Un éventuel doublement du Gothard pourrait compromettre le transfert de la route au rail

Gothard: transfert sur le rail au lieu d’un 2e tube

La bataille sur le doublement du tunnel autoroutier du Gothard a commencé. Le peuple ne se prononcera que le 28 février prochain. La conseillère fédérale Doris Leuthard, partisane de ce 2e tube, a insisté surla nécessité de maintenir une liaison routière. Un groupe indépendant d’ingénieurs et de spécialistesa montré par une étude la pertinence d’une alternative par le rail. Elle donnerait une impulsion décisive au transfert de la route au rail du trafic poids lourds, améliorant de fait la sécurité routière.

La capacité sur rail est plus efficiente pour relier le sud et le nord des Alpes même pendant l’assainissement du tunnel autoroutier.

La crédibilité des membres de ce groupe ne se discute pas, vu qu’ils sont tous des ingénieurs spécialisés du domaine au bénéfice de nombreuses années d’expérience. On trouve parmi eux l’émérite professeur de l’EPFZ Jost Wichser, qui avait contribué à la réalisation du transfert vers le rail au tunnel de la Vereina. Mais aussi Ruedi Sturzenegger, ex-directeur Exploitation CFF. Leurs conclusions sont extrêmement claires: le rail a la capacité suffisante pour absorber tout le trafic durant l’assainissement et la fermeture du tunnel autoroutier.

Près de 2 milliards d’économies

Ce scénario permettrait d’économiser 1,8 milliard de francs et de terminer les travaux neuf ans avant. Ces conclusions ont été présentées en conférence de presse le 3 septembre à Berne (cf. contact.sev 15/15) et sont illustrées sur le site www.sanierenohneverlieren.ch (assainir sans pertes).

Actuellement, le trafic moyen au Gothard est de 15200 voitures par jour et de 23600 lors des jours de pointe. Après 2020, avec les tunnels de base du Gothard et du Ceneri et un train toutes les 30 minutes, ces chiffres baisseront car les trains seront non seulement plus nombreux, mais aussi plus fréquents (¾d’heure de moins entre Zurich et Lugano).

L’exemple du Lötschberg

On a déjà un exemple de ce qui est possible entre le canton de Berne et le Valais avec le Lötschberg. Pour absorber ce trafic, il y aura l’actuel tunnel ferroviaire du Gothard où ne circulera plus qu’un seul train par heure dans chaque direction dès l’ouverture du tunnel de base. Une offre de ferroutage comme au Lötschberg ou à la Vereina permettrait le transit d’un maximum de 31000 autos par jour, grâce à des trains pouvant transporter 100 voitures à une cadence de 7,5 minutes. En dehors des heures de pointe, prévaudrait la fréquence au quart d’heure. La capacité horaire serait donc la même qu’aujourd’hui sur la route. Les voitures seraient transportées gratuitement. Cela nécessiterait huit compositions qui pourraient être utilisées par exemple sur l’axe Lötschberg– Simplon après l’assainissement du Gothard, vu que les trains de l’axe berno-valaisan devront être remplacés ces prochaines années.

Deux chaussées roulantespour le trafic poids lourds

En 2014, il y a eu 1,033 million de poids lourds en transit sur la route, dont 800000 sur l’axe du Gothard.

Avec le nouveau tunnel de base, deux trains voyageurs et huit trains marchandises peuvent circuler chaque heure et dans chaque direction.

Les premières années, la demande ne devrait pas dépasser 3 à 5 trains/heure et par direction, laissant ainsi de la place pour la proposition du groupe d’experts prévoyant une chaussée roulante courte avec deux trains par heure et par direction pouvant transporter jusqu’à 30 camions chacun. Cette chaussée roulante courte entre les deux portails du tunnel de base devrait principalement être utile au trafic interne. Le prix du transport devrait être fixé de sorte à correspondre à l’économie que réalisent les camions qui n’utiliseraient pas le tronçon autoroutier de montagne.

