« Hausse de la productivité » et conditions de travail difficiles
Le personnel des locomotives toujours plus sous pression
Lors de l’assemblée de ressort à Brigue, les mécaniciens de locs organisés à la LPV et donc au SEV étaient tous d’accord pour demander la négociation d’une CCT de branche pour le trafic voyageurs grandes lignes, sur le modèle de celle du trafic d’agglomération. Les représentants de plusieurs entreprises ont évoqué des essais visant à augmenter la productivité et d’autres complications au niveau du travail.
Hans-Ruedi Schürch, que peut-on imaginer trouver dans la CCT de branche pour le trafic voyageurs grandes lignes revendiquée par la LPV ?
Hans-Ruedi Schürch: qui est étendue à une branche règle les conditions de travail à respecter dans cette branche, pour autant qu’elles ne soient pas déjà réglées par la loi. Il s’agit avant tout de régler les dispositions de reprise du personnel lorsque le trafic voyageurs passe d’une entreprise à une autre, lorsqu’une concession arrive à échéance.
C’est un thème d’actualité: les CFF et le BLS ont déposé leurs offres pour les concessions de trafic grandes lignes en Suisse, cependant le BLS n’a pas suffisamment de personnel pour assurer ce trafic. Il en va de même pour le SOB.
Donc dans de tels cas il faut fixer des règles, afin que non seulement la concession ou le trafic soit repris par une entreprise, mais aussi le personnel pendant au moins deux ans aux mêmes conditions que dans l’ancienne entreprise.
Cela sécurise le personnel et donne l’opportunité de chercher un nouvel emploi après le passage dans la nouvelle entreprise, si les conditions proposées par cette dernière ne sont pas satisfaisantes.
La LPV espère plus de sécurité avec une telle CCT de branche étendue ?
Oui, au moins durant une certaine période transitoire. Actuellement nous n’avons pas encore de graves problèmes dans ce domaine. Mais si en Europe le trafic voyageurs grandes lignes devient complètement libéralisé, le réseau suisse risquera d’exploser en centaines de morceaux et les conditions de travail ne seront plus contrôlables. C’est pourquoi il faut négocier une CCT de branche maintenant, pendant que le trafic grandes lignes est encore en un seul morceau, afin que les conditions soient claires plus tard.
La LPV a surtout peur des moins bonnes conditions d’engagement prévues dans les CCT d’entreprises de ces nouveaux prestataires et du dumping salarial ?
Nous craignons surtout les entreprises étrangères qui roulent avec du personnel étranger. Des réflexions liées à la sécurité interviennent également, ce n’est pas seulement une peur du dumping sur les conditions de travail. En Allemagne il y a 130 «écoles» de conduite et même l’église catholique forme des mécaniciens de locs. On se demande d’ailleurs ce qu’ils valent. En Autriche il est possible d’obtenir son permis de locomotive après 32 leçons de théorie, sans avoir jamais conduit une loc. Tout le reste est précisé dans une «attestation»: quels tronçons et quels véhicules le détenteur peut conduire. Notre objectif est que toutes ces précisions soient contenues dans le permis de conduire. La formation pour l’obtention de ce permis doit rester à un niveau élevé car sinon nous aurons des problèmes au niveau de la sécurité. Toute cette problématique est très complexe.
En Suisse, toute une série de professions très différentes se nomment toutes «mécaniciens de locomotives»: cela va des conducteurs de trains de pendulaires en trafic d’agglomération aux gens qui conduisent les locomotives à vapeur, ou sur voies étroites, ou à crémaillère, en passant par les mécaniciens de manoeuvre et ceux du trafic marchandises. Tu es le président de tous ces mécaniciens de locs, comment se passe la compréhension mutuelle ?
Tout d’abord une petite précision: à la LPV sont organisés « seulement » les mécaniciens des CFF, du BLS et du RhB, et la plupart des autres sont à la VPT. Mais la compréhension parmi les mécaniciens de locs va très loin et elle a même augmenté ces derniers temps, parce qu’il est devenu plus facile de passer d’une entreprise à l’autre ou de changer de poste à l’intérieur d’une entreprise. Le marché des mécaniciens de locomotives est déserté, presque toutes les entreprises ont de la peine à trouver suffisamment de personnel. Mis à part la différence des conditions d’engagement qui pousse les gens à changer d’employeur dès qu’ils ont fini leur formation, le personnel a aujourd’hui un lien beaucoup moins important avec l’entreprise de départ.
L’idée d’une CCT de branche est-elle bien accueillie par les mécaniciens de locs? Quels échos as-tu reçus ?
