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Luxembourg: les syndicats des transports ont manifesté contre le quatrième paquet ferroviaire

Non à la mise au concours systématique

Plus de 150 syndicalistes venus des pays de l’UE et de Suisse ont demandé aux ministres européens des Transports de maintenir l’attribution directe des concessions ferroviaires et d’inscrire des standards sociaux dans les mises au concours.

Les syndicalistes ont réussi à bien montrer leur présence...

C’est le 8 octobre à Luxembourg que le Conseil des ministres de l’UE débattait de la proposition de la commission européenne à propos du quatrième paquet ferroviaire, adopté en première lecture par le Parlement. Un point important est l’obligation de mise au concours des prestations ferroviaires dans le domaine du Trafic Voyageurs interne, demandé par la commission qui table sur des économies pour les pouvoirs publics grâce à davantage de concurrence, ainsi que sur des améliorations qualitatives.

Dangers multiples

Les syndicats et certaines entreprises ferroviaires sont contre cette obligation de mise au concours, qui n’améliorerait ni la qualité ni la sécurité de l’offre ferroviaire. Au contraire, les entreprises qui remporteraient les concessions grâce à des offres basses économiseraient sur la qualité et la sécurité, afin d’obtenir tout de même des bénéfices. Il y a aussi danger qu’elles veuillent économiser sur le dos du personnel. En cas d’attribution directe des contrats de prestations, ces risques sont bien moindres.

Davantage de concurrence ne peut que renforcer le dumping salarial et social, d’autant plus que la commission européenne a refusé de fixer des conditions d’engagement minimales pour remporter les mises au concours. Elle ne veut pas non plus inscrire l’obligation de reprise du personnel lors de changement d’entreprise. La commission laisse de telles directives au libre choix des différents Etats.

Ces deux décisions sont fortement critiquées par la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) : forcer les mises au concours sans chercher à empêcher que les entreprises économisent sur le dos du personnel et permettre de virer le personnel des lignes reprises est totalement antisocial!

Picorage autorisé

L’ETF demande également que les Etats obtiennent le droit d’empêcher les entreprises ferroviaires de se concentrer uniquement sur les lignes rentables et abandonner les prestations moins rentables. Ce genre de « picorage » constitue une grande menace pour les régions périphériques, qui risquent de voir leur offre en matière de transports publics se détériorer et même vivre des fermetures de lignes, sur demandes d’actionnaires privés avides de profits. Les Etats doivent pouvoir refuser de telles attitudes de la part des entreprises ferroviaires, car ils se retrouvaient alors à devoir fortement subventionner les lignes non rentables pour les maintenir.

Action efficace

Afin de rendre les ministres attentifs aux dangers de la libéralisation et de la concurrence, l’ETF s’était réunie pour une veillée, au matin du 8 octobre sur la Place de l’Europe à Luxembourg. Plus de 150 syndicalistes venus surtout du Luxembourg et de France, mais aussi d’Allemagne, de Grande-Bretagne, d’Italie, de Suisse, de Slovénie et de Hongrie, ont déployé banderoles et drapeaux.

Le président de la section rail de l’ETF, Guy Greivelding, a appelé les ministres à «ne pas sacrifier l’avenir du rail au nom de la libéralisation et de la concurrence». Alain Sutour, président du comité transport urbain de l’ETF, a demandé aux ministres de permettre à nouveau des attributions directes de concessions également au niveau des transports urbains.

Danger pour le rail suisse

Une délégation de quatre personnes venues de Suisse était également présente, même si la Suisse ne fait pas partie de l’UE. Barbara Spalinger, vice-présidente SEV, a expliqué cette présence face à une équipe de télévision de RTL : « Nous sommes solidaires avec nos collègues des pays de l’UE », a-t-elle expliqué. « Et il ne faut pas oublier que les paquets ferroviaires de l’UE influencent directement la législation suisse. Nous ne voulons pas que notre système ferroviaire, qui fonctionne bien, soit mis en danger par des directives illogiques comme une obligation absolue de mise au concours. »

Markus Fischer/Hes

Compromis insuffisant

Les ministres européens des transports se sont mis d’accord le 8 octobre sur un compromis permettant, parallèlement à la mise au concours des prestations ferroviaires dans le domaine du trafic voyageurs, de maintenir la procédure d’attribution directe des contrats de service public, mais à des conditions très restrictives : les autorités attribuant directement le contrat doivent prouver que la qualité ainsi que l’efficience économique de l’entreprise ferroviaire augmentent. Un organisme indépendant de l’Etat devra confirmer cela. Seuls les petits contrats affectant l’ensemble du réseau ferroviaire d’un (petit) pays pourraient échapper à cette exigence. Le Conseil des ministres ne veut pas non plus demander que des standards sociaux soient respectés lors de mises au concours, contrairement au Parlement. L’ETF espère pouvoir rajouter ce point-là lors du passage devant le parlement. Le Conseil des ministres des états de l’UE veut par contre continuer à donner la possibilité d’empêcher que les entreprises ferroviaires se concentrent uniquement sur les lignes rentables.

Et la suite ?

La version adoptée par le Conseil des ministres (et auparavant par le Parlement) du quatrième paquet ferroviaire arrive dans une nouvelle phase en novembre : les représentant(e)s du Conseil des ministres, du Parlement et de la Commission européenne élaboreront ensemble une nouvelle version commune qui repassera devant le Parlement début 2016. L’ETF continuera à se battre durant cette période à venir, afin d’obtenir des améliorations.

Fi/Hes