décisions du Tribunale fédéral
Amiante, victoire partielle
Le Tribunal fédéral a rendu le 22 novembre deux décisions contrastées sur des actions en indemnisation des proches de victimes de l’amiante. L’un des recours, qui concerne un cheminot du chemin de fer BLS, est partiellement admis et la cause renvoyée à la justice bernoise.
Le premier recours a été déposé par la famille d’un homme employé par le BLS entre 1961 et 1998. Exposé à la poussière d’amiante dans son travail, il est décédé en 2004 d’un cancer de la plèvre, une maladie typique liée à l’amiante. Cette même année, la compagnie ferroviaire a indiqué qu’elle n’invoquerait pas la prescription si les proches déposaient une demande d’indemnisation.
La famille du cheminot a ouvert action contre le BLS en 2010. Elle a été déboutée par la Cour suprême du canton de Berne. Cette dernière a estimé que l’exposition la plus intense à l’amiante s’est déroulée entre 1961 et 1985 et que le délai de prescription à l’amiante a commencé à courir au plus tard dès 1985. Les prétentions de la famille étaient donc déjà prescrites lorsque le BLS a annoncé qu’il renonçait à la prescription.
Saisie, la 1ère Cour de droit civil a partiellement admis le recours et renvoyé l’affaire à la justice bernoise. Elle relève que la responsabilité du BLS est engagée si la compagnie n’a pas pris de mesures de protection des travailleurs lorsque les connaissances commandaient de le faire.
Les juges bernois devront examiner si le BLS a violé son obligation de protection et, le cas échéant, à partir de quand. C’est à partir de cette date que le délai de prescription devra être calculé. Le Tribunal fédéral estime que l’exposition à l’amiante s’est prolongée durant toute la durée des rapports de travail. Par ailleurs, le moment du déclenchement de la maladie ne peut pas être établi. L’introduction de mesures de protection est donc déterminante.
Le second cas concernait un homme qui a habité durant sa jeunesse, de 1961 à 1972, à proximité immédiate de l’usine Eternit de Niederurnen (GL) où l’amiante était transformé. A ce titre, il a été fréquemment en contact avec cette fibre minérale. Il est décédé en 2006 d’un cancer de la plèvre diagnostiqué deux ans auparavant.
Ses héritiers ont intenté en 2009 une action visant Eternit Schweiz AG, ses deux propriétaires Stephan et Thomas Schmidheiny ainsi que les CFF. En effet, la victime aurait été aussi exposée à l’amiante en observant le déchargement des sacs à la gare. Le Tribunal cantonal de Glaris a rejeté leur demande d’indemnisation en 2012. Dans sa seconde décision, le Tribunal fédéral (TF) confirme que le délai de prescription est largement dépassé puisque la dernière exposition remonte à 1972. En outre, des actions dommageables plus récentes n’ont pas été établies et ne permettent donc pas de reporter le départ de la prescription.
Saisi en 2013, le TF a suspendu ces deux procédures durant plusieurs années à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. En 2014, celle-ci avait relevé que le délai de prescription de 10 ans prévu par le droit suisse violait dans certains cas le droit d’accéder à un tribunal, garanti par l’article 6 de la Convention. Le Parlement a alors révisé le droit de la prescription qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020. Cependant, il a renoncé à un effet rétroactif ou à une solution transitoire pour les personnes lésées auparavant et les a renvoyés au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante créé en 2017.