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Solidarité

Quand les chausseurs puent l’exploitation

Les chaussures sont considérées depuis longtemps comme un accessoire de mode – et de plus en plus, comme un produit jetable. On les achète à prix cassé dans les grandes surfaces et on ne les fait pratiquement plus réparer. Public Eye appelle à manifester le 6 mai pour des chaussures éthiques.

En 2015, plus de 23 milliards de paires de chaussures ont été confectionnées à travers le monde, soit plus de trois paires par personne. En Suisse, nous achetons en moyenne plus de six paires par an. Et nous ne les faisons presque jamais réparer. Le modèle de la « mode éphémère » s’étend désormais aussi à l’industrie de la chaussure: on préfère jeter une paire usagée et en racheter une nouvelle, souvent à prix cassé. Ces habitudes de consommation ont de lourdes conséquences sociales et écologiques.

Des salaires de misère

Dans l’industrie de la chaussure, les salaires de misère sont une réalité partout dans le monde. Pour les grandes marques, peu importe où sont fabriquées leurs chaussures, tant que les délais de livraison sont courts et les coûts de production faibles. Elles n’hésitent pas à faire appel à de nombreux sous-traitants qui échappent à tout contrôle. Plus on descend dans la chaîne d’approvisionnement, plus les salaires sont bas et plus les conditions de travail sont mauvaises. Dans presque tous les pays de production, l’industrie de la chaussure est l’un des secteurs où le salaire minimum est le plus bas. Les salaires effectivement versés sont souvent encore plus misérables. Le revenu des ouvriers et ouvrières reste très éloigné du niveau d’un salaire vital, permettant de couvrir les besoins de base et de vivre dans la dignité.

Les risques sanitaires

Dans les usines où sont produits le cuir et les chaussures, le personnel est quotidiennement exposé à des produits chimiques dangereux. Les colles et les produits de nettoyage peuvent provoquer des intoxications, des troubles respiratoires et de l’asthme. Les lourdes charges, les tâches répétitives et le maniement de grosses machines augmentent les risques d’accident. Pourtant, les ouvriers et ouvrières sont peu ou pas du tout formés sur les dangers que comporte leur travail. Les équipements de protection sont rarement mis à disposition. De nombreuses travailleuses expliquent aussi qu’en portant un masque ou des gants, elles ne seraient pas en mesure de faire leur travail assez rapidement pour atteindre les objectifs de production de la journée.

En matière de transparence, le secteur de la chaussure n’en est qu’à ses premiers pas. Les chaînes d’approvisionnement sont complexes, opaques et instables, de nombreuses étapes sont assurées par des sous-traitants et les données officielles sur le secteur sont très lacunaires. Trop souvent, les marques ne savent pas elles-mêmes où, ni comment, les différentes parties de leurs chaussures sont produites et cousues. Afin que la situation puisse s’améliorer, il faut rétablir un lien entre les conditions de production et les marques. Pour faire valoir leurs droits, les ouvriers et ouvrières doivent savoir pour quelles marques leur usine travaille. Les consommateurs et consommatrices ont également le droit de savoir où et dans quelles conditions leurs chaussures ont été fabriquées, pour être en mesure de choisir en connaissance de cause.

Sur les traces de nos chaussures

Où sont fabriquées nos chaussures? Par qui et dans quelles conditions ? Pour le savoir, nous sommes partis à la rencontre des vraies victimes de la mode, celles qui travaillent pour des salaires de misère, au péril de leur santé. Public Eye est allé à la rencontre des victimes de ce système lucratif, mais injuste. En Albanie, une ouvrière touche 150 francs par mois pour fabriquer des chaussures, soit moins d’un quart de la somme nécessaire pour subvenir à ses besoins de base et vivre dans la dignité. Les mauvaises conditions de travail sont également dénoncées dans la vidéo « Working for Geox in the 21th century – The case of Serbia », publiée par la section italienne de la campagne « Clean Clothes ». Intimidations, humiliations, heures supplémentaires excessives et violations du droit du travail marquent le quotidien du personnel de l’usine serbe de la célèbre marque Geox.

Avec le « Shoe Creator », qui propose aux internautes de créer les chaussures de leurs rêves à partir de quatre modèles et de nombreux accessoires, Public Eye entend dénoncer une industrie à côté de ses pompes et sensibiliser les jeunes. Au terme de ce concours, le design gagnant sera produit sur mesure pour son créateur ou sa créatrice. A son échelle, chacune et chacun peut agir au quotidien, en prenant soin de ses chaussures, en les faisant réparer et en posant des questions sur leur véritable origine afin que les fabricants comprennent enfin que l’équité est un critère important à ne plus négliger. Communiqué Public Eye
https://www.publiceye.ch/fr/

Ce samedi 6 mai, rendez-vous à Berne pour une action de sensibilisation. L’idée: former une file d’attente pour recevoir enfin des chaussures éthiques. Nous souhaitons ainsi attirer l’attention du public sur les conditions de travail dans l’industrie de la chaussure: la file d’attente ne peut mener nulle part, puisque la plupart des marques de chaussures se préoccupent trop peu de la justice et de l’équité dans leur production.

Pour que l’action soit percutante, nous devons être nombreux et nombreuses!

Programme:

  • Rendez-vous à 13h30 sur la Kornhausplatz, à 10 minutes à pied de la gare de Berne.
  • De 14h à 15h environ: action «Pour des chaussures éthiques: la file d’attente infinie».
  • Vers 15h, apéritif convivial pour les participant-e-s.