Assemblées contre RailFit

"Aux CFF, on ne peut plus se permettre cette mollesse"

Lors des huit assemblées contre RailFit 20/30, des centaines d’employé-e-s de toute la Suisse ont manifesté leur désapprobation. Place maintenant à l’action. A noter le 22 novembre dans votre agenda. Ambiance.

Comme ici à Yverdon, des centaines de personnes ont pris part aux assemblées contre RailFit 20/30.

ll y a les mesures qui touchent tout le personnel : la volonté de faire payer paritairement les primes de risque de la CP CFF alors qu’actuellement c’est l’employeur qui s’en charge. Ce sont des centaines de francs en moins sur le salaire annuel. Le durcissement de l’accès à l’invalidité professionnelle (actuellement dès 50 ans et 10 ans de service) est l’autre dossier chaud vu que l’entreprise a résilié la convention avec la caisse de pension pour la fin de l’année. Le SEV a reçu mandat des assemblées de se battre contre ces deux mesures et d’autres assemblées intersectorielles sont d’ores et déjà prévues. Et c’est l’autre enseignement majeur de ces assemblées : le personnel veut se battre ensemble contre l’ensemble de RailFit 20/30.

En Suisse romande: "Il faut se resouder"

Tant à Genève qu’à Lausanne ou Yverdon, les assemblées ont été fréquentées par un personnel CFF qui veut recréer des liens malgré les difficultés liées à la divisionnalisation de «Il est primordial que nous nous ressoudions. L’individualisme prend le pas sur le collectif.» «Nous étions très nombreux à signer la pétition contre RailFit et la direction a augmenté le nombre de suppressions de postes qui sont passées de 900 à 1400. Les dirigeants se gavent de bonus et ils demandent des efforts au personnel! C’est simplement scandaleux.»
Voici quelques-unes des prises de positions entendues jeudi 27 octobre lors de la première des sept assemblées contre RailFit 20/30 organisées par le SEV et qui a regroupé plus de 20 personnes de divers corps de métier (vente, manœuvre, mécanicien, contrôleur, service intervention, circulation des trains et retraités).
L’ambiance était à la contestation contre les mesures prévues par la direction des CFF. Refus catégorique de la péjoration des conditions de travail – liées notamment à la hausse de la productivité due aux suppressions de postes –, refus de perdre 0,8 % du salaire pour les cotisations-risques à la Caisse de pension et refus de voir l’accès à l’invalidité professionnelle être péjoré.
Autre élément central: la solidarité entre les corps de métiers doit être recréée. «J’ai entendu que vous souhaitiez une autre séance. Nous allons donc l’organiser dans quelques semaines à Genève. Et si vous souhaitez être défendus sur vos conditions de travail, prenez contact avec moi», a souligné la secrétaire syndicale du secrétariat régional genevois Valérie Solano. Entre-temps la nouvelle assemblée a été fixée au 30 novembre!
De son côté, le vice-président SEV, Manuel Avallone, a relevé que la colère de la base devra se manifester lors d’actions locales d’abord, puis devant le siège de l’entreprise ou de la Caisse de pension des CFF
fin novembre/début décembre lorsque seront discutées les mesures liées à la Caisse de pension, soit l’accès à l’invalidité professionnelle et la répartition des cotisations-risques. On sait désormais que ce sera le 22 novembre au siège des CFF à Berne.
 