Pour le trafic de transit, la proposition prévoit une chaussée roulante longue avec un train par heure et par direction entre Bâle et la région de Chiasso, rendue possible par le corridor 4 mètres sur l’axe du Gothard. Cette chaussée roulante longue pourra être opérationnelle même après l’assainissement du tunnel autoroutier du Gothard et ses coûts peuvent être couverts par les subsides de la Confédération en faveur du trafic combiné.

Avec cette offre mise en place 17heures chaque jour ouvré, il serait possible de transporter jusqu’à 3300 camions par jour. Le samedi, il y aurait au moins un train par heure sur la chaussée roulante courte. Soit un total de 818040 camions par année.

Un 2e tube bien trop cher

L’alternative présentée par le groupe d’experts ne coûterait que 1 milliard, soit près de 2milliards de moins (1,8 mia) pour l’assainissement avec un 2e tube autoroutier au Gothard. L’examen des coûts est basé sur une étude de la Confédération datant de 2011, qui part du principe que les wagons pour le ferroutage peuvent être utilisés aussi après l’assainissement. Les CFF disposent aussi d’un nombre conséquent de locomotives qui pourraient être utilisées dans ce but et qui seraient sinon retirées de la circulation entre 2020 et 2025.

L’alternative ferroviaire permettrait de terminer les travaux d’assainissement dix ans avant et de renoncer à l’assainissement d’urgence qui coûte tout de même 115 millions de francs et qui engendrerait la fermeture totale du tunnel durant 150 jours avant l’assainissement global. Avec pour conséquence des déviations par le San Bernardino et le col du Saint-Gothard.

L’étude se penche aussi sur la sécurité routière dont les partisans du 2e tube ont fait leur argument principal. Les experts estiment que dans 10 à 15 ans, les conditions de sécurité seront passablement différentes dans un tunnel bidirectionnel: la technologie d’assistance au maintien de la trajectoire, au respect des distances entre les véhicules seront généralisées. Le législateur aura donc tout loisir pour interdire l’accès au tunnel aux véhicules non munis de ces technologies.

Le second tube ne permettrait d’améliorer la sécurité que si le dosage actuel est maintenu. Sans celui-ci, le nombre de véhicules circulant à l’intérieur du tunnel augmenterait.

En cas de travaux d’entretien ou d’incidents, le recours provisoire à un tube bidirectionnel comporterait des risques car la situation serait, contrairement à aujourd’hui, inattendue.

L’étude n’est pas passée inaperçue

La présentation de l’étude a suscité un vif intérêt en Suisse, notamment en raison de la crédibilité des experts. Même la «NZZ», qui ne peut certainement pas être taxée d’être rose-vert, y a consacré de larges espaces rédactionnels, la qualifiant d’alternative «valable». L’idée est aussi reprise par des opposants au doublement qui en ont fait un petit film disponible sur la toile (à consulter sur les liens ci-dessous). Le film met en outre l’accent sur le fait que la sécurité serait même meilleure sans 2e tube car l’assainissement du tunnel serait réalisé plus rapidement. Le tunnel assaini disposerait de glissières de sécurité centrales dix ans avant la réalisation d’un 2e tube.

Pietro Gianolli/vbo

Commentaire

Les limites de capacité de la route du Gothard

L’un des aspects les plus controversés du projet de 2etube autoroutier au Gothard concerne les limites de capacité posées par la Constitution fédérale. Elle stipule à son article 84.3: «La capacité des routes de transit des régions alpines ne peut être augmentée.»

Afin de respecter cet article introduit en 1994 après le oui du peuple à l’Initiative des Alpes, le projet prévoit de n’utiliser qu’une seule voie au sein de chacun des deux tubes, la seconde devant servir de voie d’urgence.

