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Un problème de mentalité et de gestion de l’entreprise

Temps partiel: les entreprises se montrent souvent maladroites

Le temps partiel est une bonne solution pour les papas et mamans qui veulent concilier travail et famille, pour autant que la perte de salaire qui y est liée soit supportable. Les employeurs en profitent également, puisque leurs bons employé-e-s expérimenté-e-s leur restent fidèles, à temps partiel. Mais beaucoup d’entreprises continuent à être réticentes, même les CFF, qui veulent pourtant le promouvoir, selon la CCT.

Il faut des règles très claires pour contrer l’hyperflexibilisation du personnel.

Le personnel à temps partiel doit souvent ronger son frein. Il n’a pas que le salaire qui baisse, mais aussi souvent des tours de service plus mauvais, moins de formation et moins de perspectives de carrière. Sans parler des désavantages dans l'assurance invalidité.

Bien que les entreprises aient remarqué que le temps partiel est un besoin pour leur personnel – avant tout des parents – et qu’elles tirent aussi des avantages à le promouvoir, elles peinent à le favoriser.
Parfois, on profite même du personnel à temps partiel. Les CFF qui veulent le favoriser ont encore du pain sur la planche, même si les progrès sont tangibles. Il s’agit notamment de s’assurer que tous les cadres jouent le jeu – voir l'interview avec Martin Allemann. Il y a aussi de bons exemples chez les CFF et chez d'autres entreprises, à l’instar de TILO (voir l'encadré en bas).

Meilleure protection contractuelle

Dans la CCT 2001, figurait le texte suivant: «Le travail à temps partiel est encouragé à tous les niveaux». Dans la CCT 2005, la phrase a été complétée par: «Le travail à temps partiel est encouragé à tous les niveaux et sous toutes ses formes.» La CCT 2015 évoque les «modèles de temps partiel».
Une disposition nouvelle prévoit que les nouveaux contrats de travail à temps partiel doivent préciser si le temps de travail est réduit quotidiennement ou si des jours libres supplémentaires sont accordés et, si oui, comment (voir l'encadré dans l'interview avec Martin Allemann. Le personnel à temps partiel peut ainsi mieux se défendre contre des exigences de flexibilité excessives.

Toutefois, par exemple, le personnel à temps partiel de Micronic (relevé des fréquences) engagé avant 2015 a toujours ses anciens contrats peu précis ne garantissant que peu de jours libres par mois et permettant de lui faire effectuer beaucoup d’heures supplémentaires certains mois et aucune ou très peu d’autres mois. Et, indépendamment de son degré d’occupation, il doit en règle générale travailler au moins deux samedis et deux dimanches par mois. S’opposer et dire une fois non lorsque le répartiteur cherche un remplaçant au dernier moment paraît difficile à nombre de ces travailleurs et travailleuses craignant pour leur poste.

Fin 2014, 51,3% des collaboratrices CFF travaillaient à temps partiel (en 2011, 45%), et 11% des collaborateurs masculins (7% en 2011). Le taux monte donc aussi chez les hommes, mais lentement...

Temps partiel refusé aux mécaniciens CFF

L’article 53 de la CCT n’a pas empêché la Division Voyageurs CFF de décréter qu’aucun mécanicien-ne à temps partiel ne sera plus engagé-e jusqu’en 2017 en raison des sous-effectifs dans le personnel de conduite (dus en partie à une mauvaise planification de la relève). Le SEV a cependant obtenu que les contrats à temps partiel en cours soient renouvelés. Mais cette suspension des engagements à temps partiel a déjà conduit des mécaniciens à passer à la concurrence ou à chercher un nouveau poste.

Questions à la vice-présidente SEV Barbara Spalinger

contact.sev: Quelle est la position du SEV sur le travail à temps partiel?

Barbara Spalinger: "On rencontre beaucoup de maladresses vis-à-vis du travail à temps partiel."
Barbara Spalinger: Le travail à temps partiel est une réalité, et c’est bien ainsi. Il y a belle lurette qu’on ne doit plus décider entre un job à 100 % ou rien du tout. Les entreprises savent bien qu’elles doivent s’ouvrir aux tendances de la société et le temps partiel en fait partiel.

