ici la position du syndicat, ses revendications et ses actions. Il fait également le point sur la politique suisse des transports et les divergences entre l’OFT et le SEV.

Giorgio Tuti, lors de l’assemblée VPT romande le 29 octobre à Bulle.

contact.sev : Giorgio Tuti, on parle beaucoup de Flixbus dans la presse suisse ces derniers temps. Quel est le problème avec ces bus low cost ?

Giorgio Tuti : Le premier et le plus important des problèmes, ce sont les salaires et les conditions de travail qu’ils appliquent ! Ils ne participent pas aux frais de l’infrastructure. Il s’agit donc de concurrence déloyale vu qu’il n’y pas de respect de l’interdiction de cabotage. Et cette pratique est interdite par la loi en Suisse pour protéger le rail. Avec Flixbus, il y a possibilité de monter dans le bus à Zurich et descendre à Genève : c’est du cabotage et c’est interdit. Si on on accepte le cabotage, alors on accepte le dumping social et salarial.

Concrètement, quelles sont les revendications du SEV ?

Il faut faire respecter la loi. L’OFT doit non seulement faire davantage de contrôles mais aussi sanctionner plus sévèrement et ne pas se contenter d’amendes dérisoires. Il y a bien une procédure en cours contre Flixbus pour un cas de cabotage entre Zurich et Bâle, mais à côté de cela, je considère que les abus non sanctionnés restent très nombreux.

Pourquoi certaines lignes en direction du Sud de l’Europe, qui existent depuis longtemps, ne constituent pas le même problème ?

La comparaison s’arrête là. Car Flixbus est une entreprise commerciale qui veut concurrencer le système de transports publics suisse avec son offre de lignes transfrontalières avec des haltes en Suisse. Et de manière très régulière. On est loin des entreprises qui relient le Kosovo ou la Sicile et dont le but est d’offrir occasionnellement des trajets nord-sud.

Est-ce au chauffeur de contrôler qui monte et qui descend de son bus ?

Non, ce n’est pas de sa responsabilité. Les conditions de travail de ces chauffeurs sont déjà très mauvaises. La responsabilité revient à l’entreprise, qui doit pouvoir garantir qu’elle respecte l’interdiction du cabotage.

Dans sa stratégie 2030, l’OFT se montre très libéral par rapport à ces concessions de bus longues distances. Ce n’est guère rassurant pour le personnel des transports publics …

C’est inadmissible. Cette vision libérale en matière de politique des transports n’a pas de sens. On a tellement investi dans le rail qu’amener maintenant de la concurrence, c’est illogique. Tout cela mettrait en péril le système suisse de transports qui est, tout le monde le dit, le meilleur. Le peuple suisse s’est prononcé plusieurs fois pour le rail. Nous ne sommes pas d’accord que l’OFT tente des expérimentations alors que le système actuel est bon et reconnu loin à la ronde. Nous devons bien sûr trouver des alliés politiques pour défendre notre point de vue à l’échelon fédéral.

Et que compte faire le SEV pour montrer sa désapprobation, outre ce qu’il a déjà entrepris jusqu’à présent ?

Nous sommes en train d’affiner notre plan d’actions suite à l’ouverture de la nouvelle ligne Constance-Lyon, mais il est trop tôt pour dévoiler notre stratégie ! Une chose est sûre, le SEV ne restera pas les bras croisés. L’entreprise Flixbus doit payer pour le non-respect de la loi.

On en est encore loin, mais si au final des concessions de bus longues distances sont octroyées, que ferons-nous ?

Nous ferons tout pour que cela ne soit jamais le cas. Si les parlementaires fédéraux devaient assouplir la législation, nous exigerions alors un respect du système tarifaire national et une convention collective cadre au niveau national. Nous demanderions qu’il y ait une vraie législation en ce qui concerne la branche bus, qui protège les salaires et les conditions de travail.

La vision 2030 de l’OFT a été dévoilée il y a deux ans et jugée dangereuse et dommageable par le SEV. Quel est le bilan intermédiaire ?

Il y a deux ans, nous avions déjà tiré la sonnette d’alarme, jugeant effectivement cette stratégie beaucoup trop libérale. Entretemps, il y a eu le cas Crossrail, et nous avons réagi avec succès. Des salaires très bas auraient pu être payés dans le trafic marchandises transfrontalier. Nous nous sommes battus pour que les salaires soient basés sur les revenus usuels dans la branche. Nous avons gagné sur le principe. Les entreprises ayant un siège en Suisse et des contrats suisses paient leurs employé-e-s selon les usages suisses. L’OFT doit d’ailleurs communiquer tout prochainement – c’était annoncé pour mi-octobre 2016 – les salaires minimaux de la branche.

Deux compagnies se disputent actuellement la ligne de faîte du Gothard, dont la concession doit être renouvelée. C’est du jamais vu en Suisse pour le trafic grandes lignes n’est-ce pas ?