La colère lausannoise
Quatre jours plus tard, c’est à Lausanne qu’une trentaine de personnes de nombreux corps de métier se sont réunies à l’Espace Dickens. «La déshumanisation touche tout le monde aux CFF», a martelé le secrétaire syndical Jean-Pierre Etique. L’incertitude liée à la disparition des emplois était palpable. «A l’intervention, on nous avait promis qu’il n’y aurait plus de réorganisation. Et maintenant, ce sont 10 postes qui giclent à Lausanne. Il ne restera plus que 4 employés.»
D’autres ont déploré la tendance dans la vente: «L’employé doit aller vers l’usager et lui apprendre à utiliser les automates. En fait, le message c’est: «Viens, je t’apprends à supprimer mon poste de travail.» Ces employé-e-s ont-ils le choix?» s’est interrogé un participant.
Comme à Genève, l’assemblée s’est opposée aux mesures prévues par RailFit 20/30. Le personnel veut se mobiliser, conscient que les attaques vont être encore plus dures, notamment contre la CCT qui arrive à échéance fin 2018. «C’est le moment d’être plus combatif» ou «On ne peut plus se permettre cette mollesse». Voici quelques propos tranchants entendus à l’Espace Dickens. Et Manuel Avallone, vice-président du SEV, de rebondir: «La mobilisation c’est un escalier qui peut nous mener à la grève, qui n’est pas un but en soi. On est en bas de l’escalier et ce soir on a commencé à gravir les marches!»
 

La peur à Yverdon
A Yverdon, Giorgio Tuti, président SEV, était présent pour écouter le sentiment de la trentaine de participant-e-s. Certains ont estimé qu’il est trop tard pour que les CFF reviennent sur les 0,8 % de cotisations-risques, que le SEV n’a pas réagi à temps. Giorgio Tuti leur a expliqué que «le match se jouera d’ici à la fin de l’année», qu’il faut se mobiliser le 22 novembre prochain: «Le résultat dépendra de notre mobilisation!» Il a précisé qu’ame-ner les CFF à la table de négociations n’était pas automatique et que le SEV avait beaucoup travaillé en coulisse pour obtenir cela. Le président a déclaré: «Notre chance, c’est de rester ensemble, de ne pas se laisser diviser.» Ce à quoi un participant a simplement rétorqué: «Ça fait depuis 2004 qu’ils essaient de nous diviser.» Une participante s’est interrogée sur la possibilité d’une grève et a expliqué avoir un peu peur de se retrouver seule à faire la grève dans son service... Giorgio Tuti lui a répondu que la grève était un parcours de construction syndicale et que ce parcours débute par le recrutement: «Il faut inclure tout le monde, c’est important d’être nombreux, ça nous rend plus forts.»
Jean-Claude Cochard, vice-président de l’Union syndicale vaudoise, était présent à Yverdon et a appelé à s’unir avec d’autres secteurs pour lutter contre les attaques des services publics. Mais pour une grande partie des employé-e-s CFF présent-e-s, le sentiment dominant semble bien être la peur: «On a peur, on n’ose pas trop la ramener» ou encore « ils donnent du travail dans d’autres pays alors qu’on a les compétences ici. On doit accepter et refaire le travail après coup car il est mal fait.» D’autres sont plus revendicatifs et estiment qu’il faut se remuer, que chacun a sa place dans le système et qu’il faut stopper les politiques. Un employé a relevé que « faire carrière aux CFF, ce n’est pas être honteux, alors que c’est ce qu’ils veulent nous faire croire ». Une question également sur l’utilité d’avoir deux représentants au CA des CFF, à laquelle Giorgio Tuti a répondu: « Ils réussissent, en écoutant les revendications du SEV, à assouplir les décisions du CA, mais ils ne peuvent effectivement pas faire changer les grandes lignes.» Au niveau politique, quelques personnes ont déploré le peu de soutien des socialistes et des Verts, qui « devraient commencer à se préoccuper des vrais problèmes de société »! Quelques idées de mesures de lutte ont été évoquées et une nouvelle séance sera agendée à Yverdon, les participant-e-s ayant montré de l’intérêt à se revoir, encore plus nombreux, et «à ne pas subir le projet RailFit».

Röstigraben syndical? Au contraire!

