| Actualité / journal SEV

Chemins de fer du Jura

Passage à l’acte entre CJ et CFF

Les CJ en fête, tel était le thème de la journée du 26 octobre dernier en gare du Noirmont, nœud ferroviaire du réseau voie étroite. © Jean-François Milani

Au prochain changement d’horaire, un petit bouleversement interviendra dans le paysage des transports publics du Canton du Jura, les CFF et les CJ assureront en commun la ligne CJ Porrentruy – Bonfol. Dès 2026, les CFF reprendront totalement l’exploitation voyageurs. À noter que cela s’inscrit dans une logique de consolidation en région alors que jusqu’à présent se dessinait plutôt une suppression de petites lignes ou de gares sur le réseau CFF. Cette unique ligne à voie normale des CJ a pourtant été refaite à neuf ces dernières années et la compagnie demeure propriétaire de la concession fédérale.

Pour le Gouvernement jurassien, l’exploitation « en Y » entre Delémont, Boncourt – Bonfol (nœud à Porrentruy) est une bonne chose. Les caractéristiques techniques de la ligne Porrentruy-Bonfol sont les mêmes que celles du réseau CFF, ce qui permet des synergies et finalement de sauver l’exploitation ferroviaire entre Porrentruy et Bonfol. La plupart des compagnies ferroviaires de Suisse, dont les CJ, collaborent entre elles, ce qui consiste à mettre en commun des ressources avec « Railplus » et « MOVIplus ». Sur le plan régional, un dialogue plus intense que par le passé a été instauré entre les CJ et l’entreprise neuchâteloise TransN, les autorités se félicitent de ces collaborations et ouvertures susceptibles de contribuer à pérenniser les CJ.

Les petits plats dans les grands

Les CJ en fête, tel était le thème de la journée du 26 octobre dernier en gare du Noirmont, nœud ferroviaire du réseau voie étroite. Pour l’occasion, les cinq nouvelles rames de la maison Stadler Rail de toute dernière génération sont baptisées « Vouivre », « Rossette », « Tatouillard », « Trotteuse », et « Baitchai ».

Les CJ inauguraient les cinq nouvelles rames de la maison Stadler Rail de toute dernière génération baptisées « Vouivre », « Rossette », « Tatouillard », « Trotteuse », et « Baitchai ». © Jean-François Milani

Jean-Frédéric Python, directeur des CJ, avec Géraldine Beuchat, présidente du CA. © Jean-François Milani

Les parrains sont Christa Hostettler, directrice de l’Office fédéral des transports, Géraldine Beuchat, présidente du conseil d’administration des CJ, Laurent Favre, chef du Département du développement territorial et de l’environnement de la République et Canton de Neuchâtel, David Eray, ministre de l’Environnement de la République et Canton du Jura, Gabriel Martinoli, maire du Noirmont, aux côtés de Jean-Frédéric Python, directeur. Pour l’occasion, les trains à Vapeur, train « Belle Epoque » et train des Horlogers offrent quelques excursions de choix au public venu nombreux (1 000 personnes).

Le Canton de Neuchâtel est co-propriétaire et actionnaire à 0,07 % des CJ, y a-t-il un avenir commun ? « À ce jour, il n’est pas prévu de collaboration plus intense en personnel ou véhicules, identiques et compatibles, entre les CJ et TransN, mais ce scénario pourrait s’accélérer selon le développement de la politique des transports de la Confédération et de la capacité contributive des Cantons, cela en termes d’exploitation, personnel et entretien. Sans doute une très bonne chose, voire inéluctable », répond Laurent Favre.

Soulignons que, selon la fiche technique, les rames voyageurs CJ ABe 4/12 671-675 peuvent donc être utilisées sur les réseaux à voie étroite des deux compagnies CJ et TransN. Une rame à 3 éléments coûte env. 9,9 millions de francs et grâce à une commande groupée en collaboration avec TransN et les TPC, une économie de 5 millions est réalisée pour la compagnie.

Entre discours et petits fours, nous avons rencontré le directeur des CJ pour quelques explications à ce changement historique en Ajoie et pour la compagnie de chemins de fer.

Monsieur le Directeur, dites-nous les raisons de ce changement d’opérateur sur cette ligne et quelles en seront les conséquences principales ?

