Négociations salariales
Swiss: la pression des pilotes a été utile pour le personnel au sol
SEV-GATA a obtenu pour le personnel au sol de Swiss une augmentation des salaires substantielle de 4,3 % au 1er janvier 2023 (voir journal SEV 13/2022). Les partenaires sociaux ont maintenant convenu de la manière dont les 3,3 % d’augmentation générale et le pour cent pour les augmentations individuelles allaient être répartis. Philipp Hadorn, secrétaire syndical et président de SEV-GATA, peut maintenant se préparer aux prochains défis chez Swiss.
Selon l’accord du 7 novembre, les quelque 1500 employé-e-s soumis à la CCT du personnel au sol reçoivent une augmentation générale des salaires de 2,5%, mais au moins 200 francs par mois (pour un temps complet). Toutes les plages salariales sont en outre relevées de 200 francs par mois, soit 2600 francs par année, dans le minimum comme dans le maximum. «Ainsi les bas salaires profitent d’un plus grand pourcentage d’augmentation par rapport aux hauts salaires», explique Philipp Hadorn. « Nous faisons cela car le renchérissement qui se répercute au quotidien sur les denrées alimentaires, les frais de chauffage, les caisses maladie etc. pèse plus lourd dans les ménages avec des bas revenus. Swiss a laissé ici une marge de manoeuvre aux organisations du personnel et a reçu en contrepartie la même marge pour les augmentations individuelles : les supérieurs seront informés du montant attribué à leur team et ils pourront faire une proposition de répartition. Ensuite les consultants RH et le team de compensation contrôleront les propositions afin d’éviter les favoritismes et autres problèmes. Durant le premier trimestre 2023 nous recevrons un rapport sur les montants versés et l’application des augmentations salariales.»
En plus, le personnel au sol reçoit plusieurs milliers de francs issus de plusieurs versements de primes uniques, selon ce qui a été convenu le 19 octobre (voir journal 13/2022).
Comment est-on arrivé à ce résultat ?
Philipp Hadorn : Chez Swiss la dernière augmentation de salaire datait du 1er janvier 2020 et se montait à 1,8 %, ce qui était correct au vu du renchérissement alors quasi inexistant. Ensuite durant la crise du coronavirus il n’y a pas eu d’augmentation, par contre une CCT de crise, et en plus des licenciements de masse dès le mois de mai 2021. Notre revendication salariale se composait de trois éléments : une compensation du renchérissement, une garantie supplémentaire du pouvoir d’achat en particulier à cause de la hausse des coûts énergétiques et des primes de caisses maladies (qui ne figurent pas dans l’indice des prix à la consommation) et troisièmement une augmentation générale des salaires de 3 % supplémentaires. Nous avons eu le courage de nous rendre aux négociations salariales avec un assez gros paquet de revendications. D’abord les positions étaient bien sûr très éloignées et plusieurs rondes de discussion ont été nécessaires. Ce qui a joué en notre faveur, c’est le grand manque de personnel chez Swiss, et le fait que les pilotes ont failli faire la grève, l’entreprise avait ainsi tout intérêt à parvenir à un accord avec nous, les représentants du personnel au sol. Ceci a aussi constitué une base pour les accords salariaux avec les autres catégories.
Comment évalues-tu ce résultat ?
Avec ces 4,3 % et les diverses primes uniques pour un total de 7700 francs par personne en l’espace de douze mois, ce résultat est très bon pour le personnel. On peut dire que c’est cette année l’un des plus grands succès au niveau des revendications salariales au SEV et même au-delà du SEV. Un succès tout particulier est le versement anticipé de 2500 francs de « pay-back » découlant de la CCT de crise, bien que cette dernière n’ait été appliquée que peu de temps (du 1er mars au 31 décembre 2022). Ainsi Swiss doit rembourser plus que ce qu’elle a pu économiser. Tout d’abord on avait parlé d’un paiement par tranches jusqu’en 2026 et les collègues qui quitteraient l’entreprise entre-temps ne recevraient plus les versements. Un goût un peu amer nous a été laissé par la prime de remerciement que Swiss a soudain édictée de manière unilatérale en plus des autres versements selon CCT. Cela montre une compréhension toute patronale et sera l’un des thèmes du séminaire que nous organiserons avec Swiss encore cette année dans le but d’avoir un partenariat social sur un pied d’égalité. Les licenciements de masse qui ont été décidés par la direction malgré les sacrifices que le personnel avait acceptés en particulier avec la CCT de crise ont laissé des traces. On ne peut pas nier le fait que cela a été une erreur car l’entreprise a maintenant vraiment des problèmes de sous-effectifs et qu’elle est en train de rechercher intensément du personnel. De notre point de vue, avec ces licenciements de masse Swiss a complètement ignoré le cadre légal. On ne peut pas tolérer qu’une telle chose se reproduise. Les plaintes à ce sujet se trouvent maintenant devant le tribunal de district compétent.