Y a-t-il souvent des membres qui ont des problèmes avec le travail à temps partiel ?
Ce sont avant tout des femmes qui amènent le sujet sur le tapis. Pour elles le thème est souvent très brûlant pour des raisons familiales.

Les entreprises tirent-elles des avantages à permettre le travail à temps partiel ?
Je ne connais aucune entreprise qui n’ait pas de collaborateur ou collaboratrice à temps partiel. Bien entendu qu’elles en profitent aussi. Elles renâclent parfois pour certains groupes professionnels ou parce que cela impose plus de travail administratif. De plus, les taux de travail très réduits sont souvent problématiques. Avec des taux autour de 80 %, il n’y a en règle générale que peu de différence avec du temps plein; les entreprises profitent alors clairement car elles ont à payer un salaire réduit pour des prestations presque identiques.

Au SEV tu es responsable des ETC, les entreprises de transport concessionnaires. Le travail à temps partiel y est-il encouragé ou à tout le moins possible?
A vrai dire, on devrait donner plus d’importance à ce thème et, comme c’est aussi en partie le cas aux CFF, on y rencontre beaucoup de maladresses. Le temps partiel est avant tout refusé aux femmes qui voudraient reprendre le travail à un taux fortement réduit après une pause bébé. On néglige souvent de voir que le taux réduit n’est demandé que pour une période limitée et qu’une absence de longue durée peut conduire à une perte de savoir-faire. Je souhaiterais clairement plus de flexibilité dans ces cas. Au BLS par exemple, nous avons eu récemment le cas, dans un métier exercé normalement par des hommes, d’une spécialiste pour qui la reprise du travail avec un taux d’activité réduit a été rendue si difficile qu’elle a démissionné. C’est clairement du gâchis !

Que fait le SEV pour promouvoir le travail à temps partiel dans les ETC ?
Ce qu’il fait toujours pour améliorer les conditions de travail: négocier, consolider par des conventions, dans des cas particuliers aider à faire appliquer le droit.

En tant qu’employeur, le SEV promeut-il lui-même le travail à temps partiel ?
Quand j’ai commencé à travailler au SEV en 2001, il n’y avait à ma connaissance qu’un secrétaire syndical qui travaillait à temps partiel. Il y en a aujourd’hui au moins cinq qui travaillent à 80 %. Il y a toujours eu assez peu de femmes qui travaillent à 100 % et c’est resté ainsi.

Le travail à temps partiel au SEV provoque-t-il des problèmes ?
Cela ne provoque guère de difficultés, peut-être ici ou là le besoin d’un peu plus de coordination pour organiser des séances.

Toi-même tu travailles à temps partiel: pourquoi ?
J’ai toujours travaillé à temps partiel et pas seulement parce que mon mari et moi avons longtemps habité à 800 km l’un de l’autre mais aussi parce que j’aime avoir du temps pour faire autre chose. C’est toujours le cas aujourd’hui. C’est très clair pour moi que je dois faire attention, en tant que vice-présidente, à ce que mon travail à 80% ne devienne pas simplement un plein temps à bon marché. Mais la liberté de m’en aller simplement de temps à autre à midi lorsque je n’ai pas de rendez-vous ou de séance m’est des plus précieuses.

Markus Fischer (travaille à 80 %)

