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Angle Droit

Résilier son contrat sans nouvel emploi? Risqué

Jean n’est pas très motivé en ce moment au niveau professionnel. Ces derniers temps il a eu des divergences d’opinion avec son supérieur. Il s’est laissé aller à proférer des paroles qui ont dépassé sa pensée, ce qui lui a valu des réprimandes et, il y a quelques jours, il a même reçu une menace de licenciement. Il sait pertinemment qu’il y aura d’autres divergences d’opinion avec son supérieur et craint que le licenciement ne soit inévitable. Pour éviter cette issue fatale, Jean envisage de prendre les devants et de résilier lui-même ses rapports de service. Mais sachant qu’au vu de la situation économique actuellement tendue, la recherche d’emploi risque d’être difficile, il redoute des restrictions au niveau de son droit au chômage. Il sait qu’il devra compter avec un délai de suspension si c’est lui qui donne son congé. Il a donc réfléchi à une autre possibilité: il pourrait résilier ses rapports de service d’un commun accord par le biais d’une convention de sortie. Il s’agirait alors d’une entente mutuelle avec l’employeur. Mais peut-il vraiment éviter les sanctions de l’assurance-chômage de cette manière?

Si la caisse de chômage découvre que l’employé est sans travail par sa propre faute, selon l’art. 30 de la Loi sur l’assurance-chômage (LACI), elle est tenue de réduire le droit du travailleur aux prestations journalières (ce que l’on appelle le délai de suspension). Selon l’article 45 de l’Ordonnance sur l’assurance chômage (OACI), la durée de la suspension est de 1 à 60 jours, proportionnellement à la gravité de la faute.

La situation de chômage est considérée comme étant de la propre faute du travailleur lorsque ce dernier, par son comportement et en particulier s’il a manqué à ses devoirs selon son contrat de travail, a donné à l’employeur un motif valable de résilier ses rapports de service. Toutefois, il n’y a pas uniquement propre faute en cas de non respect des devoirs stipulés par le contrat de travail mais c’est également le cas lorsque la personne assurée fournit à l’employeur, par son comportement à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’entreprise, un juste motif de licenciement.

La situation de chômage est aussi considérée comme étant de la propre faute de l’employé lorsque ce dernier résilie lui-même ses rapports de service sans avoir trouvé au préalable un autre emploi. Ceci même si cette résiliation est avalisée par l’employeur. Par conséquent, la résiliation des rapports de service d’un commun accord, resp. la situation de chômage qui s’ensuit est également considérée comme étant de la propre faute du travailleur. Ainsi la résiliation d’un commun accord sera traitée exactement de la même manière qu’une résiliation par l’employé. Une seule exception à cette règle: lorsque l’employeur force l’employé à accepter une résiliation d’un commun accord en le menaçant, en tant qu’alternative, de licenciement. Au vu du peu de choix possibles, on ne peut pas parler là de résiliation par l’employé de son propre chef. Dans ce contexte précis, il faut examiner si l’employé a donné suffisamment de raisons à l’employeur de prononcer un tel licenciement.

Bien entendu, les résiliations données par l’employé et celles qui sont prononcées d’un commun accord ne sont considérées comme étant de la propre faute de l’employé que lorsque les circonstances permettraient d’exiger de ce dernier qu’il reste à son poste de travail. Toutefois les tribunaux appliquent des règles très strictes en la matière.

Pour Jean cela signifie que, même avec une résiliation des rapports de travail d’un commun accord par le biais d’une convention de sortie, il devra compter avec des jours de suspension. D’une part parce que sa situation sera perçue par la caisse de chômage comme une résiliation de son propre chef et, d’autre part, parce qu’il n’y a pas de motif évident laissant apparaître qu’une poursuite des rapports de service se serait avérée insupportable. Le team d’assistance judiciaire professionnelle du SEV a donc recommandé à Jean d’agir avec sagesse et de trouver un nouvel emploi avant de donner son congé.