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Transports lausannois

Les chauffeurs tl sont à bout

Bus bondés ou carrément supprimés sur la ligne 1 des tl, le mécontentement se lit jusque dans « Lausanne-Cités ». L’entreprise reconnaît le problème, mais peine à donner une explication globale. Les facteurs sont multiples pour expliquer cette situation catastrophique avec des chauffeurs à bout : pénurie des effectifs à la conduite, mais aussi aux ateliers, taux d’absentéisme de 8,9 % à la conduite et presque 8 % pour les autres secteurs selon les derniers chiffres disponibles en avril 2024, fatigue accumulée, grandes amplitudes, manque d’anticipation et de coordination. État des lieux avec Manuel José Antunes de Lima, président de la section SEV-tl.

Dans son édition du 19 septembre, l’hebdomadaire gratuit lausannois Lausanne Cités relayait le ras-le-bol des usager·es de la ligne 1 des Transports publics de la région lausannoise (tl). Horaires rarement garantis, bus bondés ou régulièrement supprimés, cadences non respectées. Parmi les explications données par la direction figuraient l’absence de conducteurs, l’indisponibilité d’un véhicule, les travaux et les conditions de circulation. Les tl évoquent un niveau d’effectif plus faible que planifié lié à des départs, un nombre d’échecs et d’abandons en cours de formation plus élevé, un absentéisme plus important que l’année dernière, y compris pour le personnel hors conduite.

Tout cela est exact, mais les causes elles-mêmes ne sont pas expliquées. Pour cela, il aurait fallu demander aux chauffeurs ce qui se cachait derrière ces indisponibilités. C’est ce que nous avons fait en nous entretenant avec Manuel José Antunes de Lima, président de la section SEV-tl.

Comment se sentent tes collègues de la conduite aux tl ?

José : Il y a une grosse fatigue générale. Beaucoup sont à bout, les conditions se dégradent. Il y a une forte pression sur les collègues.

D’où vient-elle ?

Je te donne un exemple : l’état des routes se dégrade avec des travaux permanents qui nous mettent en retard par rapport à l’horaire. Il y en a sur pratiquement toutes les lignes. Certaines interventions ne sont pas anticipées ou les dates ont changé. Il y a des déviations et des changements d’arrêt. À la Borde, en pleine heure de pointe, les ouvriers se mettent au milieu avec la machine et c’est impossible de passer. Ça provoque du retard. Les horaires ne sont pas adaptés et cela crée de l’énervement parmi les usagers. C’est un stress permanent qui pèse à la longue sur le personnel de conduite. Ça fatigue énormément.

Il y a donc un manque d’anticipation ?

On a le sentiment que c’est le cas, oui, et qu’il y a une carence de moyens concernant les chantiers, les modifications de lignes et les horaires. Il n’y a pas suffisamment d’anticipation non plus sur les départs à la retraite, le fait que les nouveaux ne vont pas au bout de leur formation, que nos collègues peuvent tomber malade et qu’il faut des collaborateurs supplémentaires quand vous décidez de prolonger la ligne 3 jusqu’au Mont-sur-Lausanne, par exemple.

D’où vient cette accumulation ?

La conduite demande beaucoup de concentration et de résistance à la pression des horaires. Avec les absents ou la carence de chauffeurs, cela se répercute sur ceux qui roulent. On les fait tourner comme des hélices pour colmater le manque de véhicules ou assurer les tranches que les autres auraient dû faire. Ils roulent plus longtemps sur trois tranches avec des amplitudes de plus de dix heures et demie. Tu commences par exemple à 5 h du matin et tu finis à 17 h. Certains tombent à leur tour malade ou partent. C’est un cercle vicieux.

Pour casser ce cercle, ne faudrait-il pas engager plus de chauffeurs ?

Oui bien sûr. La direction a, du reste, déjà communiqué à l’interne sa volonté de renforcer les recrutements au second semestre 2024 et en 2025. Au total, plus de 200 engagements en deux ans sont prévus. On ne peut que s’en réjouir. Le problème, c’est que si l’on ne change pas les conditions de travail, ils ne vont pas rester. C’est du moins ce qui s’est passé jusqu’ici. On leur a vendu d’excellentes conditions à leur engagement, ce qui ne correspond pas à la réalité avec ces grandes amplitudes et les horaires. Les arrivées ne colmatent pas les départs de ceux qui conduisent depuis des années.

La pénurie sévit-elle aussi ailleurs ?

En effet, les ateliers et les autres secteurs sont également touchés. De plus en plus de bus ne sont plus disponibles le matin parce qu’ils sont encore en réparation. Cela touche facilement entre 5 à 20 véhicules par jour. Cela crée de la grogne parmi les usagers·es. Pour d’autres véhicules, ils roulent, mais il faut remettre les perches manuellement parce que la pièce manque pour réparer le mécanisme automatique.

Quelle serait alors la solution ?

Il faut à la fois davantage d’engagements pour résoudre cette pénurie, mais surtout améliorer les conditions de travail pour que les nouveaux et les anciens aient envie de rester aux tl. C’est que nous demandions dans notre pétition « Pour des conditions de travail améliorées et attractives et une qualité de vie préservée ! Contre une dégradation des conditions de travail ! » déposée le 30 avril et signée par près de 500 collègues. C’est ce que nous allons défendre avec détermination lors du renouvellement de la CCT. La question du temps de travail fait du reste partie du prochain point qui sera discuté à la séance de négociation CCT. La direction doit être à l’écoute de nos demandes d’amélioration sur cette question cruciale.

Yves Sancey

Pétition : 590 signatures

Le 19 septembre (photo), le SEV a remis une pétition aux tl concernant le « plan mobilité » annoncé par la direction en date du 25 juin qui a recueilli 590 signatures de collègues. Cette pétition demande la suspension de ce plan mobilité et une négociation avec le syndicat SEV sur le contenu qui ne doit pas avoir d’impacts négatifs sur le pouvoir d’achat du personnel.

Le problème du plan, c’est qu’il n’a fait l’objet d’aucune négociation et que ce serait au personnel désormais de passer à la caisse ! Le SEV attend une réponse de la direction des tl qui sera suivie de près par la base qui se prononcera sur la suite à donner. ysa