Journée VPT romande du 29 octobre
RIE III: qui va trinquer plus que de raison?
Bulle accueillait cette année la journée VPT romande, organisée par la section tpf autobus. La table ronde de fin d’assemblée était consacrée aux conséquences de la politique d’austérité dans les transports publics.
Animée par le responsable de la communication SEV Vivian Bologna, la discussion a réuni trois intervenants: Georges Godel, conseiller d’Etat en charge des Finances du canton de Fribourg ainsi que président du conseil d’administration des TPF, Christian Levrat, conseiller aux Etats PS/FR et Giorgio Tuti, président SEV. Au cœur des débats, la réforme fiscale des entreprises, sur laquelle nous voterons en février prochain. A Georges Godel qui insiste sur le fait que tout va bien dans le canton de Fribourg, Vivian Bologna indique qu’il faudra bien serrer les cordons de la bourse si RIE III passe. Il lui rappelle l’échéance de 2029, date à laquelle des mises au concours de concessions pourraient avoir lieu dans le canton de Fribourg, lui faisant au passage remarquer que les caisses allaient être encore plus vides qu’actuellement à cette date. Mais Georges Godel a continué à insister sur le fait que la baisse fiscale pour les entreprises, qu’il défend «corps et âme», est une bonne chose et qu’il ne sera pas question pour autant de couper dans les salaires.
Des secteurs privilégiés
Christian Levrat explique que les allégements fiscaux auront pour conséquence un manque à gagner de 1,3 milliard de francs pour la Confédération. Les économies qui en résulteront toucheront, selon Levrat, forcément les prestations de l’Etat et les classes moyennes. Il explique: «Au niveau fédéral, il y a cinq domaines où l’on peut couper: agriculture, armée, transports publics, aide au développement et routes. Depuis le début de l’année, le Parlement a augmenté les budgets de l’armée, des routes et de l’agriculture! Qui va trinquer plus que de raison?Les transports publics, bien sûr!».
A ce propos, Giorgio Tuti est revenu sur les conséquences désastreuses des privatisations, aussi bien en Angleterre qu’en Suède. Pour lui, il est évident qu’il faut agir au niveau syndical mais aussi au niveau politique, pour éviter que ce soit le personnel qui paie le prix de telles décisions, comme la libéralisation à tout va et les économies mal placées. Giorgio Tuti a souligné que le SEV a des moyens et ne va pas se contenter de subir des décisions qu’il juge mauvaises: «Le syndicat est très bien organisé et n’a pas l’intention de laisser mettre en péril le meilleur système de transports publics d’Europe.»
La force du SEV: le taux d’organisation
Pour Christian Levrat, on est en train d’étrangler les entreprises de transports publics jusqu’à ce qu’elles n’aient plus d’autre choix que de répercuter les économies sur le personnel. «Heureusement, le taux de syndicalisation dans ces entreprises est exceptionnel. C’est cela qui vous a sauvé jusqu’à présent» explique-t-il à la salle comble.
Le président SEV a relevé la forte croissance du trafic dans le futur et la diminution de moyens octroyés. Il a mis en garde les participant-e-s à la journée: «Le service public est toujours le premier visé lorsqu’il y a des économies à faire. Il faudra aller voter non à la RIE III en février!»
A la question de Jean-Claude Cochard sur l’activité de Car Postal en France, Christian Levrat a répondu que ce ne sont pas forcément les entreprises qui sont fautives, mais bien le système d’appel d’offres qui est mauvais. Dans cette concurrence accrue, la seule variable sur laquelle peuvent jouer ces entreprises, c’est le personnel, qui a donc tout à y perdre. Dans les cantons de Vaud et de Fribourg, une décision politique a été prise de ne pas mettre les lignes au concours. Ce n’est pas le cas partout, malheureusement.
Après cette table ronde, la journée s’est poursuivie en mode festif, avec l’apéro et le menu de Bénichon, ce qui a permis à tous de prolonger la discussion sur ces thématiques chères au personnel des transports.
Henriette Schaffter
Discours
Gilbert D’Alessandro, le président central VPT, s’est réjoui de voir que 19 des 21 sections romandes étaient présentes à Bulle. «Cela montre votre intérêt pour la VPT, mais surtout pour la cause syndicale!» Et d’ironiser sur la présence, une nouvelle fois, de Christian Levrat, Georges Godel et Vincent Ducrot: «On pourrait les recruter. Qu’ils profitent, l’adhésion est gratuite jusqu’à la fin de l’année!» Rires dans la salle… Point fort de son discours: la prévoyance vieillesse 2020: «Pas question de travailler plus, de cotiser plus et tout ça pour avoir moins! La gauche et les syndicats doivent être vigilants face aux velléités de la droite de péjorer les rentes et l’augmentation de l’âge de la retraite et doivent les combattre!» Une résolution allant dans ce sens a été adoptée à l’unanimité. Un texte qui demande que l’USS mette sur pied un Congrès extraordinaire sur la question. Et ça tombe bien lui a répondu le président du SEV Giorgio Tuti, puisque l’USS a prévu une assemblée des délégué-e-s dédiée à Prévoyance 2020. Giorgio Tuti s’est dit fier que «200 collègues se déplacent un samedi à fin octobre pour se retrouver, débattre et passer un moment d’amitié. «Et des moments d’amitiés c’est aussi important en vue des batailles syndicales qu’il y aura à mener. Et elles sont nombreuses! Et Gilbert l’a déjà évoqué. Si, au final, il y aura des baisses des rentes, ce sera sans nous! Un tel scénario n’est pas imaginable dans un pays où 16% des retraité-e-s sont dans la pauvreté et 200000 dépendent des prestations complémentaires!» Autre combat: la RIE III qui mettrait en péril le service public (voir ci-dessus). Giorgio Tuti est aussi revenu sur la libéralisation voulue par l’OFT dans sa Stratégie 2030. «Les collectivités publiques devraient se retirer au profit du privé! Par ailleurs, l’OFT veut mettre en danger notre système de transports publics envié partout en Europe en accordant des concessions pour des bus longues distances sur le territoire national.» Giorgio Tuti s’étend sur ce thème dans l’interview en pages 6 et 7. Directeur des tpf, Vincent Ducrot, a loué le partenariat entre les tpf et le SEV. «Le personnel, c’est notre capital le plus précieux et c’est avec lui que nous pourrons nous développer.» Un développement du réseau qui va se poursuivre. L’appareil de production sera modernisé et les gares aussi. Les réseaux urbains seront plus efficaces. «Certaines pauses aux terminus sont trop longues, près de 30 minutes, si bien que nos conducteurs sont d’excellents lecteurs!», a-t-il ironisé. Enfin, Vincent Ducrot s’est dit attaché à la nécessité d’offrir des conditions de retraites décentes pour des métiers, telle la conduite, qui sont pénibles. Quant au vice-syndic de Bulle, Raoul Girard, il a rappelé le développement fulgurant de sa ville avec quelque 600 à 700 nouveaux habitants chaque année. «Ce qui n’est pas sans incidence sur le développement des infrastructures scolaires, sportives, l’aménagement du territoire et la mobilité. Les cadences des transports urbains sont insuffisantes.» Il s’est aussi dit tenté d’appuyer les points de vue syndicaux sur RIE III, «mais je sortirais de mon rôle». vbo