Transition énergétique
E-bus : pas oublier les ateliers !
Les transports publics sont la solution face à l’urgence climatique. Le passage au tout électrique permettra de faire chuter drastiquement la production de CO₂. Dans l’enthousiasme de cette révolution verte en marche, il ne faut toutefois pas oublier deux questions : celle des matières premières et du besoin de formation dans les ateliers.
La fenêtre de tir pour garder la température de la planète sous les 1,5 °C se referme bientôt, disent les experts du GIEC. Il reste trois années pour inverser la tendance de croissance des émissions de CO₂ et éviter à l’humanité de devoir gérer des conséquences trop graves. Des solutions sont possibles mais notre société doit faire les bons choix. Notre branche est une des réponses à l’urgence climatique. Le train n’a quasiment pas d’impact climatique et, en termes de consommation d’énergie, il est quatre à cinq fois plus efficace que la voiture. L’électricité ferroviaire est à plus de 90 % renouvelable.
Du côté des bus, les nombreuses annonces d’un passage au tout électrique d’ici 2030 ou 2040 sont le signe de cette prise de conscience. Sur le papier, les nouvelles générations de véhicules électriques disposent de tous les atouts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette transition des bus thermiques vers les e-bus pose néanmoins au moins deux problèmes souvent peu pris en compte dans le débat.
Impact environnemental en amont
Le premier problème, c’est que si la conduite d’un bus ne dégage plus de CO₂ nocifs pour l’environnement ou de particules fines cancérigènes comme avec le diesel, la construction de véhicules électriques conduit à une grosse émission de gaz à effet de serre et consomme une très grande quantité de métaux : lithium, terres rares, aluminium, cuivre, cobalt… Les technologies vertes reposent en grande partie sur l’industrie minière, réputée la plus polluante du monde. De la production des batteries, leur durée de vie à la provenance du courant qui les recharge, en passant par l’afflux de véhicules polluants d’occasion vers les pays pauvres, le caractère écologique des véhicules électriques n’a absolument rien d’évident. La production en masse de batteries engendre de nouvelles pollutions. L’impact environnemental a été déplacé en amont, au moment de l’extraction et du raffinage. Des régions entières, Bolivie, Chili, Chine ou République démocratique du Congo, sont dévastées par des mines à ciel ouvert et souffrent de déficit d’eau. Et d’une dépendance au pétrole, nous basculons vers celles aux métaux et minerais rares.
Anticiper la formation dans les ateliers
Le deuxième problème, c’est le possible manque d’anticipation des besoins en matière de formation et formation continue dans les ateliers que nécessite ce passage rapide du transport thermique à l’électrique. En se focalisant sur le prix d’achat des bus électriques plus chers que leurs équivalents diesel et les coûts d’infrastructure (stations de recharge, équipement de dépôt, etc.), les compagnies pourraient oublier dans l’équation l’impact sur le personnel des ateliers. Toute une génération de nos collègues qui a été formée à réparer des pannes mécaniques doit se former à des pannes électroniques. Ces nouvelles compétences à acquérir demanderont du temps de formation et de formation continue et devront également être reconnues dans les profils professionnels et sur le plan salarial. Beaucoup de questions restent ouvertes et devront être précisées ces prochains mois.
La tentation pourrait être grande d’externaliser ce service. Techniquement, il semble toutefois difficile de transporter ces bus dans des ateliers de réparation Hesse, Solaris ou Mercedes, en Suisse, Pologne ou Allemagne. Il parait plus sage de maintenir les dépôts dans le giron des entreprises de transport. Des premiers retours plutôt rassurants nous sont parvenus des TPF et de TransN. Les entreprises qui fournissent les e-bus forment nos collègues à la réparation et à l’entretien de ces nouveaux bus. Nous reviendrons sur les bouleversements que l’introduction de ces nouveaux véhicules provoque.
Yves Sancey