Quels sont les prochains défis pour SEV-GATA chez Swiss ?
Pour beaucoup de collaboratrices et collaborateurs, actuellement les conditions de travail sont difficilement supportables. D’une part il y a trop peu de personnel et l’entreprise est en train d’en recruter. D’autre part le travail avec des horaires irréguliers est pesant. Nous recherchons des solutions pour faire baisser cette charge, par exemple concernant les jours supplémentaires de tours de nuit que les gens doivent assurer plusieurs fois par année, ce qui représente un effort considérable pour les personnes plus âgées selon les tâches à accomplir. Ensuite il faut clarifier l’évolution des indemnités. Par exemple les suppléments pour service de piquet ou service de nuit se situent depuis des années au même niveau, bien que l’intensité du travail ait augmenté avec les sous-effectifs, et qu’il est très difficile de trouver des gens… En ce qui concerne les efforts de Swiss, rendus publics par le nouveau CEO, de tendre à une production durable du trafic aérien pour la protection du climat, SEV-GATA a l’impression que cela n’est pas que du marketing, et nous comptons là-dessus. De plus le taux d’organisation est à nouveau en bonne voie dans le domaine de l’aviation, et malgré les suppressions de personnel notre évolution est positive. Nous allons continuer à montrer aux collaboratrices et collaborateurs ce que nous pouvons faire pour eux. Et nous voulons tenter de convaincre les gens qui profitent de notre action sans être membre du syndicat que cela vaut la peine d’adhérer, et qu’il est nécessaire de nous soutenir
Markus Fischer
« Qui porte le logo Swiss, doit proposer de la suissitude »
Lufthansa fait-elle pression sur sa filiale Swiss, par exemple avec des attentes élevées en termes de bénéfices ?
Philipp Hadorn: Concernant les pertes de Swiss durant les deux dernières années, elles étaient certainement élevées mais elles sont restées en-dessous des bénéfices accumulés durant les deux années précédentes. Le groupe devrait montrer de la compréhension si durant la dernière décennie on a pu évoluer avec des bénéfices, sauf durant deux mauvaises années. Ce ne serait pas correct de toujours prélever les bénéfices et de ne pas octroyer des contributions à fonds perdus lorsque la filiale est en crise. Swiss est l’une des filiales les plus rentables du groupe et elle s’est très vite redressée. La garantie fédérale pour recevoir des prêts bancaires y a contribué, grâce à cela Swiss a pu économiser beaucoup d’argent. Néanmoins, le groupe a apparemment ses propres intérêts. Nous les syndicats avons du pain sur la planche, en particulier en regard de la sécurisation des postes de travail. Il faut pouvoir garantir des offres de vols directs depuis la Suisse et que l’aéroport de Zurich reste un hub. De plus, Lufthansa examine de nombreux services pour déterminer où ils seront proposés à l’avenir dans le groupe. En résumé : des unités entières seront retirées de filiales comme Swiss et transférées dans des structures qui fourniront les prestations pour l’ensemble du groupe. Ceci est une menace pour Swiss qui perdra en autonomie. Cela amène de l’insécurité parmi le personnel. SEV-GATA exige que la grande partie des prestations de Swiss soit fournie en Suisse, pour l’entreprise et voire même pour tout le groupe. Car qui porte le logo Swiss doit aussi comporter de la suissitude !