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Entretien avec un syndicaliste vaudois ayant négocié le nouveau système salarial de l’Etat de Vaud

« Nous avons pu obtenir des améliorations du système »

Les CFF nous ont présenté le projet Toco, système salarial réalisé par GFO, qui a déjà travaillé pour plusieurs services publics et qui était déjà à l’origine de SALSA, projet abandonné il y a quelques années. Les fonctionnaires vaudois, soumis à un système salarial du même genre, ont réagi et se sont mobilisés en masse en 2008- 2009. Ce qui leur a permis d’obtenir quelques aménagements en leur faveur.

Julien Eggenberger devant le bureau dédié aux recours DECFO-SYSREM.

contact.sev: Julien Eggenberger, vous avez vécu la lutte vaudoise contre le système salarial intitulé DECFO-SYSREM. Quelles sont les principales leçons à en tirer ?

Julien Eggenberger : Premièrement, on peut affirmer que la mobilisation des employés a payé. On a obtenu des retours en arrière de la part du Conseil d’Etat, en faveur des fonctionnaires vaudois. Par contre, actuellement, on se rend compte que ce système est encore pire que ce qu’on pensait...

Bio

Julien Eggenberger a 30 ans et il est professeur dans un collègue de la région lausannoise. Il est président de la section Vaud-Etat du SSP (Syndicat des services publics) et a participé aux discussions liées à l’introduction d’un nouveau système salarial, DECFO-SYSREM, mis en place par l’Etat de Vaud. Ce système a été élaboré par les consultants de GFO, également à l’origine de Toco, le système salarial prévu pour les employés CFF. Cette introduction dans le canton de Vaud ne s’est pas faite sans réaction de la part des syndicats, puisqu’une importante mobilisation, par des manifestations et des grèves, a permis d’obtenir plusieurs succès.

C’est-à-dire ?

Les conditions statutaires des collaborateurs dans l’administration ont été individualisées et chacun est donc plus vulnérable. Les assistants sociaux par exemple ont un intitulé de fonction différent selon l’endroit où ils travaillent. Ils ont été scindés en plusieurs groupes car la logique de ce système n’est pas fondée sur les métiers. Cela rend les collaborateurs moins mobilisables car le système a cassé les éléments qui caractérisaient une profession. Autre exemple : quelqu’un qui est engagé aujourd’hui comme employé de commerce ne peut pas savoir combien il va gagner. Le système est moins transparent. Ce qui est défavorable aux femmes, qui sont souvent prétéritées par ce genre de système.

Le système est très flexible.

Exactement ! Tous sont logés à une autre enseigne, ce qui empêche la mobilisation des troupes.

A court terme, les effets ne sont pas flagrants, puisque les gens sont restés à leur poste, avec une garantie des acquis ou une augmentation de salaire. C’est à long terme que les effets vont se faire ressentir. Les engagements vont se faire à moins bon niveau et on ne maîtrisera pas les critères, puisque ceux-ci sont opaques.

De nombreux employés font recours, n’est-ce pas ?

Oui, effectivement. Il y a énormément de dossiers de recours depuis l’introduction de ce système. Nous avons maintenant obtenu la mise en place d’une commission de réévaluation des fonctions, qui débutera son travail en janvier 2011. Nous n’avions pas du tout pu négocier la classification des fonctions (DECFO). C’est uniquement la partie SYSREM (nouvelles grilles salariales) qui avait pu plus ou moins être discutée.

Que reprochiez-vous exactement au système ?

Son opacité, son illisibilité et le fait qu’il valorise surtout les critères « managériaux » au détriment de la formation et de la composante « métier ». On ne nous a pas transmis les critères. Nous recevions le total des points par fonction mais jamais le détail. Le système comporte 18 niveaux de salaire. Les instituteurs et les fonctions de type HES dans le secteur de la santé étaient très proches auparavant et dans ce système, ils se retrouvaient à deux niveaux différents.

Pourquoi ? On n’en savait rien, mais on a découvert par la suite que c’était parce qu’on estimait que les infirmiers n’avaient pas autant d’autonomie de décision que les instituteurs. Ce que nous contestons. Ces explications faisaient défaut pour beaucoup de fonctions.

Comment avez-vous réussi à mobiliser les employés ?

Nous avons organisé des dizaines et des dizaines d’assemblées pour mobiliser les gens. Il faut dire qu’ils étaient déjà fâchés à la base, par des années de plans d’économies et de restructurations. Nous avons mis en place un forum internet qui listait tous les événements qui avaient lieu partout dans le canton. Ce qui a fait effet « boule de neige ». Et il faut dire qu’à chaque mobilisation, on a obtenu quelque chose !

Qu’avez-vous obtenu exactement ?

Le canton a mis 80 millions pour le transfert au lieu des 20 millions prévus. Dans les secteurs les mieux mobilisés, on a obtenu un repositionnement des fonctions et des promotions presque automatiques après un certain nombre d’années de pratique.

Nous avons obtenu un règlement sur la manière dont on reconnaît l’expérience et une commission de recours indépendante. La durée de progression, prévue d’abord sur 30 ans (avec l’ancien système : 20 ans) a été ramenée à 26 ans. Le salaire minimum a été augmenté et le recours est gratuit.

Les employés gagnent davantage en début de carrière et davantage en fin de carrière, par rapport au système précédent. Où est le problème ?

La progression se fait plus lentement. On a beau avoir plus au départ et à l’arrivée, sur toute la carrière, on a souvent 10 % de moins ! Cela pénalise d’autant plus les femmes, qui ont souvent des carrières plus courtes.

Que pouvez-vous conseiller aux employés CFF ?

Je leur conseillerais de se mobiliser. Tant qu’on continue à négocier, on peut obtenir des améliorations.

Propos recueillis par Henriette Schaffter

Commentaire

Quelle est la situation aux CFF ?

Les déclarations dans l’interview ci-contre se réfèrent aux circonstances et aux faits vaudois. L’entreprise ayant développé le système salarial pour le canton de Vaud est la même que celle qui développe Toco: GFO.

Depuis avril 2010, le SEV mène des négociations avec les CFF à ce propos. Il en est ressorti quelques problèmes : le manque de transparence et la difficulté de pouvoir comprendre le système. Les négociations afin d’avoir une systématique sont en cours. Le SEV a d’ailleurs exigé que le système soit transparent et compréhensible. Il faut surtout que l’évolution salariale soit prévisible et calculable. Le système prévu par les CFF prévoit 15 profils d’exigences en remplacement des 29 échelons de fonction actuels. Le SEV a d’ores et déjà accepté ce changement ainsi que celui qui prévoit que le nouveau système contienne des éléments liés aux prestations, ce d’autant plus que les CFF y sont contraints au niveau légal. L’introduction par contre de solutions par branche a été abandonnée, sur pression du SEV. Le nouveau système prévoit un allongement de la progression selon l’expérience (actuellement garantie sur 12 ans) et une plus grande ressemblance avec les systèmes de l’économie privée. Selon les chiffres obtenus très récemment, le niveau salarial devrait être grandement abaissé, surtout dans les fonctions les plus basses. Comme on voit, il y a encore de gros « morceaux » qui restent à négocier lors de la prochaine ronde. Une des questions importantes est celle de la valeur du travail : quelle doit être la valeur du travail réalisé jusqu’à présent dans le nouveau système salarial ? Comment se passera la progression salariale à l’avenir et combien de temps durerat- elle ? Quels sont les effets des évaluations du personnel sur la progression salariale ?

Manuel Avallone