Temps partiel chez TILO et les tpg

Chez TILO, le temps partiel fonctionne très bien

Au sein de TILO (Ticino-Lombardia), le temps partiel est une réalité depuis le 1er juin 2012. La CCT prévoit ceci: «L’entreprise promeut le temps partiel à tous les niveaux afin de favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie privée; cela doit être compatible avec les possibilités de l’entreprise.» Le temps partiel est une victoire syndicale et reflète la volonté des mécaniciens qui avaient mis sur la table des négociations CCT la conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Pour une jeune entreprise en pleine croissance comme TILO, il s’agit sans aucun doute d’un aspect très positif; avec cette option – qui se doit d’être gagnant-gagnant – TILO montre qu’elle a su s’adapter aux changements sociétaux. Lucio Campesi travaille depuis plusieurs années comme mécanicien au sein de TILO et il est président de la Commission du personnel. Il a décidé de travailler à 90%. D’autres collègues ont choisi un pensum de 80 % parce qu’ils ont des enfants. «J’ai choisi de travailler à temps partiel – raconte Lucio – pour avoir plus de temps pour moi, pour faire du sport, voyager et passer du temps avec mes amis et ma famille. Lorsqu’on effectue des tours de service, il est plus difficile de réussir à voir d’autres personnes, parce que souvent quand les autres travailles, toi tu as congé et vice-versa.» D’autres collègues de Lucio qui ont baissé leur temps de travail l’ont fait d’une part pour les mêmes raisons, d’autre part parce que le job de mécanicien est devenu plus «dur». Des tours de service toujours plus lourds (plus de temps de concentration), des horaires plus extrêmes (les tours du matin débutent toujours plus tôt et ceux du soir finissent toujours plus tard) et des écarts entre les tours toujours plus courts. En réduisant le temps de travail, les collègues se sont protégés pour éviter d’être toujours (trop) fatigués. «Je suis heureux – confirme Lucio – d’avoir fait ce choix il y a quelques années. J’ai plus de temps libre et mon travail en a bénéficié aussi vu que je suis plus reposé et serein. Tout fonctionne bien pour la planification, tant pour l’employé-e à temps partiel que pour l’entreprise.» Le temps partiel est en effet positif quand il est librement choisi par l’employé-e. Pour les entreprises, les mesures de soutien aux familles ne sont avantageuses que dans un rapport gagnant-gagnant. Selon les chiffres de diverses entreprises et organisations au niveau national, il peut être démontré que les effets positifs directs d’une politique du personnel soutenant les familles dépassent les coûts engendrés. Ce modèle de calcul estime le retour sur investissement à 8%.

Françoise Gehring, travaille à 80%

Le temps partiel aux tpg: «Avant, c’était plus humain»

Quand on demande à Marie (nom d'emprunt), conductrice de bus à temps partiel aux tpg, ce qu’elle pense de la situation du temps partiel dans l’entreprise, elle répond: «C’est une véritable catastrophe. Nous avons de gros problèmes avec la hiérarchie. Un supérieur a tout à coup décidé que tout le monde devait être traité de la même manière, que l’on ait des enfants ou non. Les aménagements d’horaires qui permettaient d’organiser la vie à la maison et les horaires irréguliers ont été bannis. Avant, c’était plus humain. L’ancienne direction avait plus de respect pour les temps partiels et il y en avait d’ailleurs beaucoup plus. Maintenant il n’y a plus de discussion possible.»
«Certains ne supportaient plus les conditions de temps partiels: on est servi en dernier en matière d’horaires, on est contraint de prendre ‹ce qui reste›. Ils sont donc passés à 100% pour éviter ces désagréments. D’autres se sont mis à temps partiel car ils ne peuvent plus supporter le rythme à 100%.» Cette dernière solution est d’ailleurs prônée par l’entreprise, confrontée à un absentéisme toujours plus important (voir article 14% d’absentéisme: les tpg jouent à l’autruche). On met les gens à temps partiel pour qu’ils soient en meilleure forme... !
Marie explique également que «l’entreprise pense que les personnes à temps partiel sont moins fatiguées, puisqu’elles travaillent moins et qu’elles peuvent donc s’adapter à des horaires plus difficiles».
Du côté de la section SEV tpg, on estime que le temps partiel préconisé par la direction est une mesure injuste et totalement irresponsable. Le soulagement pour les employés doit venir d’une amélioration des horaires et des temps de battements aux terminus, pas d’une diminution du taux de travail (qui entraîne inévitablement une diminution de salaire). Quant à l’entreprise, elle estime encourager le temps partiel. Isabel Pereira, attachée de presse aux tpg, explique: «Globalement, les tpg sont favorables au temps partiel qui peut permettre de concilier vie professionnelle et vie privée avec encore plus d’harmonie. Il est possible dans tous les secteurs.
Une réflexion est en cours au sein de l’Exploitation-Conduite afin de trouver des solutions visant à favoriser cette mesure, tout en garantissant les besoins de l’organisation dans la durée.»
Aux tpg, il y a actuellement 101 personnes à temps partiel sur un total de 1748 employés.

Henriette Schaffter (travaille à 60 %)