Initiative populaire fédérale « Pour une caisse publique d’assurance-maladie »
Un système qu’il faut changer
Chaque automne, le débat sur les augmentations des primes de l’assurance-maladie est relancé. Des primes qui pèsent de plus en plus lourd sur les budgets des ménages. Le SEV a décidé de soutenir l'initiative « Pour une caisse publique d’assurance-maladie ». Nous en avons parlé avec la conseillère nationale tessinoise Marina Carobbio Guscetti, membre du comité d’initiative.
contact.sev : Cette initiative amènera les citoyens à se prononcer pour la troisième fois sur une caisse d’assurancemaladie unique. Pourquoi, à votre avis, cette fois-ci sera la bonne ?
Marina Carobbio Guscetti: Parce que toujours plus de citoyennes et de citoyens se rendent compte des lacunes d’un système injuste et très peu transparent, basé sur une pseudoconcurrence entre 80 caisses. Pour moi, le moment est venu pour changer ce système.
Aurons-nous toujours des primes égales pour tout le monde ?
Nous avons voulu mettre la priorité sur la création d’une caisse-maladie unique pour tous. Mais je reste d’avis que le montant total des primes de l’assurancemaladie obligatoire ne devrait pas dépasser 8 % du revenu d’un ménage et que c’est parfaitement inacceptable qu’une vendeuse doive payer les mêmes primes qu’un manager.
Une caisse publique d’assurance- maladie ne risque-t-elle pas de provoquer la suppression de postes de travail ?
L’initiative prévoit de structurer une caisse d’assurancemaladie unique via des agences régionales qui créeront des postes de travail. De ce point de vue, l’initiative entend améliorer le service en rendant la caisse publique présente sur tout le territoire. Le contraire de ce que font les compagnies d’assurance aujourd’hui, puisqu’elles ont tendance à centraliser leurs services dans les zones urbaines, démantelant les structures et les services dans les régions périphériques. Evidemment, la suppression des 80 caisses provoquera la suppression des 80 conseils d’administration. Mais ceci sera un des facteurs d’économie.
L’initiative vise précisément à réduire les coûts et, par conséquent, les primes. Comment cela sera-t-il possible ?
Outre, comme nous venons de le voir, la rationalisation des structures dirigeantes, nous n’aurons plus les coûts générés par les changements de caisse à la fin de chaque année, coûts évalués à plusieurs centaines de millions de francs, sans compter tous les frais de publicité et de marketing que les caisses multiplient pour s’accaparer les clients ayant le profil de « bons risques ». Ce sont des sommes importantes que nous évaluons entre 400 et 500 millions de francs par année.
Bio
Marina Carobbio Guscetti, 45 ans, est mariée avec Marco, ingénieur aux Ateliers CFF de Bellinzone. Le couple vit à Lumino (TI) avec leurs enfants Matteo, 15 ans, et Laura, 7 ans. Elle est « médecin de famille » (elle tient à le préciser) à temps partiel. Elle exerce dans un cabinet collectif à Roveredo (GR) où oeuvrent quatre médecins. Conseillère nationale depuis 2007, elle est vice-présidente du Parti socialiste suisse depuis 2008. Cette année, elle préside également le groupe des députés tessinois aux Chambres fédérales. Elle est l’une des personnalités à l’origine de l’initiative pour une caisse-maladie sociale. Le peu de temps libre qu’il lui reste, elle le consacre à sa famille qui la soutient avec conviction. Son nom apparaît dans la liste des candidatures possibles pour le renouvellement du Conseil fédéral.
Pourquoi l’initiative prévoit-elle de maintenir des différences de primes entre les cantons ?
Notre système de santé confie aux cantons un rôle déterminant du point de vue des structures et de la répartition des coûts, comme c’est le cas par exemple avec la planification hospitalière. Les primes varient donc selon les politiques cantonales. L’initiative demande justement de renforcer le rapport entre le coût des soins avec le coût et des primes de l’assurance-maladie. Alors qu’aujourd’hui nous voyons des cantons agir de manière déterminée sur les coûts de la santé sans que ces mesures de rationalisation et d’économie soient répercutées sur les primes.
