Soutien financier
«Les transports publics sont l’épine dorsale de la mobilité»
Comme d’autres, les entreprises de transports publics sont particulièrement touchées par la crise du coronavirus. Ce fut le cas durant le confinement, surtout lorsque le Conseil fédéral a appelé les gens à rester chez eux et à éviter de voyager en transports publics, engendrant de grandes pertes. Depuis, aucun moyen de transport n’a été utilisé à sa pleine capacité et la situation ne va pas s’améliorer avec la deuxième vague. La Confédération a reconnu qu’il fallait agir et a édicté la loi fédérale sur le soutien des transports publics. Pour le SEV, ceci n’est pas suffisant. Daniela Lehmann, coordinatrice de la politique des transports au SEV, en explique le contexte.
Daniela, le Parlement a adopté en septembre une loi sur le soutien financier des transports publics. Le SEV demande néanmoins plus d’argent dans un courrier au Conseil fédéral. Pourquoi la loi ne suffit-elle pas?
Daniela Lehmann: Dans la loi fédérale sur le soutien des transports publics, toutes les branches n’ont pas été prises en compte. Ainsi le trafic grandes lignes ne reçoit pas de subside. La proposition de minorité de notre collègue Edith Graf-Litscher, dont l’objectif était de corriger cette lacune, a été hélas rejetée.
D’autre part, les subventions accordées au transport régional de voyageurs (TRV) ont été fixées sur la base d’une perte d’environ 35% pour l’année en cours. Mais, avec la recommandation de refaire du télétravail et si des mesures plus conséquentes devaient être décidées pour tenter de contenir le virus, les pertes seront au final beaucoup plus élevées. De notre point de vue, l’ensemble des déficits des entreprises devrait être pris en charge.
On a assuré aux entreprises du TRV qu’elles pourraient adapter encore une fois leurs offres pour 2021 afin de demander de plus grandes indemnisations. Ceci permet d’espérer, pour l’année prochaine au moins, un semblant de sécurité. Mais pour 2020, les choses sont encore très incertaines.
Et qu’espère le SEV avec ce courrier?
Nous aimerions obtenir du Conseil fédéral qu’il envoie un signal aux entreprises et leur assure qu’elles ne resteront pas avec leur déficit de 2020 sur les bras. Ceci est d’autant plus important que les négociations salariales pour l’année prochaine sont en cours actuellement, et les entreprises doivent pouvoir réfléchir concrètement sur la manière de mener leurs affaires en 2021. Si la situation reste incertaine, c’est le personnel qui en fera les frais, comme toujours. Et des économies aux dépens des employé-e-s ne seraient pas une bonne solution.
Nous espérons en outre que le Conseil fédéral et le Parlement reviennent sur leur décision concernant le trafic grandes lignes. Actuellement, il n’y a aucun signe allant dans ce sens. Mais si la situation du coronavirus se détériore encore, peut-être verra-t-on un changement de cap. La situation d’urgence s’amplifie aussi dans le trafic grandes lignes. Les CFF ont d’ores et déjà mis en route des mesures d’économies.
Les entreprises qui reçoivent un soutien financier veulent économiser sur le personnel. Ne faut-il pas poser des conditions?
Il y a eu beaucoup d’oppositions s’agissant d’établir certaines conditions pour les soutiens financiers. Nous l’avons vu aussi dans le domaine de l’aviation. Le SEV aurait bien voulu lier les subventions pour les transports aériens à l’obligation de conclure une CCT et à une interdiction de licencier durant la phase de soutien. Toutefois nous n’avons pas été entendus pour cette revendication.
Pour le SEV, il est clair qu’il n’est pas possible de rester sans rien faire si des entreprises qui ont obtenu des subsides, aussi grâce à l’engagement politique du SEV, font mine d’économiser au niveau des conditions d’engagement. Les secrétaires syndicaux du SEV vont devoir être bien attentifs lors des négociations salariales à venir.
D’autres branches sont actuellement en bien plus mauvaise posture que les transports publics. Alors pourquoi ce secteur doit-il recevoir encore plus de soutien?
Il ne sert à rien de mettre les diverses branches touchées en concurrence. Le SEV s’engage pour les transports publics car ils jouent un rôle crucial dans le bon fonctionnement de notre société et le développement économique. On a déjà pu le constater durant le confinement: les transports publics sont importants pour le système et doivent fonctionner aussi en situation de crise. Ils sont l’épine dorsale de la mobilité en Suisse. Et il ne faut pas oublier le débat sur la cause climatique. Les transports sont parmi les plus grands consommateurs d’énergie. Et les transports publics occupent une bien meilleure position que les transports individuels motorisés. Ils constituent actuellement quelque 20% du volume total du trafic en Suisse, cependant ils utilisent moins de 5% de l’énergie totale. Nous ne pourrons atteindre nos objectifs climatiques que si nous parvenons, dans le domaine des transports, à appliquer la répartition modale à l’avantage des transports publics. Les transports publics doivent être massivement développés. C’est pourquoi il est d’autant plus important de les soutenir maintenant, afin de ne pas freiner leur extension.
Pourquoi le SEV, en tant que syndicat, s’engage-t-il pour une autre répartition modale?
Le SEV est justement en train de formuler ses revendications syndicales en ce qui concerne la répartition modale. En clair: il faut avoir suffisamment de personnel car il contribue manifestement à l’attrait des transports publics, il donne par exemple un sentiment de sécurité à la clientèle. Si les transports publics se développent, les entreprises devront agrandir leurs effectifs de personnes qualifiées, ce qui n’est possible qu’en offrant de bonnes conditions d’engagement.
J’ajouterais que les entreprises de transport, au vu de l’évolution démographique, se trouvent devant de grands défis. Par exemple aux CFF, on sait que d’ici 2035, environ 40% des collaboratrices et collaborateurs actuels seront à la retraite. Ainsi le manque actuel de main d’oeuvre qualifiée va encore s’accentuer.
Questions: Chantal Fischer