Oui, en effet, le SOB a dévoilé un concept plus large que la simple ligne du Gothard, qui va jusqu’à Bâle, Zurich au nord et Lugano au sud. Si la concession est octroyée au SOB, ce serait la première fois qu’on enlève une prestation de trafic longues distances aux CFF et cela ouvrirait la porte à d’autres concessions. Comme syndicat, nous ne sommes pas là pour défendre les intérêts des entreprises et nous ne nous prononçons pas pour un projet ou un autre. Nous sommes là pour défendre les intérêts des employé-e-s et nous avons des membres aussi bien au SOB qu’aux CFF. Ce qui essentiel pour nous c’est que les salaires et les conditions de travail soient respectés.

Le concept du SOB prévoit l’accompagnement dans les trains, contrairement à celui des CFF. C’est clairement un point en faveur du premier, non ?

Nous sommes favorables à cet accompagnement, qui assure davantage de sécurité pour les passagers. Cela fait partie de nos revendications, tout comme la défense des conditions de travail. Tout le monde regarde ce qui se passe du côté du Gothard, car ça pourrait être signal fort pour la suite. Cela pourrait aussi ouvrir la voie à d’autres.

Outre le trafic intérieur et le trafic marchandises transfrontalier, il y a une troisième catégorie : le trafic de transit. Quels sont les objectifs du SEV à ce niveau-là ?

Pour le trafic de transit, il n’y a pour l’instant qu’un accord de réciprocité entre les entreprises CFF Cargo, CFF Cargo international et BLS Cargo et leurs partenaires allemands et italiens: les mécaniciens suisses circulent autant à l’étranger que leurs collègues étrangers en Suisse.

Ce n’est pas suffisant ?

C’est peu. Nous voulons en outre que la loi sur les travailleurs détachés, qui exclut pour l’instant le domaine du transport, soit également appliquée dans notre secteur. Les postes de travail mobiles (sans lieu de travail stable), comme les mécaniciens de locomotive, les contrôleurs et les chauffeurs routiers, devraient aussi être rémunérés selon des salaires suisses lorsqu’ils traversent notre pays. Les travailleurs étrangers venant faire des prestations en Suisse, dans le domaine de la construction par exemple, sont protégés par cette loi. Pourquoi ne serait-ce pas le cas pour ceux qui travaillent à bord des trains ou dans les camions ? Sur ce point-là, nous nous battons et nos slogans sont « Sur le rail suisse des salaires suisses » ainsi que « Sur les routes suisses des salaires suisses ». Je suis actif dans ces campagnes au niveau européen en siégeant à l’ETF.

Il faut aussi noter que la problématique va augmenter lorsque le tunnel du Ceneri sera ouvert …

En effet, il sera alors possible, théoriquement, de traverser la Suisse sans changer de mécano. Et si c’est le cas, il y aura forcément du dumping salarial. Nous avons déjà mené des actions de sensibilisation à Muttenz et à Chiasso, en mai dernier, pour mettre le doigt sur cette problématique.

Mais depuis quand se préoccupe-t-on des routiers ?

Le même principe doit être appliqué sur la route car si la concurrence existe entre les différents pays, elle existe aussi, et très fortement, entre le rail et la route. Si on protège uniquement les salaires sur le rail, avec l’obligation de payer des salaires suisses, le trafic routier prendra de l’ampleur, la concurrence étant alors faussée. On attend maintenant que l’OFT indique les salaires usuels de la branche qu’il doit définir.

Il y a eu aussi quelques votations importantes au niveau fédéral depuis 2014 ...

Oui, nous avons gagné la votation sur FAIF en février 2014, celle contre l’initiative « Pro Service public » au mois de juin de cette année et perdu celle sur le deuxième tube au Gothard en février. Au niveau européen, nous luttons contre la libéralisation des transports. Premier succès à relever : la séparation entre exploitation et infrastructure dans les entreprises de transport a du plomb dans l’aile. Par contre, on parle toujours d’une libéralisation du trafic grandes lignes et nous devons lutter pour que cela ne voie pas le jour.

On l’aura compris, le travail politique est essentiel pour espérer avoir une quelconque influence en la matière …

C’est essentiel. Nous sommes très actifs dans le monde politique et c’est seulement ainsi que nous obtiendrons des succès en matière de politique des transports. Ça fait totalement partie de notre travail en tant que syndicat du personnel des transports.

Propos recueillis par Henriette Schaffter

Commentaires

  • Erni

    Erni 10/11/2016 17:56:25

    Die Busse finde ich gar nicht schlecht. Die Bahnen bauen ja selber das Fernangebot ab. (Nachtzüge) Sogar mit dem SBB -Bus von Zürich Sihlquai bin ich eine halbe Stunde früher in München als mit dem Zug. Dies ohne Umsteigen
    Fahren Sie einmal nach Prag 13-14 Sunden dauert es mit dem Zug und Umsteigen muss ich 3-7 Mal auch noch. Mit dem Bus dauert es 8.5 Stunden ohne umzusteigen und kostet 30Euro. (Mit PW 6.5 Std)