Mais si les primes sont calculées en fonction de l’offre, n’y a-t-il pas le risque de favoriser une médecine à deux vitesses ?
Non, parce que l’initiative prévoit de couvrir les soins de base par le biais d’un catalogue de prestations qui réponde aux besoins de la population sans pour autant rationner les soins. Evidemment, l’initiative ne pourra pas solutionner tous les problèmes. Pour enrayer l’évolution des coûts de la santé, d’autres mesures seront nécessaires. Par exemple, en agissant sur le coût des médicaments, un domaine où nous n’avons pas été suffisamment incisifs. Il faudrait aussi réglementer au niveau national les questions relatives à la médecine de pointe et il faudrait aussi réévaluer le rôle du médecin de famille. Ce dernier point fait par ailleurs l’objet d’une autre initiative, lancée précisément par les médecins de famille.
La caisse unique devrait donc alléger et rendre plus transparente cette assurance ?
Ce n’est pas uniquement ça. La structure du système de gestion de la caisse unique prévue par l’initiative, avec des représentants de la Confédération, des cantons, des assurés et des fournisseurs de prestations devrait favoriser le travail de prévention, comme par exemple c’est le cas chez la Suva. A long terme, cela contribuerait à comprimer les coûts dans un sens positif. Une caisse unique devrait en outre améliorer la prise en charge des personnes souffrant d’une maladie chronique. Aujourd’hui, les compagnies d’assurances concentrent souvent leurs efforts à la chasse aux bons risques, au dépend des malades chroniques et des personnes âgées, par exemple en ne répondant pas à leurs besoins ou carrément en les privant de prestations pourtant prévues par la loi. Dans ce domaine, nous assistons vraiment à l’instauration d’une médecine à deux vitesses, qu’une caisse unique pourrait contrer.
Une caisse-maladie unique signifie aussi avoir un seul organisme qui négocie avec les fournisseurs de prestations. Cela ne pourra avoir que des effets bénéfiques sur l’organisation des réseaux de soins (Managed Care) sans pour autant remettre en question le principe du libre choix du médecin.
Les opposants d’une caisse maladie unique soutiennent que la concurrence entre diverses caisses reste le plus sûr moyen pour contenir les coûts.
En réalité, la concurrence évolue de manière totalement différente, notamment en faisant la chasse aux bons risques. Cela a une forte incidence sur les coûts et sur l’intérêt des compagnies à pousser les gens à souscrire à des assurances complémentaires. Ce sont là, entre autres, les raisons qui font que les primes continuent à augmenter malgré la concurrence.
Quelles sont les autres raisons qui font que la concurrence « ne paie pas » ?
Les caisses-maladie n’ont pas intérêt à être le meilleur marché possible. Elles sont confrontées à un grand nombre de demandes d’adhésions, parmi lesquelles il n’y a pas uniquement des bons risques et pour lesquelles elles doivent par la suite accumuler les réserves prescrites dans la loi.
Le libre passage entre les caisses ne prévoit pas le versement des réserves accumulées par l’assuré, comme c’est le cas pour le deuxième pilier. Des réserves doivent donc être reconstituées. Il s’agit de coûts importants, susceptibles de compromettre la capacité financière de la caisse. L’effet positif de la concurrence s’avère donc très relatif.
Quel écho l’initiative a-t-elle reçu jusqu’à maintenant ?
Très bon. Dès le 1er février, jour du lancement, nous avons presque fini de récolter les 100 000 signatures nécessaires. Nous pouvons compter sur le soutien de diverses associations, partis, syndicats, mais aussi de la part de prestataires de soins et de diverses personnalités qui nous confirment la nécessité de changer ce système.
Donc les cartes de signatures encartées dans contact.sev pourraient apporter un coup de pouce décisif à l’initiative …
Je l’espère vraiment. Cela vaut la peine d’engranger encore des signatures pour garantir la validation de l’initiative. En outre, recueillir beaucoup de signatures en peu de temps, c’est de bon augure pour le succès de l’initiative.
Pietro Gianolli/AC