Jusqu’ici il n’y a pas eu beaucoup d’échos parce que l’idée vient d’émerger au comité LPV. En trafic marchandises, la situation est toute autre et la régulation est beaucoup plus urgente, comme la démontré l’histoire avec Crossrail.
Le trafic régional transfrontalier aussi soulève d’autres questions que la répartition du trafic.
Les employeurs profiteraient d’une CCT de branche qui les protègerait du dumping exercé par la concurrence ...
Parfaitement, on a déjà constaté la même chose dans le trafic marchandises. Cependant certaines entreprises, qui ont pourtant suivi l’affaire Crossrail, ne veulent maintenant pas en tirer les leçons. Avec la nouvelle concession elles ont l’impression qu’elles auront la paix durant les 15 prochaines années. Seules les quatre lignes au pied du Jura arrivent à échéance en 2019.
Que prévoit la CCT de branche du trafic voyageurs d’agglomération ?
La CCT du trafic d’agglomération ne va pas très loin. Le salaire moyen y est fixé, pour autant que je m’en souvienne, mais les plages salariales des entreprises peuvent tout à fait différer. Ces dernières années nous n’avons jamais utilisé cette CCT car en trafic d’agglomération on ne peut pas faire de profit, c’est bien connu, et c’est pourquoi personne ne s’arrache ce trafic. Par exemple, le RER zurichois est tellement complexe que d’autres entreprises ne s’en sortiraient pas. Les trains marchandises, ceux du transport d’agglomération et ceux du trafic grandes lignes se partagent le même réseau, ce qui donne une cadence d’une extrême densité très difficile à gérer.
Questions : Peter Anliker / MV
Compétences linguistiques, vidanges des WC ... et profil professionnel
Les discussions lors de l’assemblée de ressort de la LPV n’ont pas porté que sur la CCT de branche revendiquée par les mécaniciens et mécaniciennes de locs suite aux mises au concours pour l’attribution des nouvelles concessions du trafic voyageurs grandes lignes. Voici un résumé des thèmes abordés.
Un mécanicien doit avoir des compétences linguistiques selon les tronçons sur lesquels il roule et pour lesquels il est formé. Mais de quel niveau doivent être ces compétences?Les CFF exigent des (futurs) mécaniciens des connaissances linguistiques de niveau A1. L’enseignement prévu est basé sur un cours online de l’entreprise Speexx. Les mécaniciens de locomotives se plaignent que ces cours sont d’un niveau plus élevé. On se demande si le temps mis à disposition pour travailler avec le programme d’enseignement est suffisant. Et enfin il n’est pas clair non plus de quelle manière les mécaniciens peuvent noter le temps dont ils ont besoin pour mettre à jour leurs compétences linguistiques. Des améliorations doivent être obtenues au moyen d’examens blancs, au plus tôt durant le premier semestre 2018, avant que les premiers examens puissent avoir lieu.
Insécurité à Brigue
Dans le trafic voyageurs à Brigue il y a des transferts de prestations entre les CFF et le BLS. Quelle est la situation du personnel concerné ?
Problème des trains de fans
Depuis longtemps, la conduite des trains de fans représente une charge pour le personnel des locomotives. Les mécaniciens ont discuté de la manière dont la LPV doit se positionner à ce propos.
Pression permanente chez Cargo
Le personnel des locs P n’est pas le seul à être sous pression, le personnel Cargo n’est pas épargné. Au moment de la séance à mi-septembre, l’actualité portrait sur les répercussions de la fermeture du tronçon du Rheintal, situation qui a usé les dernières réserves du personnel des locs et des répartiteurs. Les autres sujets de discussion étaient l’utilisation du compte TAT, la location du personnel des locs par des prestataires de services privés, les atteintes à la LDT, à l’OLDT et aux BAR dans les répartitions à Brigue, les changements dans les tours et le calendrier à RBL, la non-correction des tours et des transferts à Bâle ainsi que l’éternel Caros.
WC et vue frontale
Au BLS, « l’augmentation de la productivité » projetée au niveau des mécaniciens a fait couler de l’encre : le personnel des locs aurait dû à l’avenir vider les réservoirs des WC. Heureusement, après intervention de la LPV auprès de la direction du BLS, l’idée a été retirée. On a pu aussi éviter la pose de parois vitrées dans les cabines de conduite. Le personnel des locs ne doit pas forcément être exposé à toutes sortes de gens qui regardent, filment ou photographient pendant la conduite ?
Effectif insuffisant au RhB
Au RhB, l’effectif du personnel est toujours très bas et en conséquence, les mécaniciens et mécaniciennes sont surchargés. L’introduction des nouveaux appareils d’arrêt automatique amène des difficultés durant la phase transitoire. La LPV-RhB est intervenue et espère que la situation s’améliorera.
Marjan D. Klatt/pan.