Conférence des sections
Burn-out: brûlé comme une merguez ou une frite belge ?
La conférence des sections romandes le 14 février a été l’occasion de sortir des sentiers battus avec le psychiatre Davor Komplita. L’écrasante majorité des participant-e-sa apprécié !
« Bien manier le langage, c’est bien manier les personnes. » Bien sûr, les détracteurs du DrKomplita auront beau jeu de retourner cette phrase contre cet excellent orateur. Reste que sa méthode de travail avec des Lego «pour la prise de conscience de soi» a séduit la très grande majorité des participant-e-s à la conférence des sections romande à Lausanne (voir les réactions en page 12). Des Lego pour permettre à ceux qui ne sont pas forcément à l’aise dans l’expression orale de trouver un autre moyen de s’exprimer.
Les conflits interpersonnels ? Une affaire de management
Mais cette partie de construction d’objets (pour donner une forme à ses valeurs professionnelles, personnelles, entre autres) a été précédée d’une conférence sur la souffrance au travail. « Dans ma pratique de gestion des conflits interpersonnels, j’ai constaté qu’ils étaient souvent dus au management. Ces conflits doivent être analysés à quatre niveaux : psychologique, opérationnel – quelle est la teneur du travail –, managérial – que dit le supérieur du conflit ? – et sur le plan politique de l’entreprise (pourquoi le management ne règle-t-il pas le conflit. Il faut investiguer à tous les niveaux pour régler les conflits », a insisté Davor Komplita.
« Le burn-out, pire qu’un mauvais divorce »
Il a aussi lancé quelques piques à l’encontre du système actuel, « le profit sans richesse, c’est de la spéculation. Il faut du capital, mais aussi des savoirs. Aujourd’hui, seuls les actionnaires reprennent leurs billes. Je vous invite à lire ‹ La déconnomie ›, de Jacques Généreux. » Spécialiste de la souffrance au travail, Davor Komplita a rappelé que 90% de sa patientèle venaient consulter pour du mobbing, du burn-out ou du pré-burn-out. Et parmi les « brûlés », il y a les burn-out simples « comme une merguez oubliée sur le gril: un patient qui ne sait plus comment il s’appelle mais qui veut encore aller travailler ». Il y a aussi le « brûlé » genre « frite belge, qui cuit deux fois parce qu’il retourne au boulot rapidement et qui rechute ».
Et la version la plus dure : « Le Christmas pudding, soit l’employé-e qui souffre depuis 8 à 10 ans, mais qui s’accroche. » « Je préfère un très mauvais divorce à un burn-out. Le burn- out anéantit l’armure psychologique et attaque les compétences, l’identité professionnelle. Le patient se sent misérable comme à 17 ans. C’est un effondrement cognitif, émotionnel, identitaire. Et c’est une très longue guérison. Parmi les signaux d’alerte, l’investissement permanent dans le travail. Toutes les ressources vont dans la tâche. »
A l’heure de dresser le bilan, le coach des section Baptiste Morier, organisateur de la journée, est enthousiaste : « Ce n’était vraiment pas gagné d’avance. Même au sein de l’appareil professionnel du SEV, certain-e-s avaient quelques doutes quant au programme prévu. Eu égard aux retours que j’ai reçus dès le soir même – le plus souvent franchement ravis – j’ai la conviction que nous devons, à l’occasion de ce genre de journées, poursuivre notre chemin sur les pistes de la formation continue de nos membres, de l’échange d’expériences entre eux et de la convivialité autour d’un repas à la bonne franquette. Que nos membres soient satisfaits, qu’ils ne perdent pas leur temps avec nous, c’est le cap que je me fixe toujours. Je relève également le bilan unanimement réjoui de mes collègues directs. Cette journée leur a profité aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Enfin, l’intervenant et le traiteur ont été exceptionnels. Que pouvait-on espérer de mieux ? Je suis heureux. »
Le succès de la journée motive donc le coach des sections à poursuivre sur cette voie. Quel sera le programme 2018 ? Il est évidemment trop tôt pour le dire. Une chose est sûre: au menu, ce ne sera pas merguez et frites belges.