Jean-Frédéric Python : Nos véhicules ferroviaires sont à bout (anciens TPF), ne répondent plus aux normes et au confort souhaité d’aujourd’hui. Un renouvellement est extrêmement coûteux pour une ligne de seulement 11 km. En 2025, une rame CFF, écartement à voie normale, matériel Flirt, assurera un service entre Porrentruy et Bonfol. La transmission de la concession aux CFF interviendra pour l’horaire d’exploitation en décembre 2025.

Cette situation sera-t-elle à l’avantage de la clientèle ?

Oui, de très grands avantages, d’abord les trains sont maintenus. La Confédération remet en cause toute exploitation ferroviaire proche d’un seuil d’autofinancement de 20 %. L’arrivée des CFF nous permet d’économiser une rame, il s’agit d’une prestation sans changement de train à Porrentruy et plus de confort pour les voyageurs. L’exploitation « en Y » entre Delémont-Boncourt-Bonfol permet d’assurer positivement le taux de couverture, Porrentruy n’étant plus le point zéro de l’une ou l’autre ligne. La substitution par des bus n’est donc plus d’actualité.

Quelles seront les perspectives de recettes, trafic voyageurs ou location de la ligne aux CFF ?

Dès décembre 2025, l’exploitation et recettes voyageurs sont du ressort des CFF. Les CJ, avec l’aide de la Confédération, ont investi 55 millions de francs dans l’infrastructure, renouvellement de la voie et des gares, ainsi que de la plate-forme marchandise du Centre Ajoie (dernier site de chargement en Ajoie dès 2025). Ici, les CJ devraient prétendre à six wagons isolés par jour (600 t) afin de poursuivre ce trafic, pas possible aujourd’hui. Avec la nouvelle Loi sur le trafic marchandises (aides et subventions), nous espérons soutenir cette offre. D’ailleurs, les CFF ont déjà repris CFF Cargo SA en toute logique.

Et les conséquences pour vos employés ?

Nos six conducteurs sont tous repris dans la section voie étroite. Liberté et choix sont laissés à chacun d’intégrer ou non les CFF, nécessitant le permis B, le permis français (France), les examens psychotechniques.

Avec la mise en concours des lignes de bus voulue par le Canton du Jura, les CJ ont perdu l’exploitation de deux lignes (Tramelan-Glovelier & Saignelégier-Glovelier), à présent vous perdez aussi une ligne ferroviaire, ne s’agit-il pas inéluctablement d’un affaiblissement important de la compagnie ?

Le Fonds d’infrastructure de la Confédération permet aux CJ de rester propriétaires de la section Porrentruy-Bonfol, les CFF assurent son exploitation commerciale, avec la reprise de la concession ferroviaire. Les choses sont claires. Notre mission est d’offrir des transports publics de qualité aux voyageurs. Concernant les lignes « perdues » en 2021, nous souhaiterions d’ailleurs revenir sur le principe de considérer en particulier l’axe Saignelégier-Glovelier, par bus ou train, comme ne faisant qu’un, et donc un seul opérateur d’exploitation, quel que soit le mode de transports, et ainsi jouer sur des synergies. À voir.

Ce scénario de collaboration est-il imposé par les partenaires cantonaux ou la Confédération ?

Non, il s’agit d’un choix réaliste, offre, optimalisation, réduction des coûts, efficience. Nous voyons d’autres collaborations dans le futur entre CJ et CFF, notamment avec le développement du projet ArcExpress dans la vallée de Delémont.

Jean-François Milani

Le point de vue de la Section CJ – VPT du Jura

Pour Aurélien Mouche, président de la section, « l’essentiel, c’est qu’il n’y a aucun licenciement, l’ensemble du personnel, six conducteurs de la voie normale, est repris sur le réseau de la voie étroite. Nous aurions préféré une solution de transfert réciproque de prestations entre CJ et CFF. En perdant l’axe ferroviaire en Ajoie, l’entreprise perd aussi les compétences particulières des conducteurs de la voie normale. L’appauvrissement de la compagnie n’est pas à négliger. Un retour en arrière quant à l’exploitation de la ligne Porrentruy-Bonfol est illusoire. » La position du Gouvernement jurassien est la réponse à une question du député Vincent Hennin, notre collègue CJ, membre SEV, qui s’inquiétait de la perspective d’un tel développement et des conséquences pour le personnel.