On pourrait discuter si, même par ce biais, la Constitution fédérale est respectée, vu que les voies d’urgence offrent une meilleure fluidité. Mais le plus grand danger est ailleurs: l’obligation constitutionnelle pourrait être abolie par le même moyen par lequel il a été introduit, l’initiative populaire.

Cela ne manquerait pas d’incohérence puisque l’initiative populaire serait favorisée par des circonstances volontairement introduites par des autorités qui ont toujours été réticentes à protéger l’arc alpin des conséquences du trafic de transit et rétives au transfert de la route au rail.

Il est pour le moins étrange qu’il ne se trouve plus un seul député fédéral ayant plébiscité «Avanti» et le doublement du Gothard en 2004 pour présenter l’idée de l’initiative. Manifestement, il semble préférable de reposer la question après avoir mis la population devant le fait accompli et après avoir dépensé l’argent des contribuables.

A ce moment-là, la question sera: «Etes-vous à ce point cohérent-e-s (obstiné-e-s) pour ne pas vouloir utiliser les structures qu’on vous a pourtant mises à disposition?» Le tout dans un contexte de mise en évidence quotidienne et dramatique de bouchons aux portails du tunnel. Comme ce fut le cas déjà l’été dernier.

Il n’est donc guère difficile d’imaginer la fin de l’histoire, malgré les tentatives de rassurer du gouvernement, qui ne convainquent même plus dans les rangs de Doris Leuthard. Après le maire de Mendrisio, le PDC d’Uri, plus grand parti du canton, a rejeté à une large majorité des deux tiers l’hypothèse d’un 2e tube.

Le SEV invite à en faire de même.

Pietro Gianolli/vbo

Pour en savoir plus:

Le SEV se positionne clairement contre le 2e tube autoroutier au Gothard aux côtés de diverses associations. Ceux qui le désirent peuvent approfondir leurs connaissances par le biais des médias mais aussi sur les liens ci-dessous, également sources des articles de ce dossier. Outre le nôtre, www.sev-online.ch www.sud-nord.ch www.2tunnel-non.ch www.iniziativa-delle-alpi.ch www.sanierenohneverlieren.ch (seulement en allemand) www.railvalley.org (allemand et italien) www.ate.ch

Le SEV reviendra ponctuellement sur la votation du 28février prochain.SEV

La Suisse a déjà investi énormément dans la nouvelle liaison ferroviaire à travers les Alpes et doit en profiter au mieux (ici la bretelle au sud de Biasca).

Gothard de luxe

Une étude récente de l’association Railvalley a comparé les travaux d’assainissement actuellement en cours dans le tunnel de l’Arlberg et ceux prévus au Gothard.

Les deux tunnels sont très semblables: entrées en fonction respectivement en 1979et 1980, d’une longueur de 15,5km et de 16,9km, ils sont les deux bidirectionnels et les deux doivent être assainis.

Procédures et coûts différents

Les différences entre les deux projets d’assainissements sont énormes, à tel point que les coûts prévus pour l’Arlberg ne sont «que» de 160 millions de francs contre les 750 millions pour le tunnel autoroutier du Gothard (auxquels il faut ajouter les quelque 2 milliards pour la construction du2etube). Selon Railvalley, cette différence provient du fait qu’en Autriche on s’en tient à l’assainissement des infrastructures jugées adaptées et correspondant aux standards légaux prévus pour les tunnels existants.

Au Gothard, on applique les directives prévues pour les nouveaux tunnels. En particulier, le projet d’assainissement du Gothard prévoit d’augmenter la hauteur du tunnel de 4,5 à 4,8 mètres. En outre, les pentes latérales passeraient de 2 à 2,5%, augmentant ainsi la dénivellation entre le centre et les côtés de 4cm en refaisant la chaussée. Enfin, les bas-côtés seraient élargis de 70cm à 1mètre. Le président de Railvalley, Peter Krebser, précise que la hauteur actuelle de 4,5 mètres n’a jamais posé de problèmes et que les 30centimètres supplémentaires n’apporteraient pas d’améliorations notoires sur le plan de la ventilation, ni ne permettraient de respecter les normes des nouveaux tunnels (5,2 mètres de hauteur). La pente de 2,5% permet d’améliorer l’évacuation des eaux en cas de précipitations abondantes pourtant absentes des tunnels. Le rapport du Conseil fédéral n’apporte aucune explication à l’élargissement des bas-côtés.

