L’initiative du salaire minimum demande des salaires justes pour un travail juste

On doit pouvoir vivre du salaire issu de son travail

Les employeurs luttent contre l’initiative du salaire minimum en utilisant le pessimisme habituel, de faux calculs et beaucoup d’argent. Mais ils n’ont pas trouvé d’arguments valables. On voit que beaucoup d’employeurs ont peur pour leurs bénéfices. Mais le salaire minimum est possible. Et nécessaire.

Depuis six mois, l’opinion des employeurs s’exhibe un peu partout: affiches, annonces et articles dans les journaux, qui leur permettent de dire oh combien ils sont contre l’initiative du salaire minimum. Mais leurs arguments ont un air de déjà-vu: ce sont les mêmes qui reviennent à chaque fois que les syndicats demandent davantage de justice sociale. On menace de pertes d’emplois, de départs d’entreprises, de baisse des salaires. Avec bien sûr la liberté économique qui en pâtirait.

4000 francs, c’est possible

Citons ici quelques extraits d’un texte paru dans le journal « Schweizer Arbeitgeber », le journal des employeurs. Ils parlent d’emplois qui pourraient quitter le pays si l’initiative est acceptée. Mais les emplois concernés par les bas salaires sont dans le commerce de détail, l’hôtellerie-restauration, le nettoyage, les centres d’appels et l’agriculture: des postes peu exportables. Au Tessin, un quart des employés sont concernés, tandis que dans le Nord-Ouest de la Suisse seul un douzième est concerné. Cela montre bien que le salaire minimum renforce l’économie et ne l’affaiblit pas. Les employeurs citent la statistique comme quoi la moitié de ceux qui ont des bas salaires sont dans la même entreprise depuis moins de trois ans. C’est clair: on quitte un emploi pareil aussi vite que possible! Les employeurs malins savent bien eux que des employés payés dignement et justement sont de bons employés qui restent fidèles. Il y a des employeurs qui ont introduit un salaire minimum de 4000 francs depuis longtemps dans leur entreprise et s’en sortent bien.

Et les remontées mécaniques ?

Le journal parle également de l’industrie MEM et affirme que les syndicats bafouent la CCT signée en mai 2013, mais ils oublient que l’initiative a été déposée avant. La CCT MEM remplit les conditions de l’initiative, sauf au Tessin et dans le Jura où les salaires sont en dessous de 2,6 % (21.45 fr./heure). Durant la campagne, Aldi, Lidl et H&M ont augmenté leurs salaires minimaux à 4 000 fr.
Dans la branche des transports, ce salaire est possible, mais n’est pas encore réalité partout, comme le montre bien le récent cas de Crossrail (page 20 de ce numéro) et ce qui se pratique dans les remontées mécaniques. C’est pourquoi les membres SEV et tous les employés des transports publics devraient glisser un oui dans l’urne le 18 mai, en signe de solidarité avec leurs collègues.
L’initiative veut que la Confédération et les cantons protègent les salaires de toutes régions géographiques, de toutes catégories professionnelles et toutes branches confondues. L’objectif est de conclure des CCT mais où il n’y en a pas, le salaire minimum entre en scène. La Suisse ne peut pas avoir des salaires à plein temps en dessous de 4 000 fr. On ne devrait pas avoir de « working poor » dans notre pays.
Un juge actif comme représentant des salariés dans un tribunal du travail explique: « Si nous avons une CCT avec un salaire minimum inscrit, c’est bien plus simple pour nous au tribunal: nous pouvons dire à l’employeur, qui n’a parfois qu’un ou deux employés ou n’engage que temporairement, qu’il est hors la loi. C’est pourquoi je suis clairement pour un salaire minimum ! »
 Peter Anliker/Hes

Quatre bonnes raisons d’avoir un salaire minimum

  1. Le salaire minimum est juste. Quiconque travaille à plein temps doit aussi pouvoir vivre pleinement sa vie. Ceci devrait aller de soi. Or les bas salaires contredisent ce principe. Une famille a de la peine à se nourrir avec un revenu inférieur à 4000 fr. et son budget devient vite serré en cas de dépenses extraordinaires. En Suisse, nombreuses sont les femmes qui gagnent moins de 22 fr./heure. Le salaire minimum permettrait donc d’avancer en direction de l’égalité salariale. Il représente en outre un bon moyen de lutter contre la concurrence déloyale entre les entreprises qui profitent de la sous-enchère salariale pour se créer des avantages sur le marché.
  2. Le salaire minimum, gage d’une meilleure répartition. L’économie suisse affiche une forte croissance ces dernières années. La productivité a elle aussi augmenté. Or de nombreux employés n’en ont guère profité. Entre 2002 et 2010, le salaire moyen n’a augmenté que de 3,5 %. Durant la même période, les salaires des cadres supérieurs ont augmenté de 14 % et les actionnaires ont empoché d’importants dividendes. Or les propriétaires des magasins de vêtements et de chaussures tels que Stefan Persson (H&M) ou Amancio Ortega (Zara), qui paient à leurs employé·e·s de bas salaires dans leurs filiales suisses, possèdent eux-mêmes des fortunes chiffrées en milliards. Grâce au salaire minimum, celles et ceux qui triment à l’autre bout de l’échelle toucheraient un peu plus que maintenant.
  3. Le salaire minimum allègerait les charges de l’Etat. Les bas salaires relèguent de nombreuses personnes à l’aide sociale et les pouvoirs publics doivent compléter des salaires trop bas.
    Le salaire minimum freine cette évolution malsaine. Il garantit des salaires qui assurent le minimum vital et décharge l’aide sociale. Une nouvelle étude montre que l’aide sociale économiserait ainsi 100 millions de francs par année. Par ailleurs, la masse salariale augmentée ferait encaisser 300 millions de francs en plus aux assurances sociales. Et les recettes fiscales augmenteraient de 173 millions.
  4. Le salaire minimum relance l’économie. Des salaires légèrement plus élevés améliorent le pouvoir d’achat des salariés. Cela augmenterait la demande en biens de consommation, influencerait positivement la conjoncture et créerait de nouveaux emplois.