Vivian Bologna
Quelque 70 militant-e-s ont rallié Lausanne le 14 février. Trois d’entre eux livrent leurs impressions: Jérôme Fay (VPT-tpg): «Les rencontres et les discussions entre camarades restent très intéressantes et enrichissantes (...) La conférence de Mr Davor Komplita a été extrêmement intéressante. Son approche des dégâts
psychologiques occasionnés sur les employés par le management en entreprises éclairait sous un autre angle ce que nous percevons instinctivement. Il s’agit là d’une véritable entreprise de déresponsabilisation et d’isolement des travailleuses et des travailleurs. Entreprise qui vise à mieux les soumettre dans une illusion productiviste. (...) L’idée du travail avec les légos, même si elle pouvait paraître curieuse pour
l’assemblée que nous étions, n’en était pas moins constructive quant à la façon dont peut
fonctionner la pensée et son expression (...) Nous avions affaire à un psychiatre et en ce sens, il s’intéresse aux individus. C’est la raison pour laquelle il ne semble pas bien comprendre l’essence du syndicalisme qui n’est pas une ONG humanitaire mais un instrument de combat des travailleurs pour détruire les causes de la souffrance, c’est-à-dire finalement, l’autoritarisme, le pouvoir, le patronat et ses velléités de profits en soumettant les citoyens par la peur et la menace.»
René Zürcher (co-président AS-ouest): «Une journée passionnante, beaucoup d’informations sur une certaine réalité du monde du travail, des choses que je connaissais mais sur lesquelles je ne m’étais jamais vraiment penché plus en profondeur. Des pratiques contre lesquelles on se serait rebellé il y a encore quelques années mais qui maintenant nous paraissent normales parce que nous nous y sommes habitués comme on s’habitue à un bruit de fond. Beaucoup de personnes trouvent maintenant normal de traiter les e-mails professionnels durant leurs congés, ne possèdent qu’un seul téléphone mêlant vie privée et vie professionnelle.»
Jean-Claude Cochard (membre MOB et président de l’USV): «Le fantôme de Lénine a-t-il resurgit de l’histoire, le jour de la Saint-Valentin? Pas vraiment; il s’agit de Davor Komplita, spécialiste reconnu pour le traitement des dépressions nerveuses provoquées par une activité professionnelle. Il nous a démontré la suprématie du thérapeute sur celle du patient, en utilisant les syndicalistes du jour pour une séance de thérapie de groupe, en nous faisant jouer avec des briques lego (...) des bouts de plastique qui ont fait la fortune d’une multinationale! Une mise en scène qui m’a fait voir comment les faiseurs d’opinion procèdent pour détourner les travailleuses et les travailleurs de la lutte de classes. Parce qu’il s’agit bien de ça. Si les cabinets des psychiatres du travail ne désemplissent pas, c’est à cause de la disparition de la notion de classe, au sens marxiste du terme. Cela revient à supprimer l’esprit de famille qui régnait dans le monde du travail avant que l’on soit devenu, à peu près tous, des consommateurs invétérés. Le patronat, lui, est toujours resté fidèle à sa classe, celle qui possède les moyens de production.»
Infos du SEV et de la jeunesse
La lutte contre la déshumanisation des transports se poursuit
La conférence des sections, c’est aussi un moment important d’échanges directs entre la direction du SEV et la base. Le président Giorgio Tuti a rappelé que 2017 est une année importante pour le SEV, avec un Congrès de deux jours. Le vent de libéralisation qui souffle sur les transports publics y occupera un espace conséquent. Autre thème important, la lutte contre les trains-fantômes: «Nous allons continuer de défendre un système des transports qui ne soit pas déshumanisé!»
Le vice-président Manuel Avallone, en charge des dossiers CFF, n’a pas manqué de rappeler que la mobilisation des membres SEV avant les Fêtes de Noël a permis d’obtenir un résultat défendable dans le cadre des premières mesures d’économie prévues par RailFit 20/30. «Et notamment la manifestation au Wankdorf avec 300 personnes a eu de l’impact sur les négociations. La prochaine CCT CFF 2019 et le recrutement aux CFF sont autant de points cruciaux.»
De son côté, Barbara Spalinger, vice-présidente en charge des ETC, a évoqué la nécessité d’utiliser le rapport de force dans le cadre de négociations contractuelles. «Nous avons quelque 70 CCT, excellentes, où le niveau des salaires est plutôt bon. Il s’agit de continuer sur cette voie. Nous nous battons dans le cas Crossrail pour garantir le principe travail en Suisse, salaires suisses que l’OFT refuse d’appliquer.»
Enfin, Anthony Reymond a évoqué les activités de la Commission jeunesse, placée sous le signe de la solidarité internationale en 2017. Les jeunes de moins de 30 désireux de s’impliquer peuvent s’annoncer auprès de Lucie Waser (). vbo