En Suisse alémanique, le personnel s’est demandé comment les CFF pouvaient décider une diminution de 0,8 % du salaire sans négocier avec les partenaires sociaux? «Comment peuvent-ils exiger une diminution salariale alors que nous avons renoncé aux négociations salariales entre 2017 et 2020 et renoncé à un jour de vacances de 2016 à 2018 en échange des mesures de stabilisation de la caisse de pension?», s’est énervé un employé.
Un autre s’est demandé si cela valait la peine pour l’entreprise de se mettre à dos le personnel pour 18 millions (cotisations-risques) sur les 1,2 milliard de francs d’économies prévues par RailFit: « Les CFF ont besoin de nous 24 h sur 24 et nous renonçons à nos congés au dernier moment. Nous n’avons pas mérité un tel traitement, c’est extrêmement démotivant! »
La péjoration de l’accès à l’invalidité professionnelle a été vertement critiquée. « C’est pour le moins cynique de la part d’une entreprise qui parle constamment de prévention. Avec la suppression des emplois, la charge de travail va augmenter et donc le nombre de cas de maladie.» L’invalidité professionnelle ne concerne pas que les catégories professionnelles effectuant du travail physiquement lourd, comme les employé-e-s de la manœuvre ou de la construction des voies. « Cela peut toucher tout le monde ! », a rappelé René Windlin, du service juridique du SEV.
Selon le SEV, les CFF ne peuvent décider unilatéralement de péjorer l’invalidité professionnelle, car la CCT prévoit des négociations avec le SEV. Et c’est donc le 22 novembre qu’aura lieu une séance de négociation justement entre les CFF et les syndicats.
Comme ailleurs, les participant-e-s ont mis le doigt sur le fait que les suppressions d’emploi vont trop loin et mettent en danger le bon fonctionnement de l’exploitation ferroviaire, le service à la clientèle, la sécurité et avant toute chose la santé du personnel surchargé. Un participant s’est insurgé contre le discours du CEO Andreas Meyer : « Au lieu de répéter à l’envi que le prix des billets ne peuvent plus augmenter, Andreas Meyer devrait dire clairement aux politiciens et aux client-e-s qu’on ne peut améliorer les prestations avec toujours moins de moyens ! »
Des participant-e-s exigent aussi des chiffres clairs, car de la sorte on ne peut négocier. Et de Manuel Avallone de critiquer ce flou, volontaire, entretenu par la direction, avec pour base tactique le salami.
A Berne, lundi soir, quelque 70 employé-e-s sont venu-e-s s’exprimer : « La Suisse alémanique doit se réveiller. Les Romands l’ont déjà compris. Ils faut avoir plus de courage ! » ou « La sécurité et la qualité des transports publics souffrent de la déshumanisation. La population veut des gens aux guichets, à la gare et dans le train. » On est pourtant loin de la fracture culturelle. Ces assemblées l’ont mis en évidence.

Au Tessin, même contestation

A Bellinzone le 3 novembre, l’assemblée était déterminée. « On est arrivé à un point de non-retour, avec la dévalorisation de notre travail et de ceux qui le font. » Tel est le résumé de cette soirée contre RailFit 20/30. « Comme vous vous en souvenez, nous avions enterré RailFit 20/30 et remis une pétition à la direction générale des CFF, a relevé le secrétaire syndical Angelo Stroppini. Le message était clair et pourtant le voilà ressuscité ! » On veut y voir clair. «Les chiffres sont opaques et ne correspondent pas à ce qu’on nous dit. Mais au-delà des chiffres, on est face à une attaque en règle ! », a rappelé le vice-président du SEV Manuel Avallone.
« C’est le moment de réagir !», a dit un participant. « Ils sont en train de se débarrasser de compétences de qualité », a renchéri un autre. « Mais de quel gras parlent-ils? On est tous pressés jusqu’à l’invraisemblable. Je croise en permanence des collègues qui ont quantité d’heures supplémentaires. »  Françoise Gehring/vbo
 Markus Fischer, Karin Taglang, Henriette Schaffter, Françoise Gehring, Vivian Bologna

Photos

Toutes les photos © Eric Roset pour les assemblées de Lausanne et Yverdon

Commentaires

  • Ruedi Baumann

    Ruedi Baumann 10/11/2016 18:36:29

    Es ist Zeit Zeichen zu setzen. Nur übergaben von Petitionen oder Demos reichen nicht mehr aus.
    Es braucht Mut, von allen, auch von der SEV Leitung.