Si le tunnel du Gothard était assaini selon les mêmes critères que celui de l’Arlberg, la très grande majorité des travaux pourrait se dérouler la nuit en laissant une voie ouverte au trafic et en alternant le transit avec des délais d’attente maximaux de 30 minutes et avec un budget de 250 millions de francs. Ainsi, on éviterait tous les inconvénients d’une fermeture prolongée du tunnel (ndlr: il est possible qu’ainsi tous les arguments principaux en faveur du 2e tube tombent à l’eau).

Doublement du Gothard et transfert de la route au rail

Le dernier paragraphe de l’étude est aussi significatif. Le voici in extenso: «L’Autriche, comme la Suisse, est le seul pays européen qui s’engage activement pour une politique de transfert de la route au rail. L’Autriche, avec l’Italie et grâce aux financements européens, est en train de construire le tunnel ferroviaire de base du Brenner d’une longueur de 55km. Les travaux qui ont débuté en 2007 se déroulent comme prévu et devraient être terminés à l’horizon 2025. L’Autriche, pays alpin comme la Suisse, est très intéressée et investit énormément dans le transfert de la route au rail. Au sein de la majorité des pays européens, où les larges plaines prédominent et où il est moins problématique de réaliser des autoroutes, le transfert de la route au rail n’a jamais suscité l’enthousiasme.

La votation du peuple suisse sur le doublement du tunnel routier du Gothard sera assurément suivie de près même hors des frontières helvétiques. Grâce à la comparaison avec l’assainissement de l’Arlberg, il apparaît clairement que la réalisation d’un second tube n’est pas due à des exigences techniques.

En adoptant l’Initiative des Alpes, la Suisse s’est dotée d’une stratégie très claire: les investissements routiers doivent améliorer le trafic interne suisse, tandis que pour le trafic de transit nord–sud (voyageurs et marchandises) on vise et on investit dans le rail, en rendant obligatoire le transfert de la route au rail des marchandises.

Une décision du peuple suisse favorable au doublement du Gothard, quelques mois à peine avant l’ouverture d’Alptransit, serait considérée comme l’échec complet de la politique de transfert.

Les conséquences sur le plan européen ne se feraient pas attendre. Il est difficilement imaginable qu’il y ait de nouveaux crédits pour le transfert modal. Les nouvelles liaisons alpines d’Alptransit et du Brenner resteraient des projets incomplets et inefficients. Le trafic routier continuerait d’augmenter en Europe, avec des conséquences facilement imaginables pour les autoroutes suisses et tessinoises.»

Gi/vbo

Commentaires

  • Hubert Sieber

    Hubert Sieber 03/01/2016 00:51:33

    Ein absoluter Skandal durch den SBB Verwaltungsrat die 2. Gotthardröhre zu befürworten! In der Online-Ausgabe des Sonntagblick Ist der VR Präsident in "Siegerposition" im Bahnhof Bern zu sehen. Ich finde dies als enorme Frechheit und Arroganz gegenüber dem aktiven SBB Personal und den Pensionierten, als schallende Ohrfeige zu verstehen.
    Da kommt wieder sehr grosse Motivation auf für das aktive Personal! (Ironie Ende)
    Ulrich Gigi sollte umgehend und ohne Entschädigung den Sessel räumen und verklagt werden wegen Geschäftsschädigung, so geht es einfach nicht!
    Vermutlich bin ich nicht der Einzige der stinksauer ist.